Anciens amis, nouveaux rivaux? Prigojine, le patron de Wagner, pourrait bien lorgner la place de Poutine

Un entretien accordé le 14 mars à Russia Today, RIA Novosti, a fortement attiré l’attention de l’Institut pour l’Étude de la Guerre (ISW). Le groupe d’experts américain y a repéré des similitudes étonnantes avec l’attitude du président actuellement au pouvoir. “Pendant l’interview, Prigojine a semblé imiter la façon dont le président russe Vladimir Poutine filme ses réunions publiques chorégraphiées”, souligne l’Institut.

Plusieurs raisons pourraient être liées à ce comportement, selon le groupe de réflexion. L’homme d’affaires pourrait soit “se moquer discrètement de Poutine” soit “suggérer subtilement qu'il pourrait devenir président russe comme Poutine”. Prigojine, qui a reconnu avoir créé une “ferme à trolls” sur Internet, pourrait également utiliser le style “cinématographique” du dirigeant russe dans le but de lancer une “campagne de trolls pour s’en prendre au Kremlin, ou d’établir des parallèles tacites entre lui et le bureau de la présidence russe”.

Alors, vaste blague ou réelles ambitions? Début mars, Prigojine a annoncé vouloir se présenter à l’élection présidentielle ukrainienne de 2024. Il s’agit sans aucun doute d’une provocation de la part du militaire de 61 ans, mais pour Anton Gerashchenko, conseiller du ministère ukrainien de l’Intérieur, la “déclaration de M. Prigojine est destinée à détourner l’attention de ses ambitions politiques en Russie, où il rêve d’accéder au pouvoir et peut-être de devenir le successeur de Poutine”.

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Le patron de Wagner a par ailleurs laissé entendre qu’il ne renonçait pas à ses ambitions politiques en Russie. Dans un récent message vidéo, il a déclaré que Wagner “se transformera de la meilleure armée privée du monde en une armée dotée d’une idéologie et cette idéologie sera la lutte pour la justice”.

“Il cherche à poser un pied dans l’espace du national-populisme, en proie à des luttes intestines depuis la mort en avril 2022 de Vladimir Jirinovski, le leader historique du LDPR”, parti ultranationaliste, estime Maxime Audinet, de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM), interrogé par l’AFP. “Cette partie du spectre politique russe est potentiellement très prometteuse pour l’après-Poutine”.

“Prigojine est devenu beaucoup trop indépendant, ce qui a rompu l’équilibre entre les clans de l’élite”, avance Andrei Kolesnikov, chercheur principal au Carnegie Endowment for International Peace (Fondation Carnegie pour la paix internationale). “Seul Poutine peut décider des limites à ne pas dépasser.”

Depuis des semaines, Evgueni Prigojine critique le ministère de la Défense russe pour son refus de fournir des armes supplémentaires à Wagner. Le mois dernier, il a même accusé les hauts responsables russes de “trahison” pour avoir prétendument privé “délibérément” les combattants de Wagner de munitions. Il est pourtant depuis longtemps un proche allié de Vladimir Poutine.

Lundi, le patron de Wagner a apporté son soutien à Maria, une fille de 13 ans placée à cause d’un dessin à l’école contre l’offensive en Ukraine. Selon lui, les Russes doivent avoir le droit de critiquer les responsables militaires de l’offensive en Ukraine, et ce, malgré l’introduction d’une nouvelle législation répressive.

“J’estime que la loi sur la ‘discréditation’ ne doit pas s’étendre au commandement, c’est-à-dire à moi-même, au ministre de la Défense et aux autres responsables qui font ou peuvent faire des erreurs lors de l’opération militaire spéciale (en Ukraine)”, a indiqué Evgueni Prigojine à la mi-mars. “À leur sujet, il faut pouvoir dire ce que la société estime indispensable. Seul le soldat est sacré. Il ne faut pas toucher le soldat”, a-t-il ajouté, cité par son service de presse sur Telegram.

Considéré comme une menace politique en Russie, le Kremlin ne voudrait plus lui venir en aide et l’a même interdit de recruter dans les prisons, sa principale source de recrues. Il a également été privé de munitions et ravitaillements. “Pour m’empêcher de demander plus d’armes, ils ont coupé nos téléphones dans tous leurs bureaux. Je ne dirai pas qui sont les responsables pour ne pas les discréditer, mais je peux demander des munitions que par l’intermédiaire des médias désormais”, a-t-il fustigé dans une vidéo.

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