Les fauves sont à nos trousses et c’est notre indifférence qui nous tuera
InterviewMarc Levy a sorti le deuxième tome de sa trilogie “9”, “Le crépuscule des fauves”. On retrouve son équipe de hackers intrépides, justiciers des temps modernes. Ils cherchent à déjouer la conspiration des fauves, ces puissants qui s’attaquent à nos libertés individuelles. Marc Levy, féru d’actualité, s’attaque aux réseaux sociaux, au géant du commerce en ligne, à ceux qui vendent nos données aux plus offrants. On l’a appelé à New York pour continuer la discussion qu’on avait débutée ici.
Le livre débute par ces mots: “La dictature peut s’installer sans bruit”. Ils ne sont évidemment pas choisis par hasard...
C’est une réalité constante. C’est tout le propos du roman. On a tendance à ignorer l’importance des moyens économiques qui sont mis en œuvre pour déconstruire les démocraties. On le sait: la plus grande richesse de la planète est détenue par une toute petite partie des individus. Ils ne veulent plus juste être riches, ils veulent prendre le contrôle des démocraties. Murdoch disait: “Quand j’arrive à Downing Street, je leur dicte mes volontés, quand j’arrive au parlement européen, on m’écoute” et ça ne lui suffisait pas. Le père Murdoch et son fils Lachlan jouent un rôle important dans la déconstruction de la démocratie américaine. Fox est devenu une chaine de propagande.
Sous prétexte de nous rapprocher, Facebook fait exactement l’inverse. Vous pensez que Facebook a été créé pour ça: pour aliéner les esprits? Ou que le monstre a dépassé son maître?
Mark Zuckerbeg est quelqu’un de très pervers dans sa personnalité. Ça a toujours été en lui. Facebook ne s’est pas monté de façon innocente. Le modèle économique de Facebook est pervers mais est-ce que sa volonté était de démonter la démocratie? Je ne crois pas. Les gens qui travaillent là-bas ne se disent pas ça mais par contre, est ce qu’ils se foutent des conséquences? Oui, je le crois. Facebook a été créé pour se faire de l’argent en utilisant la vie privée des gens. Sans aucune question de moralité.
Quand vous parlez de Facebook alias Friendsnet dans le livre, vous écrivez: “C’est la peur qui nous tient en laisse”. C’est très actuel ça…
Oui mais attention, je ne parle pas de la pandémie. La pandémie, ce n’est pas un hoax, c’est une réalité. À New York, je voyais passer les ambulances en continu sous mes fenêtres au début de la pandémie. Il y a 700 voisins qu’on ne reverra plus dans notre quartier. Il ne faut pas confondre la vraie information avec la peur. Quand je parle de la peur, je parle de la peur de l’autre. On est tenus en laisse par des peurs qui sont entretenues, nourries, exagérées notamment par les réseaux sociaux. C’est l’un des dégâts de l’information en continu: l’info a besoin d’être médiagénique, accrocheuse. À force de mettre des bandeaux “urgent”, “flash spécial” sur des informations qui ne sont pas urgentes, on a perdu la mise en perspective de l’information et ça donne d’autant plus de voix à la fausse information.
Récemment, plusieurs sites français comme AlloCiné ou AuFéminin ont décidé de proposer un marché à leurs lecteurs: soit ils paient un abonnement, soit ils acceptent les cookies et la publicité ciblée. Qu’en pensez-vous?
Cette idée de la gratuité de l’information a été une formidable escroquerie. Moi, je suis partisan pour qu’il n’y ait que l’info payante qui existe. On me dira: mais toi, tu as les moyens. Mais il faut informer les gens, leur dire que tout ça, ce n’est pas qu’à des fins publicitaires, c’est de l’exploitation de leurs données tout court. C’est à des fins publicitaires mais aussi à des fins politiques. Aucun dirigeant de ces sites ne peut vous dire: je suis garant à 100% de vos données, je sais exactement à qui je les revends. Cambridge Analytics est le plus bel exemple. Et puis quelle escroquerie d’avoir choisi le mot cookie pour nommer un espion qui vient voler toute votre vie privée. Donc je dirais que le deal proposé par ces sites est évident: il faut payer l’abonnement. Mais vos données personnelles valent bien plus que deux euros.
Votre père était dans la résistance. Écrire des livres, et particulièrement cette trilogie, c’est votre façon de résister?
