Embargo russe: une arme à double tranchant
L'"embargo total" de la Russie sur les produits alimentaires occidentaux a été présenté par les autorités comme une réponse nécessaire aux sanctions à son encontre, mais il pourrait bien se retourner contre les consommateurs russes et déstabiliser l'économie.
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Ces interdictions de grande ampleur visant la totalité des pays de l'Union européenne, les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Norvège, n'ont été décidées que parce que Moscou y a été acculé, selon le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, qui a laissé la porte ouverte au dialogue.
Le Premier ministre a par ailleurs choisi d'en rester au stade de la menace quant à une autre sanction initialement envisagée, l'interdiction du survol du territoire russe par les compagnies aériennes occidentales reliant l'Asie - une décision qui priverait la société Aeroflot d'une rente de près de 300 millions de dollars par an selon les analystes -.
"Politiquement, il était nécessaire de répondre aux sanctions occidentales. Il s'agit de fierté nationale et de souveraineté plutôt que d'économie. Lorsqu'un pays est présenté comme un paria, il se doit de répondre", affirme la politologue indépendante Maria Lipman.
La Russie avait déjà utilisé l'arme commerciale en interdisant les importations de plusieurs produits alimentaires en provenance de l'UE sous couvert de "protection des consommateurs", mais n'avait jamais procédé à un embargo aussi large.
"Les autorités ont choisi un secteur dans lequel les pertes sont tolérables. En outre, ces mesures de rétorsion seront très clairement efficaces", poursuit Mme Lipman.
Un peu moins de 10% des exportations agricoles de l'UE sont destinées à la Russie, soit l'équivalent de près de 12 milliards d'euros par an, selon les chiffres de la Commission européenne. Les producteurs de fruits et légumes, de fromage et de viande de porc sont particulièrement exposés.
Les autorités russes ont pour leur part présenté l'embargo comme une "occasion unique" pour accélérer la substitution des importations par une production locale qui recevra une aide de l'Etat. Dmitri Medvedev a promis que le gouvernement s'efforcerait d'"empêcher la hausse des prix".
Les économistes estiment toutefois que ces interdictions auront avant tout un impact sur les catégories les plus défavorisées de la population russe, dont une grande partie des revenus va à l'achat de nourriture. "On pourrait voir une hausse des prix sur ces produits de 20-30%, en particulier sur les fruits et légumes", affirme l'économiste Igor Nikolaïev, directeur de l'Institut d'analyse stratégique FBK. "La substitution des importations par la production intérieure n'est rien d'autre qu'un conte de fées", estime-t-il, rappelant que les récentes décisions du gouvernement ont aggravé le fardeau fiscal des agriculteurs.
"Pour soutenir les agriculteurs, il faut de l'argent. Or, il n'y en a pas", note M. Nikolaïev. L'argent disponible a déjà été affecté à d'autres besoins et les banques d'État russes ne peuvent plus emprunter à long terme sur les marchés financiers occidentaux en raison des sanctions, rappelle-t-il.
Les experts ont également averti que des mesures protectionnistes provoqueraient une hausse du taux d'inflation en Russie (qui était le mois dernier de 7,8% sur un an).
"La rhétorique protectionniste de la Russie gagne en puissance", ont estimé jeudi dans une note les analystes de VTB Capital, ajoutant que les restrictions ont jusqu'ici été la "principale cause de la hausse des prix des produits alimentaires en Russie".
Les récents sondages ont toutefois montré que les Russes ne craignaient pas les sanctions prises contre leur pays, les économistes considérant que leurs effets ne se feront sentir que plus tard dans la population.
"Beaucoup de produits vont nous manquer, c'est vrai, mais, d'un autre côté, nous ne pouvions pas rester sans rien faire" face aux sanctions, assure Tatiana, une Moscovite de 48 ans.
"On peut aussi faire en Russie des produits de bonne qualité, nous n'avons pas besoin de l'Occident", affirme Alexeï, un étudiant de 20 ans.
"Par rapport à ce qu'on pouvait attendre, cet embargo est une réponse mesurée", estime de son côté Maria Lipman. "La Russie a envoyé un message à l'Ouest : nous pouvons vous faire mal, et vous pouvez nous faire mal. Peut-être devrions nous commencer à parler ensemble".
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