“Les choses vont indéniablement se compliquer pour lui”: Eric Zemmour peut-il vraiment atteindre le deuxième tour de la présidentielle?

“J’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle”. Assis derrière un micro d’époque, Eric Zemmour s’est inspiré de l’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 pour annoncer officiellement sa candidature à la présidentielle française. Quelques heures plus tard, c’est sur le plateau du 20h de TF1 qu’il a accordé sa première interview en tant que candidat. 

Un timing qui ne doit rien au hasard. Le polémiste s’attelle à occuper le terrain médiatique alors que les Républicains lancent ce mercredi le processus d'investiture destiné à désigner le candidat qui représentera la droite. Le résultat est attendu ce samedi aux alentours de 14h30. Le lendemain, Eric Zemmour tiendra déjà son premier meeting de campagne au Zénith de Paris.

“Après ce rendez-vous, il aura certainement fini de manger son pain blanc”, considère Pascal Delwit, politologue à l’ULB. “Maintenant qu’il est candidat, cela va indéniablement se compliquer pour lui. Il va rentrer dans une dynamique où il sera confronté à une série d’attaques classiques en campagne électorale. Le regard que l’on peut porter sur le Zemmour de  CNews ou des autres plateaux de télévision n’est pas le même que sur celui d’un candidat à la présidentielle.” 

L'ancien chroniqueur d’On n’est pas couché l’a visiblement bien compris. Face à Gilles Boulleau, il a affirmé son nouveau statut. “Je ne suis plus le journaliste, je ne suis plus l’écrivain. Je suis candidat”. Concrètement, comment la mue va-t-elle s’opérer? “Il va devenir fatalement encore plus clivant qu’il ne l’était auparavant et sur un créneau ardemment disputé. Le courant de pensée réactionnaire qu’il incarne conserve une puissance dans l’espace culturel, intellectuel et politique français, mais demeure minoritaire et est également prisé par les Républicains et par Marine Le Pen, notamment.” 

“Je crois que le plus difficile pour lui, ce sera de diversifier son discours”, poursuit Pascal Delwit. “Jusqu’à présent, il surfe sur des thématiques qu’il affectionne comme la “merveilleuse” France d’antan, etc. Désormais, on l'attend sur d'autres sujets comme la question sociale, la problématique environnementale, la pandémie, le rapport à l’Union européenne... Dans les débats, il va devoir sortir d’une certaine focale”, assure le professeur en sciences politiques avant de dresser un parallèle entre la candidature d’Eric Zemmour et celle d’Emmanuel Macron en 2017.

“Dans une certaine mesure, la démarche est la même. Une candidature lancée sans réelle structure collective, mais qui peut s'appuyer sur un réseau important. Zemmour, comme Macron à l’époque, dispose de connexions très fortes avec les médias et des personnalités susceptibles de financer la campagne." 

Écueil pour le polémiste, le manque affiché de soutiens emblématiques. “Classiquement, les candidats à la présidentielle ont besoin de personnes supposées populaires dans le monde des arts, du sport ou des universités. Mais Zemmour trouvera sans doute peu d’échos dans ces pôles. Les relais d’influenceurs risquent d’être minoritaires pour lui.” 

Certains observateurs prétendent qu’Eric Zemmour, en morcelant la droite avec sa candidature, s'érige comme un parfait poisson-pilote pour Emmanuel Macron. À raison? “Cela va servir à creuser l’écart entre Emmanuel Macron et le deuxième classé à l’issue du premier tour. L'actuel président peut tirer certains avantages de la candidature d’Eric Zemmour, mais elle affaiblit surtout le candidat des Républicains et Marine Le Pen. Au vu du deuxième tour, les choses s'annoncent plus ouvertes.” 

Le deuxième tour, Eric Zemmour peut-il raisonnablement l’ambitionner? “Il me paraît a priori peu simple pour lui d’être l’un des deux candidats. Mais cela s’avère compliqué d’engager des pronostics à cinq mois du scrutin. On ne connaît pas encore la configuration complète. Qui incarnera la candidature des Républicains?  Les choses vont-elles évoluer de l’autre côté de l’échiquier politique? Pour l’instant la gauche est hors du jeu, en raison notamment d’une incroyable dispersion. Elle est fragmentation. Mais si deux ou trois candidats sur les six se retirent, cela peut changer la donne." 

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