On ne peut pas comparer les deux choses mais disons que c’est ma façon d’être responsable d’un héritage qu’il m’a laissé et pour lequel il a payé un lourd tribut. Quand j’étais sur les bancs de l’école, je n’avais pas mes grands-parents. Je ne les avais jamais connus et on ne me disait pas pourquoi. J’ai compris à 14, 15 ans qu’ils avaient été arrêtés chez eux, torturés, gazés et brûlés. Quand j’ai demandé à mes profs: mais comment est-ce que le monde libre a laissé faire? Comment on a laissé monter le nazisme? L’excuse était de dire: on n’était pas indifférent, on ne savait pas. Aujourd’hui, on n’est pas ignorant, on sait. Et on est indifférent qui se passe en Syrie, à la montée des extrêmes, on est indifférent à la résurgence des partis d’ultra droite qui se fédèrent et qui reprennent de l’importance. On est indifférent à la montée du fascisme dans le monde. On est différent à la façon dont les populations sont manipulées. La promesse du “plus jamais ça”, elle n’a pas été tenue. Ce livre, c’est une façon de ne pas être indifférent, de témoigner, de partager.
Sur son parcours, l’une des hackeuses, Maya, rencontre une pédiatre de Syrie qui lui dit: “Qu’auriez-vous fait si on pilonnait vos villes, bombardait vos écoles, brûlait vos maisons? (...) Nous sommes victimes d’un tyran et pourtant vus comme les envahisseurs.” En quoi c’était important de parler de ça dans votre histoire?
C’était très important parce que ça fait partie du propos sur l’indifférence. Dans les grandes anomalies de l’histoire, il y a eu une erreur tragique de vocabulaire: on désigne ces gens par le terme de migrants au lieu de dire que ce sont des réfugiés. Il y a une grande différence entre les deux. Dans le mot migrant, il y a une notion d’envahisseurs; dans le mot réfugié, il y a une notion de désespoir. Comment peut-on penser que ces femmes, ces enfants qui se sont noyés en Méditerranée ont pris la mer pour nous envahir? Là où ils sont, ils sont violés, torturés, et il y a encore des gens qui s’indigent parce qu’ils prennent des bateaux. Évidemment que c’est important d’en parler: ils font partie de l’humanité. À quoi ça sert d’aller à l’église, à la mosquée, à la synagogue si vous les laissez se noyer? En écrivant, ces trois dernières années, je n’ai pas été indifférent. Je vous dis ça avec la plus grande humilité du monde. Ceux qui auront rencontré Joram ne verront plus les choses de la même façon…
On s’était parlés juste avant les élections américaines. Donald Trump qui n’a pas été réélu, ça veut dire que tout n’est pas perdu?
C’est le signe qu’en dépit de toutes les manipulations politiques, la voix démocratique a réussi à se faire entendre. Mais le combat est loin d’être terminé. Les républicains essaient de restreindre le droit de vote, ils veulent installer un régime comme en Russie et en Chine et ils ne renonceront devant rien pour y arriver. Mais ce qui est de bon augure, c’est de voir que la volonté du peuple américain a triomphé sur les manigances. La réélection de Trump et les quatre années suivantes auraient fait basculer l’Amérique, ça aurait mis fin à la démocratie américaine. Ça aurait changé des choses pour le monde entier et y compris pour le bloc européen, le seul bloc de démocratie réel pris en étau entre trois blocs autocratiques majeurs: la Russie, la Chine et les Usa. Parce qu’il faut le rappeler: il n’y a que 25% de la population mondiale qui vit en démocratie.
Le premier et le deuxième tome de “9” figurent dans le top des ventes. En sachant que vous proposez un style différent, plus engagé, ça vous fait quoi, cet accueil?
Ça me fait plaisir à plein de niveaux. D’abord parce que quand vous changez de genre, il y a une prise de risque importante. Quand le lecteur vous suit, c’est une gratification énorme. Ce changement de genre, c’est un contrat moral que j’ai passé avec mes lecteurs. La preuve: je l’ai fait dès le deuxième roman. Mon premier livre était une comédie légère, le deuxième se déroulait au Honduras et parlait de l’abandon et de la différence entre deux mondes. J’ai toujours fait ça. J’ai toujours accepté le risque qui allait avec. Quand je me remets à ma table de travail, il n’y a pas de calcul: la seule chose qui décide du livre que je suis en train d’écrire, c’est l’envie, le désir d’écrire, sans tricher.
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