On lui interdit le plaisir sexuel et la péridurale mais est-ce vraiment ça, croire en Dieu?
InterviewQuand Sixtine, jeune femme très pieuse, rencontre Pierre-Louis, elle se projette immédiatement dans l’avenir. Elle sait qu’elle sera heureuse avec cet homme sérieux, solide: ils partagent les mêmes valeurs. Ils se marient dans le rite catholique traditionnel et emménagent à Nantes. Sixtine déchante dès la nuit de noces, qui se révèle être un calvaire. Tout comme sa première grossesse, qui la rend malade et la dépossède de son corps. Les convictions catholiques de Pierre-Louis ne sont finalement pas celles que Sixtine imaginait: son mari est radical, extrême. Sous prétexte de “défendre les valeurs de la France”, il est violent, raciste, homophobe. Un événement tragique va pousser Sixtine à s’interroger sur sa foi et sur la foi, en général. Est-ce vraiment ça croire en Dieu? Dieu demande-t-il vraiment de se passer de la péridurale, du plaisir sexuel, de l’épanouissement personnel? “Bénie soit Sixtine” est un roman choc de la rentrée littéraire. Une fois ouvert, on ne peut plus le refermer. Maylis Adhémar raconte l’intérieur du milieu intégriste catholique et l’émancipation d’une femme que le milieu dans lequel elle a été élevée ne destinait pas à être libre. Si son propos est si juste et si bien documenté, c’est que l’histoire de Sixtine aurait pu être la sienne.
Partager par e-mail
“Ce n’est pas ma vie, je ne suis pas Sixtine mais j’ai grandi dans une famille catho, très traditionaliste, proche des milieux intégristes. Mes sœurs et moi, on allait dans des camps catholiques comme Sixtine, on côtoyait des prêtres et d’autres familles très rudes, avec des façons de penser très réactionnaires.” Maylis s’est échappée de ce milieu oppressant bien avant Sixtine. “On vivait à la campagne, dans un petit village du Sud-Ouest de la France. Sans le vouloir, de par l’emplacement géographique de là où on vivait, on était en contact avec des gens pas catholiques ou catholiques mais pas intégristes. J’ai ouvert mes yeux et j’ai fait mes choix. Avec Bénie soit Sixtine, j’ai eu envie d’imaginer une histoire qui pourrait être celle de toutes mes amies d’enfance qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école publique, qui ont fréquenté des écoles intégristes, qui n’ont connu que des filles de leur milieu, qui assistaient à la messe intégriste. Des filles qui n’ont aucune fenêtre sur le monde et qui n’ont donc aucune possibilité d’intégration. Ces femmes se sont toutes mariées dans leur communauté. Quand j’ai retrouvé ces filles qui avaient désormais plus de 30 ans, ça m’a fait un coup de voir qu’elles avaient suivi ce schéma très défini.”
Quand vous êtes-vous rendue compte que ce qu’on vous faisait croire était trop radical? Que ce n'était pas normal?
Petite, je ne m’en rendais pas compte. Mais à l’adolescence, c’était douloureux. Il y avait un côté schizophrène. Au collège, j’avais des amis, des copains, des copines qui écoutaient des musiques interdites, je n’avais pas les mêmes références qu’eux. Ils me parlaient de séries, de films, que je n’avais jamais vus, j’étais complètement décalée par rapport à eux. Et à la fois, j’allais dans des camps intégristes où j’avais l’impression de pas être assez catholiques. C’est compliqué de se positionner. À 17, 18 ans, j’avais envie de faire la fête, d’aller en boite, c’était des choses qui m’étaient interdites et ça allait de pair avec l’éveil de la féminité: j’avais envie de mettre des habits à la mode, de me maquiller. Tout ça était très mal vu. J’ai eu une espèce de révolte, une envie adolescente, de découvrir mon corps, d’avoir des petits copains. Je me suis rebellée. Ça a été une prise de conscience intellectuelle: par des lectures, des rencontres, j’ai compris les travers de ce milieu. C’est un milieu rétrograde, qui répète sans cesse que c’était mieux avant.
Vous avez rencontré d’anciennes amies pour construire le personnage de Sixtine. Que vous disaient-elles?
