La chute du gouvernement tchèque fait douter l'Europe

La chute du gouvernement tchèque, qui assure la présidence tournante de l'UE, a jeté le doute sur la capacité de Prague de mener à bien ses tâches européennes, notamment l'organisation d'un sommet avec les Etats-Unis, mais aussi la ratification du traité de Lisbonne.

Le Premier ministre déchu Mirek Topolanek a assuré mercredi matin au Parlement européen que "cette situation n'aura pas d'impact sur la présidence", sans toutefois parvenir à rassurer totalement les députés. "Ce n'est pas une tragédie", a-t-il insisté, promettant de poursuivre "les affaires comme d'habitude" ("business as usual").

La crise tchèque risque pourtant de compliquer sérieusement sa mission. En vertu de la constitution nationale, le président de la République, Vaclav Klaus, doit maintenant confier à des responsables politiques le soin de former une nouvelle coalition. M. Topolanek pourrait être chargé de cette mission, et, s'il échoue, le social-démocrate Jiri Paroubek pourrait être amené à chercher une majorité de rechange.

La situation de M. Topolanek ne tient qu'à un fil. Issu du parti de centre-droit ODS, il est pris en tenaille entre la dissidence eurosceptique au sein de ses propres rangs, menée par le président Klaus, et l'opposition de gauche qui espère se servir de la crise pour accéder au pouvoir.

Dénouer cet écheveau requerra toute son attention, alors qu'il doit aussi affronter les nombreux défis de sa présidence européenne, notamment l'organisation d'un important sommet avec le président américain Barack Obama, le 5 avril prochain à Prague. Européens et Américains devront alors prendre de nouvelles décisions sur le financement de la lutte climatique, mais aussi sur le bouclier anti-missile américain, dont l'une des bases doit précisément être située en République tchèque, ce qui constitue une autre source d'instabilité politique nationale!

La crise a aussi jeté une ombre sur la ratification du traité de Lisbonne. La République tchèque est le seul Etat membre, avec l'Irlande, qui n'ait pas encore définitivement entériné le texte. Si, jusqu'à présent, l'attention s'est surtout portée sur l'Irlande, où le traité devra passer la rampe d'un nouveau référendum, les obstacles semblent désormais de plus en plus infranchissables en Tchéquie.

Déjà voté à la Chambre, le traité doit y être approuvé par le Sénat, où il se heurte à une forte résistance. Il devra surtout être signé par Vaclav Klaus, un homme qui a promis de toute faire pour s'y opposer.

Dans ce contexte, les nouvelles règles institutionnelles n'entreront en vigueur au plus tôt qu'au début de l'année 2010. La nouvelle Commission européenne, qui sera mise sur pied après les élections de juin prochain, le sera par conséquent sur base du traité de Nice, ce qui constitue encore un autre défi pour la présidence.

Car tout les Etats membres souhaitent aujourd'hui conserver un commissaire européen, comme le prévoit le traité de Lisbonne. A l'époque de Nice, il avait été prévu que la taille de la Commission serait réduite.

M. Topolanek a confessé mercredi son impuissance face à cette situation inédite. Interrogé par les députés, il n'a pas pu expliquer comment serait composée la prochaine Commission, faisant état d'un "vacuum juridique".

Les prochains mois promettent d'être délicats pour les dirigeants de l'UE, mais aussi pour les juristes qui devront résoudre un nouvel imbroglio politico-institutionnel. (belga)