Gérer la crise sans lockdown: l’exception suédoise, un exemple à suivre?

Des bars et restaurants ouverts, des terrasses remplies, en Suède, au premier coup d’œil, la crise sanitaire n’est pas évidente. Pourtant, le pays est également touché par la pandémie de coronavirus. Les autorités ont simplement choisi une alternative au blocage (quasi) complet. Si le confinement de la population n’est pas d’actualité,  le gouvernement appelle cependant chacun à “prendre ses responsabilités” et à suivre les recommandations des autorités sanitaires comme la distanciation sociale. Toute personne présentant des symptômes est également invitée à rester chez elle. 

Quelques mesures ont tout de même été imposées comme l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes et les visites dans les maisons de retraite. Mais les écoles primaires, les magasins, les cafés, les restaurants et les bars restent ouverts.

“La propagation du virus est lente ici”, assure le virologue suédois Anders Tegnell, appelé à s’exprimer par le German Marshall Fund, une institution américaine de politique publique. “L’individu a une grande responsabilité dans la maîtrise du virus. Beaucoup de choses ont été accomplies sur base volontaire par la population. Cela est lié à la tradition suédoise et au haut niveau de confiance que les citoyens accordent à l’État.”

“Nous avons demandé aux restaurants de surveiller le nombre de clients et de ne plus servir de nourriture aux personnes assises au bar”, poursuit-il. Les stations de ski ont décidé, malgré l'absence de consignes, de fermer leurs portes. “Nous ne leur avons pas demandé de faire cela, elles l’ont fait de leur propre chef”. 

Cette approche, qui permet à l'économie de continuer à tourner, est-elle suffisante pour ralentir la propagation du virus et soulager les services hospitaliers? Jusqu’à présent, les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients et la saturation n’est pas redoutée. 

“Nous pouvons maintenant supposer que nous avons atteint le sommet à Stockholm et que nous sommes sur le plateau. Le nombre d’admissions dans les hôpitaux et dans les unités de soins intensifs est en constante diminution. Nous devons encore attendre et voir ce qui se passe dans le reste de la Suède.” 

12.540 infections et 1.333 décès ont été enregistrés en Suède (NDLR: 10 millions d’habitants) depuis le début de la pandémie. À titre de comparaison, le Danemark (5,8 millions d’habitants) compte un peu plus de 7.000 cas confirmés et 321 décès. La Norvège (5,3 millions d’habitants) dénombre 6.798 infections enregistrées et à peine 150 morts. Le virologue défend l'approche suédoise en comparant le bilan avec ceux d'autres pays comme l’Espagne, l’Italie et la Belgique.

Dans les maisons de retraite, la situation s'avère toutefois alarmante. “Plus d’un décès sur deux a été répertorié dans des maisons de retraite, surtout dans la région de Stockholm”. Le virologue attribue ce lourd tribut à un manque de formation du personnel et peut-être à une barrière linguistique. “Mais nous devons mener une enquête approfondie. Nous ne considérons pas cela comme un échec de notre politique, mais comme un échec du fonctionnement de nos maisons de retraite. Nous recevons des signaux du Danemark qui nous indiquent qu’ils ont eux aussi de plus en plus de problèmes dans les centres de soins résidentiels”.

Les pays actuellement plongés dans une quarantaine stricte sont confrontés à un défi majeur, le déconfinement. “En Suède, ce problème est presque inexistant”, se félicite Anders Tegnell. “L’avantage de l’approche suédoise, c’est qu’il est moins nécessaire d’assouplir les mesures. Contrairement à d’autres pays, nous pouvons facilement les maintenir pendant des mois, voire des années, sans nuire à notre société ou à notre économie. Si la courbe continue à s’aplatir et que la population est plus immunisée, les mesures peuvent aussi être facilement éliminées.”