Comment bien associer le fromage et le vin? Les conseils d’Étienne Boissy, “Meilleur ouvrier de France”
À l’approche des fêtes de fin d’année et, même en comité ultra-restreint, des festins de Noël et du Nouvel An, nous sommes allés à la rencontre d’Étienne Boissy de la fromagerie “From Comptoir”, à Saint-Gilles (Bruxelles). Distingué “Meilleur ouvrier de France” en 2004, il est en effet plutôt bien placé pour évoquer les accords fromages et vins, moment incontournable des plaisirs de la table.
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Quelles sont les grandes règles à respecter pour un bon accord fromages et vins?
Étienne Boissy: “Il faut tout d’abord distinguer et bien avoir en tête les différentes familles de fromages, avant même d’évoquer leur degré d’affinage. Il y en a huit au total, dont six nous intéressent vraiment pour concevoir un accord. Premièrement, je citerais les chèvres: picodon, crottin de Chavignol, pélardon, chabichou du Poitou, saint-maure... Deuxièmement, les pâtes molles à croûte fleurie: camembert, brie, brillat-savarin, chaource... qu’on reconnaît à cette moisissure de pénicillium qui les recouvre. Troisièmement, les pâtes molles à croûte lavée, dont tous les fromages d’abbaye, à l’odeur intense: munster, maroilles, fromage de Herve, livarot, mont-d’or, langres, pont-l’évêque, époisses... Une tradition souvent liée à la vie monacale et à ce rituel qui consistait à frotter le fromage avec de l’eau saumurée et de l’alcool, avec de la bière, en Belgique. Ensuite viennent les pâtes pressées cuites, au lait caillé chauffé à 50°c (comté, beaufort, gruyère suisse, emmental, abondance, parmesan...) qui bénéficient d’une longue conservation et qui développent cet acide aminé caractéristique après 18 mois d’affinage: la tyrosine. Attention, même si le “millésime” est souvent mis en avant (12, 18, 36 mois), la mention de la saison importe plus, selon moi (NDLR: voir plus bas). Puis, il y a les pâtes pressées non cuites, comme la tomme de Savoie, le saint-nectaire, le salers, le cheddar, le cantal, le morbier, la mimolette, l’ossau-iraty ou le reblochon (si, si...). Et enfin, les pâtes persillées alias le “bleu”: bleu de Gex, bleu d’Auvergne, bleu des Causses, roquefort, stilton, fourme d’Ambert, etc.”
“Commencer par un chèvre et un blanc sec”
“Je commencerais toujours par un chèvre avec un vin blanc sec pour s’ouvrir les papilles. Dans le Mâconnais (chardonnay) et le Sancerrois (sauvignon), vous trouvez à la fois de bons vins et de bons fromages de chèvre. Ça manquera peut-être un peu d’originalité pour les fins connaisseurs mais les accords régionaux ont l’avantage d’être facile à retenir et de rassurer la plupart des gens en cas d’hésitation ou d’indécision.”
“Monter crescendo, en même temps que les vins”
“Après, on enchaîne sur une pâte molle à croûte fleurie. On se laisse guider par les vins, on monte crescendo en même temps que la puissance du cru ou du cépage. Le choix d’un second verre de blanc pourrait se porter sur un chardonnay, de Bourgogne ou d’ailleurs, mais surtout un peu plus gras et doté d'une belle structure pour le marier avec un langres, un époisses ou un brillat-savarin truffé, par exemple.”
“Un saint-joseph avec un saint-nectaire, c’est superbe”
“Pour le troisième verre et pour accompagner une pâte pressée non cuite, pourquoi pas un saint-nectaire fermier, j’opterais plutôt pour un rouge. Sur un saint-joseph (Rhône nord, cépage syrah) vieux de quelques années, c’est superbe! Dans le doute, le gamay, ça passe sur tout! Dans la Loire, l’appellation saumur-champigny (cépage cabernet franc) est très polyvalente également.”
Bière et maroilles, cidre et camembert
“Le vin n’est évidemment pas le seul accompagnement possible. Prenez l’exemple d’une pâte molle à croûte lavée, disons un maroilles: une bière blonde ou ambrée offrira un très bel accord. Un cidre, particulièrement le “Sydre de Bordelet” avec un camembert, c’est merveilleux! Et ça fusionne tout aussi bien sur un livarot ou un pont-l’évêque. Je ne suis pourtant pas un grand fan de cidre mais j’aime placer cette association en milieu de dégustation pour rafraîchir un peu les papilles. Un ‘trou normand’, en quelque sorte. J’aime l’idée de proposer pour un vin, deux fromages, soit six verres et douze fromages. Puis, on en discute, c’est le plus intéressant finalement.”