Quand j’avais 23 ans, j’étudiais, je m’étais émancipée. J’étais très différente d’elles. Quand je les voyais, elles me faisaient des discours hallucinants. Elles attendaient d’avoir un bon mari pour avoir une famille nombreuse. Elles étaient comme programmées, comme s’il n’y avait pas d’autres possibilités pour elles. Malgré les études qu’elles avaient faites, elles étaient conditionnées. On leur disait: vous n’êtes que des femmes, le mari est le chef de famille, vous ne connaitrez pas le plaisir sexuel parce que ça n’existe pas. Elles y croyaient.
Dans ces milieux-là, et vous en parlez longuement dans Bénie soit Sixtine, le plaisir sexuel de la femme est inexistant.
J’ai fait des enquêtes dans des églises intégristes avant d’écrire ce livre. J’y ai vu des panneaux qui donnent des infos sur la vie maritale, ménagère. J’avais des souvenirs de ce qu’on m’avait inculqué, enfant, et je l’ai constaté avec mes yeux d’adulte. C’est un travail d’enquête mélangé à mon regard d’enfant. Quand on grandit avec autant d’interdits, on est attiré par ça, et on ne cesse de se demander: est-ce que je suis dans le péché? J’ai eu envie que Sixtine comprenne que ce qui est bon, c’est son propre chemin. Je voulais qu’elle comprenne qu’elle doit trouver sa propre voie. Elle le dit à un moment: je m’abandonne à mon propre choix. Le péché, c’est une construction de l’Église catholique, et de différentes religions. Sixtine choisit de connaitre le plaisir et d’aimer Dieu aussi. Elle ne se dit pas: parce que je choisis de connaitre le plaisir, je ne peux plus être croyante. C’était important pour moi: je ne voulais pas abandonner la foi aux intégristes. Je ne veux pas qu’elle perde la foi à la fin. Ça, c’est mon chemin à moi. Mais c’était important que la foi ne soit pas l’apanage des intégristes.
Le mari de Sixtine lui annonce, quand elle est enceinte, que jamais, il ne portera son bébé en porte-bébé. Elle n’a pas droit de se plaindre de sa grossesse et elle n’a pas droit non plus à la péridurale. C’est vrai, ça: ils interdisent la péridurale?
C’est plus un truc de famille. Il n’y a pas de position de l’Eglise sur la péridurale, les intégristes n’ont pas une position officielle là-dessus mais au sein des grosses familles, c est très fréquent. Il y a de grosses pression sur la péridurale, sur l’allaitement. Il faut que les femmes souffrent. Elles doivent accepter la souffrance parce qu’elles sont marquées du péché originel. La péridurale est vue comme une hérésie par beaucoup de familles.
Le milieu catholique que Sixtine fréquente, c’est une secte?
Ça se rapproche des groupes sectaires. Ce qui est particulier, c’est que ce n’est pas un seul groupe, c’est plein de petites communautés. Xavier Dupont de Ligonnès, l’homme le plus recherché de France, était proche de groupuscules intégristes du Sud est de la France. Il y en avait une trentaine, la police n’a pas pu tous les perquisitionner en même temps. Ils sont présents partout sur le territoire et ils ont des comportements sectaires, ils restent entre eux, se marient entre eux et il y a un père spirituel, comme un gourou. Il y a une espèce de culte de sa personne qui fait penser à la secte. Le Vatican lui-même ne reconnait pas les intégristes, ils ont été excommuniés, ils sont très mal vus par l’Église.
Avez-vous eu peur de raconter cette histoire? Peur des représailles, peut-être?
Sur le coup, je n’y ai pas pensé. Je ne vois plus personne à part mes parents. Je ne vois plus mes amis d’enfance parce que c’est impossible de côtoyer ces gens-là avec la vie que j’ai aujourd’hui. Donc quand j’écrivais, je n’y pensais pas. Une fois le livre sorti, j’ai eu un peu peur. Quand j’ai reçu un premier message agressif, je ne me suis pas sentie très bien. Depuis, il y en a eu d’autres mais je passe au-dessus. C’était inévitable. Mais je l’ai écrit, après coup, pour tous ces enfants qui, chaque année, grandissent dans des familles intégristes où ils ne connaitront que l’opinion de leur famille sur la vie, sur la société. Ces enfants qui n’auront pas de choix. J’ai eu des messages de femmes et d’hommes qui en sont sortis. Ils ont été touchés de lire une histoire proche de la leur.
