Elle enterrait ses ennemis vivants: une baronne de la drogue livre ses secrets

Raquel n'avait que 11 ans quand a été vendue par sa grand-mère à un gangster de Rocinha, qui était à la tête d'une loterie illégale, le "jogo do bicho", traduisez "le jeu de la bête". L'homme, qu'elle surnommait "parrain", lui a rendu sa liberté. Pour survivre dans ce coupe-gorge, elle a reçu une arme afin de pouvoir se défendre.

"Ce qui m'est arrivé quand j'étais enfant était très ordinaire. Et ça se passe encore aujourd'hui", explique Raquel dans la presse anglaise. "Des filles de 10 à 13 ans se prostituent encore pour une ligne de coke. Des mères de famille envoient leurs propres filles sur le trottoir".

"Les femmes ne valaient rien à l'époque"
A l'âge de 15 ans, elle abat un homme qui tentait de la violer, ce qui marque en quelque sorte le début de son parcours criminel. L'individu lui avait donné de la marihuana, pour qu'elle puisse assouvir tous ses fantasmes. "Mais cette fois-là, je n'étais pas été défoncée. Du coup, c'était lui ou moi", raconte-t-elle.

"Tuer un homme à 15 ans ne veut rien dire. Il a essayé de me violer. (...) À Rocinha, le crime organisé a toujours été un monde d'hommes. Il en va de même pour le trafic de drogue. Les femmes ne valaient rien à l'époque. Elles se faisaient souvent violer. Les mecs emmenaient une fille dans une maison, lui faisaient fumer du cannabis avant de la faire tourner; ils pouvaient être une vingtaine. À cette époque, les femmes étaient considérées comme des objets dont on pouvait se débarrasser à tout moment. Aujourd'hui encore, des filles taillent des pipes en échange d'un peu de coke" (sic), prolonge-t-elle sur un le site français vice.com.

Une rencontre qui change sa vie
Dix ans plus tard, un homme va changer sa vie. Elle tombe sous le charme d'Ednaldo de Souza, le boss du trafic de drogue local qu'elle avait rencontré étant encore gamine. Connu sous le nom de "Naldo", il a été l'un des premiers à se balader avec un fusil d'assaut HK, en lieu et place du revolver classique. Alors qu'elle a 25 ans, et qu'elle est déjà mère de deux enfants (issus d'un précédent mariage), il devient son compagnon.

Trois ans plus tard, en 1988, après la mort d'Ednaldo de Souza, lors d'un accrochage avec la police, elle a pris le relais et a poursuivi ses activités meurtrières. Son business a pris de l'ampleur, au point d'avoir 19 personnes sous ses ordres.

"La coke, c'était bon pour ma libido"
Très vite, Raquel a elle aussi sombré dans les abîmes de la cocaïne. "C'était bon pour ma libido", explique-t-elle. Contrainte de laisser la gestion de ses affaires à d'autres, elle reconnaît avoir utilisé des méthodes atroces pour sauver son business. "Le trafic de drogue est fait de sang et de morts", confie-t-elle. Un jour, elle a même demandé à trois jeunes, qui avaient volé des autoradios, de creuser un trou... pour les enterrer vivants.

Aujourd'hui, il ne reste quasi plus rien du trafic de cocaïne. A cause de son addiction à la drogue, Raquel a tout perdu. "Tout ce que j'ai gagné, je l'ai perdu. Le père de mon fils m'a incité à boire. Du coup, j'ai suis devenue alcoolique. Je lui ai appris à mon tour à consommer de la coke".

"Il faut comprendre l'histoire de Rio"
Après des années de thérapie et de cures de désintoxication, elle réside toujours à Rocinha. Aujourd'hui, elle raconte ses aventures et son idylle avec "Naldo" dans un livre intitulé "Number One" , un roman autobiographique qui vient de sortir au Brésil.

"Il est impossible de comprendre ce que représente Rio de Janeiro si nous ne comprenons pas son histoire. La jeunesse est minée par la violence policière et la drogue. Si nous voulons un avenir pour Rio, il faut jeter un coup d'œil dans le rétroviseur", explique Julio Ludemir, qui l'a aidée à réaliser ce livre.