“Celui qui déserte prendra une balle”: des images montrent le recrutement de soldats dans une prison russe

Les images ont été publiées sur la chaîne Telegram de Dvach, le plus grand forum d’images anonymes de Russie. Grâce à la géolocalisation, leur provenance a pu être déterminée. La scène a été immortalisée à la colonie pénitentiaire numéro 6 de Mari El, une république autonome de l’ouest de la Russie.

Selon le site d’information russe indépendant “Mediazona”, les images sont issues de l’entourage du leader de l’opposition Alexei Navalny et ont été enregistrées et remises par un détenu. Les journalistes d’investigation de Bellingcat soutiennent que ce sont les recruteurs eux-mêmes qui sont à l’origine du document vidéo.

L’homme qui recrute les soldats pour le front semble être l’homme d’affaires Yevgeny Prigozhin, très proche de Vladimir Poutine. Fournisseur des cuisines du Kremlin par le passé, il est également connu comme le chef du président russe. De nombreuses puissances occidentales le soupçonnent d’être le financier du groupe mercenaire Wagner, déjà actif en Syrie, en Libye et maintenant en Ukraine.

Dans l’extrait, on aperçoit le recruteur dire explicitement qu’il représente la milice privée. Il propose ensuite aux détenus une grâce en échange de six mois de service sous contrat. Les détenus ont cinq minutes pour se décider. “Celui qui va de l’avant, celui qui est le plus audacieux, survit le plus souvent”, lance-t-il.

“Le premier péché est la désertion”, poursuit le recruteur. “Personne ne réfléchit à deux fois et personne ne recule devant le front. Personne ne se rend. Pendant votre formation, vous entendrez parler des deux grenades que vous devez porter si vous vous faites prendre. Le deuxième péché concerne les drogues et l’alcool. Vous ne devez pas en consommer durant les six mois que vous passez sur le front. Le troisième péché est le pillage, en ce compris tout contact sexuel sur place, de quelque nature que ce soit.”

Après six mois, les mercenaires sont graciés et autorisés à rentrer chez eux, à moins qu’ils n’expriment le souhait de rester dans la milice. “Personne ne retourne en prison. Celui qui va au front et qui, le premier jour, dit que ce n’est pas un endroit pour lui de toute façon, est considéré comme un déserteur et prend une balle.”

La question de la mort sur le terrain est abordée très crûment: “Les morts seront amenés dans le lieu établi par vous, dans votre testament, conduits à votre famille, ou directement enterrés à l’endroit souhaité”. Et pour qui demande des garanties, la réponse est limpide: “Vous voulez savoir si quelqu’un est en mesure de vous sortir vivants de prison? Oui, il y en a deux: Allah, et Dieu. Moi, je peux vous emmener vivants sur le front, mais non, je ne vous ramènerai pas tous en vie”.

“Les premiers condamnés qui ont combattu avec moi, c’était le 1er juin dernier, à la centrale électrique de Vuhlehirska”, avance le recruteur. “Quarante gars costauds d’une prison de haute sécurité de Saint-Pétersbourg. Ils se sont élancés dans les tranchées ennemies armés de couteaux. Trois sont morts et sept ont été blessés. L’un d’eux avait 52 ans. Il avait déjà passé 30 ans en prison. Il est mort en héros.”

Selon les calculs de Mary Ilyushina dans le Washington Post sur base d'informations de différentes ONG, quelque 7.000 à 10.000 détenus ont déjà accepté de rejoindre les rangs russes.

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