Les Russes n'ont pas encore pris Kiev, bonne nouvelle? “Poutine a un plan sophistiqué”

Le professeur rejette immédiatement l’argument selon lequel les Russes ont fait une erreur et que leur armée ne peut pas avancer aussi rapidement que prévu. Selon lui, l’Occident tire des conclusions beaucoup trop hâtives. “Nous affirmons beaucoup trop facilement que le conflit en Ukraine va dans un sens ou dans l’autre”, précise-t-il. “J’ai été surpris par les analyses suggérant que l’avancée de Vladimir Poutine s’était déjà arrêtée. Il peut passer à différents scénarios. Tout cela est pris en compte.”

Le fait que les Russes, malgré leur domination militaire, n’aient pas encore complètement envahi Kiev, la capitale, pourrait faire partie du plan du président Poutine. “Il ne veut peut-être pas raser la ville”, avance Ria Laenen. “Le plan que Poutine a toujours en tête est d’amener un gouvernement pro-russe au pouvoir. Il pense qu’avec beaucoup de patience, il pourra atteindre son objectif. Certains signes indiquent déjà que les Russes renforcent progressivement leur puissance dans le pays. Des villes plus petites, mais stratégiquement importantes, comme Kharkiv et Kherson, sont déjà bombardées.”

En bref, Poutine vise d’abord les plus petites villes, avant de prendre le pouvoir à Kiev par la suite. Selon le spécialiste, il ne fait aucun doute qu’à terme, il voudra également s’emparer de la capitale. Après tout, c’est d’ici que Poutine entend ensuite gouverner le reste de l’Ukraine. “Kiev est le centre politique, administratif et économique du pays. Et la ville est aussi symboliquement très importante pour les Russes. Tous les liens historiques qu’ils ont avec les Ukrainiens se retrouvent ici. Même si cette histoire commune est principalement une histoire que Poutine raconte pour que ses partisans le soutiennent dans cette guerre.”

Au-delà du symbole, le président russe veut reprendre le contrôle de l’Ukraine. D’après lui, une superpuissance comme la Russie a le droit de maintenir à distance toute influence occidentale. “Selon sa propre logique, Poutine agit encore de manière rationnelle”, analyse le professeur Laenen. “Il exécute méticuleusement le plan sophistiqué qu’il a en tête. Bien que ce qu’il fait soit insensé, il n’est pas complètement fou. Tout s’inscrit dans sa logique. Alors que nous, Occidentaux, tirons des conclusions hâtives, le président russe se montre très patient. Et il est prêt à payer un prix élevé pour arriver à ses fins, pour prendre le contrôle de Kiev et du reste de l’Ukraine.”

“Si le président russe parvient à installer son gouvernement fantoche à Kiev, le vrai grand défi suivra. Garder sous contrôle un grand pays comme l’Ukraine n’est possible qu’avec une immense présence militaire. Les nombreuses troupes russes déjà dans le pays et le convoi militaire qui se trouve près de Kiev seront utiles à ce moment-là. Toute cette puissance militaire peut alors être utilisée pour maintenir le régime pro-russe.” En d’autres termes, les centaines de véhicules de l’armée russe qui avancent vers la capitale pourraient avoir un objectif “supérieur”, à savoir s’assurer ultérieurement que les Ukrainiens ne se révoltent pas contre le gouvernement fantoche que Poutine compte mettre en place.

“En Occident, nous pensons souvent que ce conflit sera terminé en une semaine, mais ce n’est pas le cas. Cette guerre pourrait durer très longtemps”, prévient Ria Laenen. “Supposons que Poutine réussisse à prendre Kiev, alors il est possible que la population locale se révolte contre l’occupant russe. Si les Ukrainiens reçoivent alors un soutien accru de la part de l’Occident, la bataille pourrait s’éterniser. Une bataille de David contre Goliath.” Le président russe s’attend à devoir faire face à une population hostile. “Il n’a jamais pensé qu’il serait capable de gagner le cœur des Ukrainiens”, conclut le professeur. Mais cela ne devrait pas l’empêcher de dérouler son plan sur le long terme comme il l’entend.