Contrairement à ce que le Kremlin veut faire croire, les sanctions occidentales mettent à mal l’économie russe

L’étude universitaire détaillée est parue en prépublication sur le Social Science Research Network (SSRN) et doit encore être examinée par d’autres scientifiques. Mais le lieutenant général Marc Thys, numéro deux de la défense de notre pays, entre autres, la qualifie déjà de “document très intéressant” qui montre que les sanctions fonctionnent, “malgré le spectacle de bonnes nouvelles soigneusement construit par Moscou”.

Selon les chercheurs, depuis l’invasion, le Kremlin ne diffuse que des rapports positifs sur son économie en balayant toutes les données défavorables. “Cela créé l’idée que le front international contre la Russie a dégénéré en une bataille d’usure économique qui fait surtout des ravages à l’Ouest, en raison de la résilience et de la prospérité supposées de l’économie russe”, écrivent les chercheurs. “Ce n’est pas correct. Les projections économiques basées sur les chiffres du Kremlin sont irréalisables et beaucoup trop favorables à la Russie.”

Comment se porte l’économie russe, cinq mois après l’invasion et l’introduction des sanctions occidentales? Très mal, selon les chercheurs.

La position stratégique de la Russie en tant qu’exportateur de matières premières s’est irrévocablement détériorée. “Elle doit maintenant combler la perte de ses marchés clés. Le pays est également confronté à des défis majeurs alors qu’il cherche à se tourner vers l’Asie, avec des exportations non substituables telles que le gaz.”

Les importations russes ont également lourdement chuté. “La Russie doit aujourd'hui obtenir des pièces et des technologies cruciales dont elle a besoin auprès de partenaires commerciaux réticents. Cela entraîne des pénuries d’approvisionnement généralisées dans l’économie nationale”, selon le rapport.

Pendant ce temps, la production nationale s’est complètement arrêtée. “Poutine ne parvient pas à remplacer les entreprises, les produits et talents qui ont été perdus, malgré ses illusions d’autosuffisance et de remplacement des importations. Tout cela a entraîné une hausse des prix et la crainte des consommateurs.”

En effet, le millier d’entreprises internationales qui ont quitté la Russie représentent environ 40% du produit intérieur brut (PIB), selon les calculs des chercheurs. “En conséquence, presque tous les investissements étrangers des trois dernières décennies ont été perdus. Dans le même temps, une fuite sans précédent des capitaux et des populations a eu lieu. Il s’agit d’un exode massif de la base économique du pays.”

En réponse, Poutine aurait recours à des “mesures fiscales et monétaires drastiques et clairement insoutenables”. “Mais cela ne peut empêcher un déficit du budget de l’État pour la première fois depuis des années et l’épuisement de ses réserves de trésorerie”, peut-on lire. “Malgré les prix élevés de l’énergie. Les finances du Kremlin sont en bien pire état qu’on ne le croit.”

Cette année, les marchés financiers russes seraient donc les moins performants au monde, malgré un contrôle strict des capitaux. “Ils reflètent la faiblesse persistante de l’économie, avec une contraction de la trésorerie et du crédit. En outre, la Russie est coupée des marchés financiers internationaux, ce qui limite les possibilités d’exploiter les capitaux.”

Selon l’étude, l’avenir ne s’annonce pas très réjouissant non plus. “Tant que l’Occident continuera à présenter un front uni en maintenant et en augmentant la pression des sanctions, la Russie ne pourra pas sortir de l’oubli économique”, concluent les chercheurs. “Quiconque prétend que l’économie russe a déjà rebondi ne dit pas la vérité. Elle vacille et ce n’est pas le moment de se relâcher.”