Jordan, enfermée dans “la maison d'horreur” pendant 17 ans, est désormais influenceuse sur TikTok

Quiconque parcourt les dizaines de vidéos figurant sur son profil ne se douterait jamais que des souffrances indicibles se cachent derrière ce sourire radieux. Et pourtant: cela fait exactement quatre ans aujourd’hui que Jordan a mis en œuvre son plan d’évasion.

Elle savait que sa meilleure chance de s’échapper était de sortir par la fenêtre de sa chambre et d’appeler un numéro d’urgence. Mais en même temps, elle aurait besoin de la preuve que des enfants et des jeunes adultes y sont détenus dans des conditions misérables. Les âges des treize enfants variaient de 2 à 29 ans.

Le 14 janvier 2018, Jordan a mis son plan à exécution, sachant que c’était “maintenant ou jamais”. Sa mère lui avait confié qu’ils allaient déménager en Oklahoma le lendemain. “Il y avait de fortes chances que certains de mes frères et sœurs ne survivent pas parce qu’ils souffraient de malnutrition et étaient fortement affaiblis”. 

Deux de ses sœurs étaient enchaînées au lit parce qu’elles avaient volé des bonbons à leur mère. À l’aide d’un autre vieux smartphone qu’elle avait pu récupérer, elle a pris une photo de la scène. Ensuite, elle a mis des oreillers sous la couverture de son lit pour faire croire qu’elle dormait, avant d’enfiler des vêtements propres et de s’enfuir, sac à dos sur les épaules, par la fenêtre. Une fois sortie, elle s’est mise à courir. 

“Je ne savais pas quelle direction prendre”, se souvient Jordan. “J’avais tellement peur. J’ai essayé d’appeler le numéro d’urgence, mais je n’ai pas pu au début parce que je tremblais tellement”.

Finalement, Jordan a réussi à joindre les services d’urgence. Le dispatcheur lui a alors demandé d’attendre la police à un endroit en particulier. En attendant, elle lui a raconté l’horreur qu’elle a vécue, précisant que ses parents la tueraient s’ils savaient qu’elle avait appelé la police. 

Lorsque le premier policier est arrivé, elle lui a immédiatement montré le téléphone, plein de photos et de vidéos qu’elle avait prises d’elle-même et de ses frères et sœurs, pour prouver les abus et sévices qui leur avaient été infligés. 

Des renforts ont immédiatement été appelés et, peu de temps après, la police a fait une descente au domicile des Turpin. Ce que les officiers ont vu a défié toute imagination. Ils ont trouvé les sœurs sur la photo avec des poignets meurtris et ils n’ont pas tardé à découvrir les chaînes qui avaient été utilisées pour les attacher. Dans une autre pièce, il y avait un garçon avec des chaînes autour des poignets et des chevilles. Il avait été attaché à un lit. Pendant un mois ou plus, comme il s’est avéré. Quelques instants plus tard, David et Louise Turpin ont été emmenés menottés. 

En avril 2019, les parents de la “maison de l’horreur” ont été condamnés à la réclusion à perpétuité avec une peine de sûreté de 25 ans, pour avoir infligé des tortures à douze de leurs treize enfants pendant des années.

Mais comment vivaient les Turpin? La famille ne se couchait généralement que vers 4 ou 5 heures du matin et se levait tard dans la journée. Leur vie se déroulait principalement dans l’obscurité. Si les enfants étaient autorisés à sortir, c’était après le coucher du soleil - lorsque la plupart des voisins dormaient - et sous surveillance. Parfois, les voisins les voyaient dans une des pièces de la maison, courant autour d’une table. Cela ne ressemblait pas à un jeu, mais à un exercice militaire ou à un rituel. 

Les enfants n’allaient pas à l’école, ils étaient scolarisés à domicile. Ce n’était pas illégal, car le père David avait reçu la reconnaissance officielle pour enseigner dans son école surnommée “Sandcastle School”. Il était le seul enseignant de l’école et ses enfants étaient les seuls élèves. Ils n’apprenaient que la Bible. Quelques enfants s’entraînaient à apprendre le livre par cœur.

Les enfants étaient autorisés à manger une petite portion de nourriture une seule fois par jour. Seuls l’enfant de 2 ans et les parents eux-mêmes mangeaient à leur faim. Les deux chiens de la famille étaient également bien nourris. Selon un ancien voisin, deux autres chiens que la famille a possédés se nourrissaient de couches usagées. Les enfants souffraient tous d’insuffisance pondérale. L'une des filles de 22 ans ne pesait que 37 kilos. Cette famine extrême a dû se produire au cours des deux dernières années. Jusqu’en 2016, les Turpin prenaient des photos de famille et celles-ci montraient des enfants maigres, mais qui n’étaient certainement pas affamés.

Mais les affamer n’était apparemment pas suffisant. Lorsque les enfants étaient tous enchaînés, les parents ont osé mettre des tartes aux pommes et à la citrouille devant eux. Finalement, ils les mangeaient eux-mêmes devant leurs enfants.

Une fois par an, les enfants étaient autorisés à prendre une douche ou un bain. Le lavage était autorisé, mais seulement des mains. L’eau au-dessus des poignets était punie. La punition consistait à battre et à étrangler, mais aussi à attacher. Au début, ils utilisaient des cordes, mais après qu'un enfant soit parvenu à se dégager, les parents sont passés aux chaînes et aux cadenas.

Lorsque la famille sortait, lors d’un voyage à Disneyland, par exemple, les enfants portaient des vêtements identiques. Lors d’un de ces voyages, ils portaient tous des t-shirts rouges avec le mot “chose” écrits dessus et un numéro en dessous. Il s’agissait à l’origine d’une référence humoristique à deux personnages d’un célèbre livre américain pour enfants du Dr Seuss - La Chose Un et La Chose Deux de “Le Chat au Chapeau” - mais il s’agissait d’une preuve horrifiante de la manière dont ils considéraient leurs enfants: comme des objets.

Aujourd’hui, les enfants du couple diabolique vont mieux. Jordan fait des études et aimerait devenir écrivaine ou coach de motivation. Elle est également populaire sur TikTok où elle réalise des vidéos joyeuses dans lesquelles elle danse. Le mois dernier, elle a remercié tous ceux qui ont contribué à la fondation de la CJAY, un fonds créé pour apporter un soutien financier aux enfants Turpin.

“Cela va beaucoup nous aider”, a-t-elle déclaré. “Les gens me demandent souvent comment vont mes frères et sœurs maintenant. Nos conditions de vie ne sont pas idéales, mais au moins nous avons un toit sur la tête. Nous pouvons manger et nous en sommes très reconnaissants. Avec l’argent, je peux acheter un cadeau pour tout le monde, merci pour ça!”

Rescapée de la “maison de l’horreur”, l’une des soeurs Turpin raconte son évasion: “Je tremblais tellement”