Doit-on s’inquiéter des nouvelles variantes? Quel impact sur le vaccin? Les virologues font le point
L’inquiétude grandit autour des nouvelles variantes du coronavirus. Au Royaume-Uni, une souche se répand rapidement. Une autre provenant d’Afrique du Sud, probablement encore plus contagieuse, a été ajoutée à la liste mercredi. Les virologues Marc Van Ranst et Johan Neyts font le point sur ce que l’on sait.
Luc BeernaertDernière mise à jour:24-12-20, 12:29Source:HLN
La variante sud-africaine est-elle beaucoup plus contagieuse ?
Les mutations peuvent rendre un virus plus contagieux ou plus dangereux. Heureusement, la combinaison des deux est moins fréquente. “Les virus ne veulent pas nous tuer ou nous rendre malades. Ils ne veulent que se multiplier. Un virus qui tue son hôte se tue aussi lui-même. Il ne peut donc pas se propager ailleurs. C’est pourquoi les virus les plus mortels sont souvent moins contagieux”, explique Marc Van Ranst.
On dit que la variante britannique est jusqu’à 70 % plus contagieuse, mais pour moi, cela n’a pas été prouvé de façon concluante
Marc Van Ranst
Johan Neyts ajoute: “Selon le comité scientifique du gouvernement britannique, la variante britannique pourrait également être plus contagieuse pour les jeunes. Si c’était le cas, la même chose pourrait être possible pour la variante sud-africaine. Mais il est encore difficile de comparer les deux variantes et de dire que l’une est plus contagieuse que l’autre. Ce n’est pas non plus un concours. Ils se propagent tous les deux plus rapidement que la souche originale. Les deux variantes présentent la même mutation, bien que tout porte à croire que les variantes ont été créées indépendamment l’une de l’autre”.
Van Ranst a des doutes sur la contagiosité de la variante sud-africaine. À cette période de l’année, les jeunes Sud-Africains organisent traditionnellement de grandes fêtes pour célébrer la fin de l’année, et les règles de distanciation sociale peuvent être rapidement bafouées.
“Dans chaque épidémie, il y a des moments où les gens commencent à parler de quelque chose de plus dangereux que le virus original. On dit que la variante britannique est jusqu’à 70 % plus contagieuse, mais pour moi, cela n’a pas été prouvé de façon concluante. Le comportement des gens pendant ces fêtes en Afrique du Sud fait prospérer le virus. Le facteur important reste notre comportement. Je n’oserais pas dire avec certitude que la variante sud-africaine est plus contagieuse, pour cela il faut faire des tests sur les animaux”.
Si la souche est déjà présente, nous devrons nous conformer encore plus étroitement aux mesures
Johan Neyts
“De toute façon, la souche la plus forte prend le dessus, on le voit avec la grippe. Il est difficile de distinguer les effets des mutations sur la circulation du virus, d’une part, et le comportement humain, d’autre part. Face à une nouvelle souche, nous ne devons pas forcément agir différemment. En Belgique, nous sommes encore trop laxistes en matière de tourisme. Le filtrage laisse beaucoup à désirer à nos portes d’entrée. Quand on voit combien de personnes à l’aéroport de Charleroi se sont entassées pour partir en voyage, on sait que les conseils de ne pas voyager ne fonctionnent pas. D’ailleurs, ce sont les mêmes personnes qui se plaignent que cela prend autant de temps. Ils vont en vacances et apportent le coronavirus, peu importe sa variante, voilà exactement pourquoi cela prend autant de temps”.
Les Britanniques font beaucoup plus de surveillance génétique que nous, sur environ 5 % de tous les échantillons de virus. Chez nous, c’est environ 0,6 %, ce qui est encore beaucoup plus élevé que dans beaucoup d’autres pays
Marc Van Ranst
La variante sud-africaine est-elle déjà apparue ici ?
Les deux cas de la variante qui a fait surface au Royaume-Uni mercredi ont récemment été en contact avec des personnes ayant voyagé d’Afrique du Sud au Royaume-Uni. Dans notre pays, quatre personnes ont jusqu’à présent été infectées par la souche britannique.
