Le télégramme qui a précipité la fin du IIIe Reich

Fin avril 1945: la seconde guerre mondiale est en train de s'achever. Hitler vit reclus dans son bunker entouré de ses généraux qui le voient sombrer chaque jour un peu plus. Commandant en chef de la Luftwaffe, Goering n'est pas à Berlin. Depuis la bataille d'Angleterre - perdue par l'Allemagne -, le ministre de l'Air du IIIe Reich n'a plus les faveurs du "Führer".

De sa luxueuse résidence de campagne dans les Alpes bavaroises, le maréchal allemand s'inquiète, lui qui depuis 1941 a été désigné successeur d'Hitler par un décret. Mais Heinrich Himmler, Martin Bormann et Joseph Goebbels sont également sur les rangs, et en bonne place.  Il envoie dès lors une missive à son chef. Slate a traduit le télégramme de l'allemand:

"Mein Führer,

Le général Koller m'a fait un briefing sur la situation; sur la base d'informations qu'il a obtenues auprès du général Jodl et du général Christian, vous avez mentionné certaines décisions pour moi et souligné que je serais, si des négociations devenaient nécessaires, en meilleure position que vous à Berlin. Ces déclarations m'ont paru si surprenantes et si graves que je me suis senti obligé de considérer, si aucune réponse ne m'est parvenue avant 22 heures, que vous avez perdu votre liberté d'action. Je devrais alors appliquer les conditions de votre décret et prendre les décisions nécessaires pour le bien de notre Nation et notre Patrie.

Vous savez ce que je ressens pour vous dans ces heures les plus difficiles de ma vie et je ne peux pas l'exprimer avec des mots. Que Dieu vous protège et vous permette malgré tout de venir ici dès que possible.

Votre dévoué Hermann Göring"

Dans deux autobiographies, l'architecte du régime nazi, Albert Speer, raconte la réaction indifférente d'Hitler en découvrant ce télégramme. Martin Bormann, le rival de Goering, en profite pour monter le dictateur contre le chef de l'armée de l'air allemande et l'accuser de haute trahison.

Goering provoque ensuite une réelle "colère noire" de son mentor en convoquant plusieurs officiers allemands. "Je le savais que Goering était un fainéant. Il a laissé la Luftwaffe aller à la ruine. Il était corrompu. D'ailleurs il a été un toxicomane pendant des années," aurait ainsi regretté Hitler, selon des propos rapportés par Speer.

Cette trahison aurait précipité l'état mental et, in fine, le suicide du dictateur, affirme encore Speer. Résigné, Hitler aurait également dit: "Laissons Goering négocier la capitulation. Si la guerre est perdue de toutes manières, peu importe qui le fait".

Le 30 avril, soit une semaine plus tard, Adolf Hitler et Eva Braun se suicident.

Quant au télégramme, il a été retrouvé un mois plus tard, lorsque les troupes américaines sont entrées dans le bunker. Il a ensuite été ramené en Caroline du Sud par un capitaine américain, Benjamin Bradin, qui le met à l'abri dans un coffre-fort. Il sera ensuite ressorti par son fils, un futur colonel, qui en fera une thèse après l'avoir montré à l'un de ses professeurs.

Mis aux enchères à 15.000 dollars, il a été vendu 54.675 dollars à un acheteur américain anonyme. Ni la famille du capitaine américain, ni la fille de Goering n'ont perçu de l'argent de cette vente. Fin avril, Edda Goering a été déboutée par la justice allemande: elle voulait récupérer la fortune de son père, confisquée après la guerre.