Karadzic retrouvera ses frères d'armes et ses ennemis

L'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, qui devrait être transféré bientôt au centre de détention du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) à La Haye, retrouvera derrière les barreaux de nombreux frères d'armes et quelques ennemis.

Arrêté lundi à Belgrade treize ans après son inculpation, Radovan Karadzic, 63 ans, est attendu dans les jours qui viennent au centre de détention de Scheveningue, dans la banlieue de La Haye.

Aux abords de ce bâtiment retranché derrière de hauts murs et auquel on n'accède que par deux massives portes en acier, de nombreuses équipes de télévision battent déjà la semelle.

Le nom de Radovan Karadzic est associés à deux des plus tragiques épisodes de la guerre en Bosnie (1992-1995), qui a fait près de 200.000 victimes: le génocide de Srebrenica (Bosnie orientale) au cours duquel près de 8.000 hommes et adolescents de la communauté musulmane furent exécutés, et les 43 mois de siège de Sarajevo (1992-1994), qui a fait quelque 10.000 victimes.

Plusieurs de ses futurs co-détenus sont accusés d'être directement impliqués dans ces atrocités.

Parmi eux, sept officiers et hauts responsables de l'entité séparatiste serbe Republika Srpska (RS), présidée par Radovan Karadzic, dont le procès est en cours. Quatre d'entre eux, Vujadin Popovic, Ljubisa Beara, Drago Nikolic et Vinko Pandurevic, sont accusés de génocide pour leur implication dans les massacres de Srebrenica.

L'ancien général serbe de Bosnie Zdravko Tolimir serait lui aussi coupable de génocide, selon le procureur. Arrêté en mai 2007, il attend au centre de détention le début de son procès.

L'ultra-nationaliste serbe Vojislav Seselj sera aussi du comité d'accueil. Son procès pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, commis entre autres à Sarajevo, est en cours.

Plusieurs condamnés attendent à Scheveningue leur transfèrement vers la prison où ils purgeront leurs peines. L'un d'eux, Stanislav Galic, un général condamné à vie pour le pilonnage de Sarajevo, saluera vraisemblablement Radovan Karadzic avant son départ.

Le général Ante Gotovina, héros de la guerre de Croatie et ennemi juré du projet de grande Serbie fomenté par Karadzic avec l'aide du président yougoslave Slobodan Milosevic, patiente lui aussi au centre de détention.

Il a combattu les Serbes séparatistes dans la Krajina croate et est responsable, selon le procureur, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis lors de la reconquête de cette région. Son procès a commencé en mars.

L'accueil risque d'être glacial de la part de l'ex-général musulman bosniaque Rasim Delic, dont les hommes se seraient rendus coupables de l'exécution de soldats serbes bosniaques.

Radovan Karadzic aura par contre manqué de peu l'ancien commandant Naser Oric, considéré par la communauté musulmane comme un héros pour avoir longtemps défendu Srebrenica mais accusé de crimes par les Serbes. Oric a été acquitté début juillet par le chambre d'appel du TPI.

Enfin, le bras armé de Radovan Karadzic lors du massacre de Srebrenica manque encore à l'appel: le chef militaire Ratko Mladic, en fuite.

Le quartier pénitentiaire, où logent les accusés, "présumés innocents" par le TPI, n'a pas l'aspect spartiate des prisons, et permet de se côtoyer largement dans les salles de récréation, de sport, à l'échoppe, les cellules restant ouvertes pendant la journée.

Bien que certains se trouvaient pendant la guerre dans des camps opposés, une fraternité yougoslave, liant des hommes qui ont tous maille à partir avec la justice internationale, semble y régner.

Elle leur permet de fêter Noël tous ensemble chaque année lors d'un banquet organisé par les détenus.

Lors du décès de Slobodan Milosevic en mars 2006, plusieurs de ses anciens ennemis, détenus à La Haye, avaient provoqué la stupeur du monde extérieur en signant des condoléances publiées dans deux journaux serbes. (afp)