Neyts : “Il reste à savoir si cette variante sud-africaine circule déjà ici. Plus nous identifions les variantes, plus nous avons une idée de leur circulation dans notre pays. Si la souche est déjà présente, nous devrons nous conformer encore plus étroitement aux mesures visant à prévenir une flambée des cas”.
Le système de recherche génétique particulièrement performant au Royaume-Uni et en Afrique du Sud donne-t-il une réalité déformée ?
Le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud disposent tous deux d’un système performant pour la recherche génétique des échantillons positifs de coronavirus. Le “séquençage” britannique est énorme : ils mènent des recherches plus approfondies sur les résultats d’un test coronavirus et cartographient le code génétique du virus par personne.
C’est le consortium COG-UK, une collaboration entre des agences gouvernementales et des universités, qui a “découvert” le mutant britannique. Le consortium a été créé cette année pour trouver et analyser des variantes de la Covid-19. Le gouvernement britannique a investi 20 millions de livres dans le projet. Plus de la moitié des séquences de virus dans le monde proviennent du Royaume-Uni, ce qui explique qu’une telle mutation y est rapidement découverte.
Van Ranst: “Les Britanniques font beaucoup plus de surveillance génétique que nous, sur environ 5 % de tous les échantillons de virus. Chez nous, c’est environ 0,6 %, ce qui est encore beaucoup plus élevé que dans beaucoup d’autres pays. Nous le faisons dix fois plus que les Néerlandais. L’Afrique du Sud est à peu près le seul pays africain qui effectue un tel contrôle”. Selon Van Ranst, il est donc fort probable que les deux variantes circulent déjà dans de nombreux autres pays, sans que personne ne le sache.
Dès que vous commencez à vacciner à grande échelle, vous créez une pression immunitaire dont le virus tente de s’échapper en se modifiant
Marc Van Ranst
Devrions-nous nous inquiéter de l’efficacité du vaccin ?
Selon M. Van Ranst, il y a de bonnes chances que le vaccin soit également efficace contre ces variantes, bien que les entreprises pharmaceutiques doivent encore en apporter la preuve.
Neyts: “Pour l’instant, nous ne savons pas, les deux variantes sont maintenant traitées en laboratoire. Ce n’est qu’alors que vous pourrez vérifier si les anticorps présents dans le sang des personnes vaccinées sont capables de neutraliser les nouvelles variantes. Comme tout le monde, j’espère que ce sera le cas. Mais ces variantes peuvent accumuler les mutations, qui peuvent être un tremplin vers de nouvelles variantes moins sensibles au vaccin. Nous devons être vigilants à ce sujet”.
Mais les variantes ne rendront soudainement pas un vaccin inefficace. Il est possible en revanche qu’un vaccin devienne moins efficace. Par exemple, l’efficacité du vaccin Pfizer pourrait passer de 95 % à 70 ou 80 %, ce qui est toujours bon. D’autre part, de plus en plus de mutations apparaîtront dès que nous commencerons à vacciner.
Van Ranst: “Dès que vous commencez à vacciner à grande échelle, vous créez une pression immunitaire dont le virus tente de s’échapper en se modifiant. Nous devons cartographier au mieux ces nouvelles souches afin de savoir lesquelles échappent à l’action du vaccin”.
Les restrictions de voyage sont très utiles, avec ou sans variantes
Johan Neyts
Ces mutations pourraient-elles affecter la politique sur les voyages?
Les voyages sont le moyen de transport idéal pour tout type de virus. C’est précisément pour cette raison qu’ils sont fortement déconseillés. Mais pas interdit. Neyts: “Les restrictions de voyage sont très utiles, avec ou sans variantes. Moins nous voyageons, moins les nouvelles variantes ont de chances de se répandre. Avec les restrictions de voyage imposées au Royaume-Uni, nous gagnons du temps, ce qui nous permet de voir comment leur variante se répand. Regardez la variante du vison qui est apparue au Danemark, où l’animal a été enfermé pendant un certain temps pour l’empêcher de se propager”.
Van Ranst: “Fermer pendant un certain temps serait certainement utile. Les gens prennent l’avion là où d’autres règles sont en rigueur. De plus, sans interdiction de voyager, vous créez une forme d’inégalité sociale. Tout le monde ne peut pas aller au Qatar en avion pour faire comme si de rien n’était”.