Ce que l'on sait du camionneur qui aurait fait exploser le pont de Crimée

Sur les images de l’explosion qui s’est produite sur le pont de Crimée reliant la Russie à la péninsule annexée samedi matin, on distingue un camion blanc. Il était conduit par Mahir Yusubov. Il s’agit d’un Azerbaïdjanais de souche de 51 ans né en Géorgie, mais qui a longtemps vécu en Russie. D’abord dans la ville de Kazan et depuis environ deux ans à Krasnodar, à deux cents kilomètres à l’est du pont. L’homme est mort dans l’explosion et, selon les autorités russes, c’est dans son camion que les explosifs étaient cachés. Selon la Russie, il n’était pas au courant. Il pensait qu’il transportait des palettes de rouleaux de films d’emballage.

Selon les services de sécurité russes, la cargaison provenait de Bulgarie et le chauffeur l’a récupérée à Armavir, à 200 kilomètres à l’est de Krasnodar. Le camion n’était pas à son nom, mais à celui de son neveu Samir, 26 ans. Et l’accord pour assurer le transport a été signé par sa femme, Naiba Rachman-Kyzy Pashajeva. Mais rien de suspect là-dedans, selon les sources pro-Kremlin: l’homme avait d’importantes dettes après un accident avec le camion d’un autre.

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Ce qui est suspect, en revanche, c’est la manière dont il a obtenu cette livraison. Elle a été publiée jeudi sur ati.su, un site web consacré à l’offre et à la demande de transport. C’est la firme TEK-34 qui lui a demandé de conduire la cargaison à Simferopol en Crimée. Mahir Yusubov aurait répondu dix minutes plus tard, selon Rucriminal, un site d’information russe consacré aux affaires criminelles, critique à l’égard du régime et suivi sur Telegram par un demi-million de personnes. Le chauffeur devait empocher 48.000 roubles (un peu moins de 800 euros) pour livrer la cargaison le vendredi.

S’il avait respecté cet ordre, M. Yusubov aurait traversé le pont le jour de l’anniversaire du président Vladimir Poutine. Mais il a décidé de passer la nuit dans le village de Svetlyi Put Lenina, à quelques kilomètres du pont. La société TEK-34 soulève également des questions. Elle a cessé ses activités en 2020 et a soudainement repris en mars de cette année. Un mois après le début de la guerre en Ukraine. Et bien qu’elle soit basée dans la ville d’Oulianovsk, dans le sud-est de la Russie, l’ordre de transport vers la Crimée aurait été envoyé depuis un ordinateur à Moscou, à 750 kilomètres de là.

Si les services de sécurité ukrainiens ont organisé l’explosion, comme le prétend la Russie, ils auraient donc utilisé une entreprise russe comme couverture. Le conseiller du président Volodymyr Zelensky, Mykhailo Podolyak, a rapidement démenti. Il a tweeté samedi que le coupable devait être recherché en Russie, insinuant que l’attaque fait partie d’une vendetta entre le ministère russe de la Défense et l’agence de renseignement FSB.

Certains experts doutent également que l’explosion ait pu être causée par le camion. Sur la vidéo, elle semble se produire juste à côté du véhicule et les dommages indiquent plutôt un impact par le bas. Les images d’une caméra de surveillance filmant le pont de côté montrent quelque chose ressemblant à un navire juste avant l’explosion. S’il pourrait s’agir d'une simple illusion d'optique, l’extrait rappelle toutefois un mystérieux engin découvert en Crimée le mois dernier.

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Il s’agissait d’une sorte de kayak couvert qui s’est échoué sur une plage près de Sébastopol le 21 septembre dernier. Le gouverneur de la ville, nommé par les Russes, a déclaré qu’il s’agissait d’une “pièce d’un navire sans équipage” qui avait été remorquée en mer pour être soumise à une détonation contrôlée. Ce dernier point suggère qu’il contenait des explosifs. Le ministère britannique de la Défense a indiqué que les Russes avaient déplacé une série de sous-marins de Sébastopol vers une autre base peu de temps après, alimentant ainsi les spéculations selon lesquelles le mystérieux engin serait une arme secrète ukrainienne.

Des spécialistes de la défense tels que Rob Lee, attaché au département de la guerre du King’s College de Londres, continuent de croire à une attaque par le haut. Mais même cela ne doit pas nécessairement être un camion qui explose. Chuck Pfarrer, ancien commandant des US Navy Seals, pense que le pont a été mitraillé par un missile. Il tire cette conclusion en partie d’un trou visible dans un morceau du tablier du pont. Ce missile aurait été tiré en direction de Kherson, ce qui, selon l’expert, pourrait signifier que l’armée ukrainienne a obtenu les missiles ATACMS tant réclamés - des engins sol-sol de haute précision et d’une portée de 300 kilomètres.

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