Les prix de l'énergie et des céréales seront les premiers à augmenter: une hausse de 10% du prix à la pompe est possible
Conflit Russie-Ukraine“La guerre est toujours néfaste pour l’économie et rendra la vie plus chère pour tout le monde.” Les sanctions économiques européennes et les contre-réactions russes pourraient nous frapper durement. D’après le Voka, organisation patronale flamande, les prix des céréales et de l’énergie seront les premiers à subir l’impact du conflit russo-ukrainien. “C’est le prix à payer pour éviter les effusions de sang.”
RédactionDernière mise à jour:23-02-22, 12:12Source:HLN, Belga
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Le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’aggrave d’heure en heure, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour notre économie ou notre porte-monnaie. Les producteurs de poires du Hainaut, par exemple, sont encore sous le choc de l’embargo alimentaire de 2014. “Mais de grandes entreprises belges comme AB InBev et Barry Callebaut font également du commerce avec la Russie”, indique Eric Laureys du Voka, qui représente les patrons flamands. “Un arrêt complet des exportations de viande vers ce pays pourrait coûter jusqu’à 5.000 emplois belges.”
Toutefois, ce que le Voka prévoit et craint, avant tout, c’est l’augmentation des prix, et notamment celui du blé: “L’Ukraine est le quatrième exportateur mondial de blé, la Russie le premier. Avec le Kazakhstan et la Roumanie, ils expédient leurs céréales depuis les ports de la mer Noire, qui borde les deux pays en conflit. Toute interruption du flux céréalier en provenance de la région de la mer Noire est susceptible d’avoir un impact majeur sur les prix et l’inflation alimentaire. Les grandes boulangeries industrielles telles que Puratos et La Lorraine suivent donc cette affaire avec appréhension.”
Compte tenu de nos échanges relativement limités avec la Russie, l’impact direct sur les prix à la consommation devrait rester limité, selon les experts. Mais on craint que le conflit n’alimente davantage l’inflation. “L’augmentation des prix de ces produits de base entraînera une hausse de l’inflation et une nouvelle indexation des salaires”, prévient M. Laureys.
Sur le plan économique, il ne fait aucun doute que les marchés de l’énergie seront affectés si les tensions se transforment en conflit violent. “Le problème de l’inflation est en grande partie dû à la situation sur le marché du gaz”, analyse Frank Vandermarliere, du service d’études d’Agoria, en marge de la présentation des perspectives de la fédération sectorielle. Après tout, l’Europe dépend à environ 40% du gaz russe. “Pour la Belgique, cela ne dépasse pas 7 à 8%, en raison de notre situation relativement favorable avec des approvisionnements en provenance de Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et du terminal d’importation à Zeebrugge”, déclare Thijs Van de Graaf, politologue à l’UGent spécialisé dans la politique énergétique internationale. “Néanmoins, nous ressentirons, nous aussi, les effets du conflit russo-ukrainien. Après tout, nous faisons partie d’un marché énergétique européen interne. Si le gaz devient plus cher en Allemagne, il le sera aussi en Belgique.”
Il est toutefois difficile de prévoir dans quelle mesure l’énergie sera plus chère. “La nervosité accrue des commerçants fait monter les prix depuis des mois. Les tensions se reflètent déjà en partie dans le prix actuel”, ajoute M. Van de Graaf. Ce mardi, le prix de gros international sur le marché tournait déjà autour de 80 euros par mégawattheure. “C’est toujours moins de la moitié des 166 euros que nous avions à Noël”.
Poutine n’a absolument aucun intérêt à fermer le robinet de gaz. Ce serait l’équivalent économique du largage d’une bombe atomique, une déclaration de guerre directe à des pays comme l’Allemagne et l’Italie, les plus gros clients de la société russe Gazprom.
Thijs Van de Graaf, Politologue à l’UGent spécialisé dans la politique énergétique internationale
Néanmoins, l’expert ne craint pas une réelle pénurie de gaz liquide dans notre pays: “Poutine n’a absolument aucun intérêt à fermer le robinet de gaz. Ce serait l’équivalent économique du largage d’une bombe atomique, et, de ce fait, d’une déclaration de guerre directe à des pays comme l’Allemagne et l’Italie, les plus gros clients de la société russe Gazprom. Il n’y a aucun avantage à court terme. Par ailleurs, les approvisionnements en gaz de l’Europe ont déjà été reconstitués à partir des États-Unis. À long terme, cela signifierait le passage immédiat à d’autres sources d’énergie, autant dire: une condamnation à mort de la Russie.”
Les sanctions européennes et américaines à l’encontre de la Russie peuvent malgré tout entraîner une obstruction des approvisionnements en gaz. Mardi, le gouvernement allemand a arrêté la certification du nouveau gazoduc Nord Stream 2. Selon l’ancien Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, les Européens doivent donc se préparer à “un prix de 2.000 euros pour 1.000 mètres cube de gaz naturel”, soit plus du double des 937 euros actuels. À court terme, le boycott ne changera pas grand-chose, car le gazoduc controversé qui traverse la mer Baltique n’a jamais réellement livré de gaz.
Mais, en plus, près d’un tiers (27%) des importations européennes de pétrole proviennent de Russie. “Cela en fait notre fournisseur le plus important”, déclare M. Van de Graaf. “Son implication dans un conflit armé rend les investisseurs-commerçants nerveux. On ne sait jamais si un oléoduc va être touché. Et ils se couvriront contre cette incertitude. Une hausse de 10% du prix à la pompe pourrait très bien arriver.”
Alors que la Banque nationale de Belgique s’attend à ce que les prix du gaz baissent dans le courant de l’année, et que l’inflation ralentisse, ces tendances pourraient ne pas se matérialiser en raison de la crise ukrainienne. L’inflation continuerait alors de plus belle et les coûts salariaux augmenteraient encore via l’indexation automatique des salaires. Cela aurait un impact certain sur les prix en magasin. “Certaines estimations prévoient même que les pertes économiques pourraient être plus importantes que l’impact du Covid-19. C’est le prix à payer pour éviter les effusions de sang”, déclare le Voka, l’organisation patronale flamande.
Bourses
Tant qu’il n’y a pas de combats violents réels, l’impact sur les marchés financiers reste apparemment limité. Les pertes des bourses européennes après la nouvelle de l’invasion des chars en Ukraine, mardi matin, avaient déjà été considérablement atténuées à la mi-journée. À Bruxelles, l’indice Bel20 a enregistré une perte négligeable d’environ 0,25%. Mais bien sûr, cela pourrait changer rapidement. Les marchés boursiers réagissent également négativement à l’incertitude qu’entraînerait une éventuelle escalade. En cas de risques majeurs, les investisseurs se réfugient généralement vers des obligations plus sûres. Les conséquences sur les marchés boursiers devraient suivre, même si ceux-ci ont déjà plongé, à plusieurs reprises ces dernières semaines, en raison du niveau élevé d’incertitude. Les entreprises occidentales cotées en bourse en ressentiraient également les conséquences. “Pour les investissements, un climat de confiance est très important”, insiste Frank Vandermarliere.