On ne va pas se mentir: sortir de ce genre de milieu est extrêmement difficile. Quels conseils donnerez-vous à ceux qui veulent connaître une autre vie?
La clé, c’est la fuite géographique: il faut partir loin. Même quand on est prêt, c’est très dur. C’est construire sans pour autant tout rejeter. C’est une autre clé: il faut essayer de comprendre comment nos parents sont tombés dans ces extrêmes sans pour autant leur céder quelque chose. Sixtine comprend des choses face à son arbre généalogique. Elle a une explication. Ça me semblait important de mettre un coup de projecteur là-dessus: comment une famille peut tomber dans un intégrisme tel? Comment quelqu’un peut choisir de s’enfermer en étant plus royaliste que le roi, en imposant des règles ultra strictes alors qu’il a connu autre chose?
Comment vos parents acceptent-ils votre vie, votre livre?
On est 4 filles, on s’est toute éloignées de ce milieu. Tout le monde met de l’eau dans son vin. Je me rends compte que le livre met un peu un terme à cette espèce de trêve sacrée. On préserve une paix sociale, il y a plein de choses qu’on ne dit pas. D’un côté, c’est bien, mais de l’autre, ça fait du bien aussi de leur dire certaines choses. Ils sont toujours catholiques, ils restent proches de ces milieux-là.
Gratis onbeperkt toegang tot Showbytes? Dat kan!
Log in of maak een account aan en mis niks meer van de sterren.Aussi dans l'actualité
-
Interview
Cette femme au destin exceptionnel a changé la vie de milliers d’enfants
Gabrielle, 30 ans, est infirmière dans le service de néonatologie intensive. Elle s’occupe des bébés nés bien trop tôt. Et de leurs parents aussi, souvent démunis et perdus, qui ne savent pas quoi faire pour bien faire. Gabrielle non plus, parfois; ne sait pas quel geste poser pour rassurer. “Dois-je sourire? Dire la vérité ou me taire? Poser une main sur son épaule ou m’abstenir?”, s’interroge-t-elle, alors qu’elle perd le sens d’un métier qui lui rappelle chaque jour son impuissance. Pétrie par les doutes, elle plonge dans le dernier manuscrit de sa mère dont elle fait tout un mystère. Elle raconte l’histoire de Thérèse Papillon, infirmière de la Croix-Rouge qui, en 1920, obsédée par la vision des enfants qui succombent dans la rue du froid, de la faim, de la tuberculose, ouvre une maison pour les accueillir et leur permettre de survivre et même mieux, de s’épanouir. Dans le dernier très joli roman de l’auteure belge Alia Cardyn, “Mademoiselle Papillon”, les destins de deux femmes se mélangent et se répondent. Gabrielle va puiser dans l’histoire de Mademoiselle Papillon pour retrouver la foi et la confiance. -
Interview
Son discours devant un auditoire de l’UCL a été vu des millions de fois, son livre vous encouragera peut-être à changer de vie
“Le monde n’a plus besoin de battants, de gens qui réussissent. Il a besoin de rêveurs et plus que jamais, de gens heureux.” Le 29 novembre 2019, quand Pedro Correa a pris la parole devant un auditoire de l’UCL rempli d’étudiants ingénieurs civils fraîchement diplômés, il espérait, bien entendu, convaincre son audience. Cet ancien project manager chez BNP ayant tout quitté pour vivre de sa passion, la photo, n’imaginait pas à quel point son discours allait faire écho et se répandre sur la toile: la vidéo de son intervention a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux pour être vue sept millions de fois. Pedro Correa sort aujourd’hui “Matins clairs”, un livre qui s’adresse à tous ceux qui veulent changer de vie. Interview. -
Interview
“Quand on grandit, on comprend que nos parents ont des failles”
