Le prince Gabriel et la princesse Amalia en couple? Cette loi de 1830 pourrait leur mettre des bâtons dans les roues
Si l’on en croit les tabloïds allemands et argentins, le prince Gabriel, 18 ans, et la princesse héritière néerlandaise Amalia, 17 ans, seraient en couple. Une union présumée qui remet une question ancienne et délicate sur le tapis. Les membres des familles royales néerlandaise et belge ne sont pas autorisés à se marier, en vertu d’une loi datant de... 1830. Et il n’est pas question d’en changer.
RédactionDernière mise à jour:10-11-21, 10:38Source:HLN
Mais en quoi consiste cette loi? Peu après la déclaration d’indépendance de la Belgique en 1830, le Congrès national - qui a ensuite établi la Constitution - a publié un certain nombre de décrets qui ont réduit les restrictions de liberté imposées par le régime de Guillaume Ier. Parmi celles-ci, on retrouve le décret n° 5 du 24 novembre 1830, qui stipule que “les membres de la Maison d’Orange-Nassau sont à jamais exclus de tout pouvoir ou autorité en Belgique”. En d’autres termes, les membres de la famille royale néerlandaise ne peuvent exercer aucune position de pouvoir dans notre pays, comme les postes gouvernementaux, les fonctions politiques ou la monarchie. En 1830, le message adressé aux Néerlandais qui briguaient le trône était clair : allez voir ailleurs. 190 ans plus tard, la règle s’applique toujours. Si Amalia et Gabriel se fréquentent réellement, comme l’a avancé cette semaine le magazine allemand Gala, une éventuelle demande en mariage se terminera par un fiasco... du moins selon la Constitution.
Pour les experts juridiques, changer cette loi relèverait d'une procédure délicate. Un avis rendu par le Conseil d’État en 1993 a montré que le décret a un statut constitutionnel, et ne peut donc être aboli qu’en modifiant la Constitution elle-même. Cela signifie qu’à la fin d’une législature, il devrait être soumis à une révision et le Parlement devrait approuver un amendement à la majorité des deux tiers.
Il serait humain d'adapter ce décret. Aujourd'hui, nous avons de bons contacts avec la famille royale néerlandaise.
Herman De Croo, Ancien Président du Parlement belge.
Au cours des trente dernières années, un certain nombre de parlementaires ont proposé d’abolir ce décret. Les anciens ministres Vincent Van Quickenborne (Open Vld) en 2003 et Bart Tommelein (Open Vld) en 2006 voulaient également donner à nos enfants royaux le droit à un avenir avec un prince ou une princesse néerlandais. “Au regard du droit international, une loi qui ne s’applique qu’à une seule famille nommée est particulièrement contestable”, avait alors argumenté ce dernier.
Mais la proposition ne pourra jamais compter sur une majorité des deux tiers. Et l’ancien président du Parlement et ami de la monarchie, Herman De Croo, croit deviner pourquoi. “On ne peut tout simplement pas s’en sortir. Cela peut créer des précédents: si vous révisez ce sujet, pourquoi pas un autre? Alors qu’il est en réalité impossible de le conserver, et qu’il serait humain de l’adapter. Aujourd’hui, nous avons de bons contacts avec la famille royale néerlandaise. Mais sur le papier, c’est dans la loi. Les plis de l’histoire ont été aplanis.”
Discrimination
“Peut-être n’est-elle pas considérée comme une priorité”, ajoute Jogchum Vrielink, professeur de droit de la discrimination à l’université Saint-Louis Bruxelles. “Tous les amendements constitutionnels sont lourds, et d’autres amendements pourraient être prioritaires”. Il n’empêche que le décret est discriminatoire, selon le professeur. “[Cette loi] viole les règles de libre circulation et la Convention européenne des droits de l’homme. D’autant plus qu’elle est très large: elle concerne toute forme de pouvoir. Maintenant, je ne pense pas que, s’il y a des intentions de mariage, elles seront arrêtées par le décret. Mais en attendant, elle restera sur le papier et il est juste de la lever”.
“Si ça va jusque-là, quelque chose va bouger”, ajoute Herman De Croo. Et s’ils se marient réellement, l’un d’entre eux pourrait devoir renoncer au trône pour les empêcher, eux et leurs enfants, de diriger deux pays.