“Un rouge puissant sur une pâte persillée: la catastrophe!”
“En fin de dégustation, on termine par les pâtes persillées et le choix d’accord est vaste. Il faut surtout éviter un rouge puissant, c’est la catastrophe! Je privilégierais la fraîcheur sucrée, soit plutôt un jurançon qu’un sauternes. Mais un côteaux-du-layon (vin moelleux de Loire) ou un cru d’Alsace issu de vendanges tardives peuvent aussi parfaitement convenir. Le roquefort ou le stilton avec un vin doux naturel comme le banyuls ou le rivesaltes, c’est fabuleux. Un porto avec une fourme d’Ambert aussi.”
Y a-t-il des associations de fromages à éviter?
“La difficulté sur un plateau de fromages, c’est de trouver un vin fédérateur à toutes ces catégories très différentes. Un gamay, un cépage aux vins gouleyants et peu tanniques, pourrait éventuellement limiter les dégâts. Mais ce qu’il faut surtout bannir c’est un vin jeune et tannique. C’est l’ennemi du fromage! Ça provoque des saveurs désagréables, beaucoup d’amertume en bouche, un goût ferrique, une curieuse réaction chimique. Mais l’accord avec un vieux bordeaux aux tanins fondus pourrait néanmoins fonctionner. Je trouve d’ailleurs que les fromages en début de repas, lors de l’apéritif, c’est une bonne idée. Imaginons une planchette composée d’un chèvre, d’une pâte dure (un comté), d’une pâte molle à croûte fleurie, un brillat-savarin ou un coulommiers. Il est plus facile d’apprécier le fromage à ce moment-là de la soirée et de l’accompagner sans commettre d’erreurs.”
Quelles sont les saisons idéales, par catégorie de fromage?
“Il est plus important, selon moi, de privilégier la saison d’origine du fromage plutôt que son degré d’affinage (12, 18, 36 mois). Au printemps, le fromage de chèvre est à son apogée, après la naissance des chevreaux en février-mars. L’hiver, les chèvres n’ont plus de lait, elles sont taries. Les fromages de chèvre commercialisés sont donc issus de lait conservé. En été, on peut dire que tous les fromages sont bons: les animaux vivent à l’air libre dès le printemps et broutent l’herbe fraîche: ça se ressent sur la qualité du lait. En automne, les bleus, comme le roquefort, arrivent à maturité, après quatre ou 6 mois d’affinage. En hiver, on se rabat tranquillement sur les fromages à longue conservation, comme les pâtes pressées cuites. Un bon mont-d’or à la cuillère!”
Quels sont vos accords fromages et vins préférés?
“Le premier qui me vient à l’esprit n’est certainement pas le plus original mais c’est un incontournable classique à connaître: un vieux comté sur un vin jaune (cépage savagnin), c’est l’idéal en fin de repas. Le vin, en outre, surmonte aisément tous les précédents en intensité. Dans un autre registre, je pense à un pélardon un peu crémeux avec un vin blanc sec, un mâcon ou un saint-véran sur la fraîcheur. Un charolais fermier ou un picodon iraient tout aussi bien. L’accord entre un roquefort et un banyuls (vin doux naturel), c’est magique. Comme un époisses flambé au cognac.”
Et les raclettes dans tout ça?
“Je n’ai jamais vécu ça en France! Je suis épaté par l’amour des Belges pour la raclette. Il faut dire que ça crée du bonheur et du réconfort, surtout en ces temps troublés. Je propose ici une dizaine de variétés de fromages: raclette fumée, frottée au vin blanc, d’alpage du Valais, au morbier, au bleu de Gex ou à la fourme de Montbrison. Je suggère généralement d’en prendre trois ou quatre sortes. C’est suffisant, il ne faut pas trop s’éparpiller. Je privilégie des fromages arrivés à maturité. Deux ou trois mois d’affinage, c’est mieux. Et 200 grammes par personne, minimum, auxquels vous pouvez ajouter 100 grammes de charcuterie.”
Et on boit quoi sur une raclette?
“Des vins simples plutôt, des côtes-du-rhône, ou du beaujolais, brouilly par exemple, en rouge. Pour les blancs, optez pour une roussette de Savoie, un chignin-bergeron ou des vins de régions de raclette. La garantie d’un bel accord.”
136, chaussée de Charleroi, 1060 Saint-Gilles (Bruxelles)
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