Marie est prof. Elle est au travail quand on lui annonce que son père s’est suicidé. Après l’enterrement que Marie a organisé en mode automatique, elle sent sa vie se déliter. Elle qui avait déjà du mal, ces derniers temps, à supporter les cris de ses trois enfants, la routine, la fatigue, son mari qui ne la touche plus, les règles absurdes qui régissent son quotidien de prof, elle sombre, petit à petit. Comment faire pour retrouver l’énergie, quand c’est elle qui l’insuffle à sa famille d’habitude? Comment faire pour retrouver l’envie alors qu’en vieillissant, écrasée par le poids du quotidien, elle a mis de côté les rêves qui l'animait, enfant? Pourquoi son père a-t-il mis fin à ses jours sans un mot pour expliquer son geste? La vie qui reprend, avec ses faux-semblants et ses non-dits, la somnolence d’un quotidien sans saveur, Marie n’en peut plus. -
Interview
Maman d’un enfant handicapé, elle accueille un réfugié: “Les deux ont du mal à communiquer, je dois sans cesse essayer de les comprendre”
Samy a 15 ans. Autiste et polyhandicapé, il vit dans un établissement à 800 kilomètres de sa mère, Eglantine Eméyé, animatrice sur France 3. Elle avait raconté son histoire poignante dans un livre “Le voleur de brosses à dents”. Dans “Tous tes mots dans ma tête”, véritable ode à la tolérance, Eglantine Eméyé s’invite dans la tête de son fils et lui prête un dialogue avec Mohamed, un Irakien qu’elle a accueilli dans son foyer et qui a investi la chambre de Samy. “Je pensais avoir raconté tout ce qu’il y avait à raconter sur Samy”, nous confie Eglantine Eméyé. “Mais les gens continuaient à me demander de ses nouvelles. Je me suis dit que c’était bien si c’était Samy qui s’exprimait, qu’on comprenne le handicap, mais à travers lui. Dans le livre, Samy a 12 ans.” -
Les travailleurs de la santé, nouveaux héros de la bande dessinée Marvel
Depuis le début de la pandémie COVID-19, les travailleurs de la santé ont été sous les feux de la rampe, décrits comme des “super-héros” des temps modernes, affrontant courageusement le coronavirus en première ligne. Aujourd’hui, Marvel leur donne le véritable traitement de super-héros sous la forme d’une bande dessinée.
-
“Le problème avec les enfants, c’est qu’ils grandissent”
“Le problème avec les enfants, c’est qu’ils grandissent. Un beau matin, sans prévenir, ils mettent des trainings, répondent par onomatopée, écoutent de la mauvaise musique. (...) Ça vous déteste, ça vous méprise, c’est cruel un enfant qui grandit.” -
Interview
Pénétration, jouissance, désir et absence de désir: la gynéco qui dit stop aux idées reçues
Laura Berlingo, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, “veut changer la société”, comme l’indique le bandeau sur son livre “Une sexualité à soi”, fraîchement publié. Comment? En encourageant les hommes comme les femmes, les célibataires comme les couples, les hétérosexuels comme les homosexuels à penser à toutes ces choses qui font l’éducation sexuelle, la vie intime et le rapport sexuel. “Je ne suis pas en colère. Je dénonce rien”, dit celle qui s’est fait connaître par les podcasts “Qui m’a filé la chlamydia?" et “Coucou le Q”. “J’ai écrit ce livre parce que je me suis rendue compte d’un tas de choses au fil des ans. C’est mon métier de parler de ce qu’on considère comme de l’intimité. J’aime bien parler de ça avec mes amis, ma famille, mes patientes… Je me suis rendue compte qu’on passait souvent d’une norme à une autre. Parfois, en écrivant, je me disais: mais j’enfonce des portes ouvertes en fait. L’idée est vraiment de dire: réfléchissez à tout ça. Ce n’est pas un livre moralisateur.” -
Interview
“Dans 200 ans, si on est encore sur Terre, on étudiera comment, pendant 4 ans, le monde est devenu fou”
“Personne n’y croyait, surtout pas lui.” Quand Donald Trump a été élu président des États-Unis le 8 novembre 2016, la stupeur fut générale. Nicolas Vadot, dessinateur de presse en Belgique, se souvient du “choc” ressenti à 5 heures du matin ce matin-là. Il vient de sortir le recueil des meilleurs dessins de presse qu’il a consacrés à ce président que personne n’avait vu venir: Les années Trump. Nicolas Vadot y écrit: “Trump a transformé le métier de dessinateur de presse: quand on le représente, ce n’est plus de la caricature, mais du simple dessin d’observation.”