La guerre en Ukraine à travers les yeux d'un chef de char russe: “Nous sommes attaqués depuis trois heures, ils nous b***”

Le documentaire “The Occupant” montre des images uniques de la vie militaire russe, notamment de la guerre dans l’est de l’Ukraine. Le char du lieutenant Yuri Shalaev est neutralisé par les Ukrainiens. Shalaev doit alors se cacher dans un village pour échapper à l’ennemi qui finira par l’arrêter.

Les images de son téléphone - dont la récupération violent des règles de la Convention de Genève qui interdit l’utilisation d’images de prisonniers de guerre à des fins de propagande - ont atterri dans les mains du journal ukrainien Ukrayinska Pravda qui les a éditées et mises en ligne. La vidéo de 24 minutes a été visionnée plus de deux millions de fois, y compris en Russie.

Selon un journaliste du journal ukrainien, ce documentaire ne visait pas à rendre les “occupants” plus humains, ni à discréditer l’armée russe. “L’histoire a pris forme à travers les vidéos et montre un visage différent de l’armée russe, l’armée de Poutine”, ont expliqué les réalisateurs. “Nous l’avons montré tel qu’elle est.”

Nous voyons le monde à travers les yeux de Yuri Shalaev qui, en tant que très jeune commandant d’une unité de chars, sert pour la première fois à Chali, en Tchétchénie. Son récit commence en mai 2021, dix mois avant le début de la “mission militaire spéciale” en Ukraine. Nous découvrons un jeune homme qui a une fille, sort avec sa femme et ses amis et a tendance à boire beaucoup. Il surprend sa fille Masha avec un nouveau vélo, est complètement ivre avec son oncle, s’amuse avec des amis sur un hors-bord et chante des chansons dans la voiture.

Shalaev est ce que l’on appelle un cadet du Kremlin, il a étudié dans la meilleure académie militaire de Moscou et fait partie d’une unité d’élite alors déployée en Tchétchénie, la république autonome du sud de la Fédération de Russie.

Le jeune officier montre immédiatement des images spéciales du Caucase. Par exemple, il enregistre une conversation avec un Tchétchène âgé qui lui fait comprendre que la présence russe en Tchétchénie est indésirable. “Laissez-nous tranquilles, laissez-nous tranquilles”, dit l’homme en expliquant que les Tchétchènes ont une mentalité différente de celle des Russes et qu’ils veulent être un peuple indépendant. “Allez vous occuper de vos grands-mères, elles meurent de faim. Tu ne viens ici que parce que tu as un double salaire”, dit l’homme. Shalaev réagit avec surprise. “C’est la première fois que j’entends ça”, dit-il à son téléphone.

Puis, le 3 mars 2022, le jeune lieutenant est déployé en Ukraine dans le cadre de l’invasion à grande échelle de la Russie. “C’est sérieux, ceux qui n’y vont pas seront virés. Ne dites à personne que je pars”, rapporte-t-il au front intérieur.

Les images de guerre qu’il montre confirment les observations précédentes des analystes militaires occidentaux: l’armée russe est mal organisée, se bat avec un équipement de mauvaise qualité et a une mentalité déplorable.

Selon un commentateur américain dans une réaction au documentaire, lorsque la colonne de chars est bombardée près de la ville de Donetsk, Shalaev et ses compagnons ne semblent pas s’occuper de leurs collègues blessés. C’est chacun pour soi dans la campagne du Donbass, où il n’y a pas de villageois en liesse attendant d’accueillir les Russes en libérateurs.

Shalaev se retrouve alors dans une situation de combat critique. C’est la panique à bord de son char. “Nous sommes attaqués depuis trois heures. Ils nous baisent”, décrit-il. Son canon refuse le service. Il continue à filmer des fragments, même lorsque son char a explosé et qu’il doit se cacher dans un village. Début avril, le jeune Russe est finalement capturé.

Les images ont été sélectionnées par le journaliste ukrainien Mykhailo Tkach qui, dans une interview accordée à un journal ukrainien, a déclaré avoir été surpris par la docilité et la naïveté des soldats russes. “On a l’impression que ces gens ne pensent pas, n’analysent pas. En d’autres termes, ils croient vraiment qu’il y a des fascistes et des laboratoires secrets partout en Ukraine. Ils ne remettent absolument pas en doute ce qu’on leur a présenté comme étant la ‘menace que constitue l’Otan’ et ils justifient leurs actions en disant que ‘les ordres sont les ordres’”.

Il était intéressant d’entendre les “occupants” se plaindre de l’échec de l’opération et du mauvais état de l’armée russe, a déclaré le journaliste ukrainien. “Il est complètement absurde de réaliser que beaucoup d’entre eux sont devenus des envahisseurs et des criminels de guerre parce qu’ils ont des crédits hypothécaires sur le dos. En d’autres termes, ils vont au devant de leur mort pour se payer une maison pour la vie.”

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