Non, les Blancs ne sont pas majoritairement tués par des Noirs aux États-Unis
Largement relayée sur les réseaux sociaux, une thèse prétend, chiffres à l’appui, qu’aux États-Unis les Blancs sont davantage victimes des Noirs que l’inverse et conclut donc que les revendications de la communauté afro-américaine sont exagérées voire illégitimes. Or, cette vision des choses repose essentiellement sur un détournement des statistiques officielles. Explications.
À l’heure où la communauté afro-américaine se mobilise en masse pour dénoncer le racisme d’État et demander la fin des violences policières, les vraies victimes seraient... les Blancs, selon Éric Zemmour et ses partisans, dont de nombreux militants d’extrême droite, relate Le Monde. Il a développé sa thèse ce 1er juin sur CNews lors de l’émission “Face à l’info” (voir vidéo ci-dessus). Morceaux choisis:
“Les Noirs sont tués d’abord par des Noirs, à 97 %. Les Blancs ont deux fois plus de chances d’être tués que des Noirs : il y a à peu près 8.000 morts blancs par an et 4.000 Noirs et, sur ces 8.000 Blancs, 80 % sont tués par des Noirs, alors que les Noirs, eux, sont essentiellement tués par des Noirs”, affirme le polémiste.
Mouvement identitaire et extrême droite
Un passage largement relayé sur Twitter, notamment par Damien Rieu, l’une des principales figures du mouvement identitaire en France, pendant que d’autres font circuler un graphique “éloquent” sur les crimes violents interraciaux en 2018 (voir ci-dessous) et qui est censé souligner la disproportion entre le nombre de Blancs victimes de Noirs (547.948) ou Hispaniques (365.299) et le nombre de Noirs agressés par des Blancs (59.778).
En réalité, selon Les Décodeurs, le département de “fact-checking” du Monde et Factuel, celui de l’AFP, Éric Zemmour reprendrait à son compte des chiffres non fiables présentés par Donald Trump en 2015. Selon les données du FBI (2014), les Blancs sont tués par des Noirs dans 14,8% des cas. Un pourcentage très éloigné des 80% mentionnés.
Homicides intracommunautaires
Quant à la proportion d’Afro-Américains tués par des membres de la même communauté, le pourcentage est en effet élevé mais se situe à 88,9% et non 97%. Les experts évoquent la situation des quartiers pauvres en proie à la violence des gangs et au trafic de drogue.
Les Noirs ont plus de risque d’être tués
Les chiffres du FBI précisent que le nombre d’homicides de Noirs est “quasi aussi élevé que celui des Blancs... alors qu’ils ne représentent que 13,4% de la population (contre 76,5 pour les Blancs). Aux États-Unis, un Noir a donc sept fois plus de risque d’être tué qu’un Blanc.
La méthode pose question
Mais c’est surtout la méthode qui pose question et la manipulation des chiffres à des fins idéologiques. Ainsi le graphique partagé ci-dessus est basé sur des chiffres exacts mais n’en est pas moins une “escroquerie intellectuelle”. Pourquoi? Car il compare des données en valeur absolue comme si les États-Unis étaient peuplés, à parts égales, de Blancs, de Noirs, d’Hispaniques et d’Asiatiques. En effet, si la population blanche est la plus touchée, c’est avant tout parce qu’elle de loin la “communauté” la plus représentée du pays.
Selon les statistiques judiciaires américaines, et au-delà de multiples facteurs parallèles, dont le taux de dépôt de plainte et l’accès à une justice équitable, les violences sont en réalité surtout intraraciales (Blancs tués par des Blancs, Noirs tués par des Noirs, etc.) aux États-Unis.
Aux racines des inégalités
Salaires plus bas, temps de trajet plus longs, chômage plus élevé... la plus grande économie du monde discrimine profondément la population noire. Des études ont montré que les Afro-Américains sont plus susceptibles que les autres d’être tués par la police.
Chômage et... pandémie
“Les Afro-Américains ont toujours pleinement participé à l’économie américaine, sans en tirer les bénéfices”, explique Nicole Smith, économiste de l’Université de Georgetown. Même le Covid-19 touche plus les Afro-Américains: ils représentent 13,4% de la population, mais 22,9% des décès dus au nouveau coronavirus, selon le Centre de prévention et de contrôle des maladies (CDC). Ils sont également plus nombreux à être sans emploi. Le chômage a grimpé à 14,7% aux Etats-Unis en avril, mais il touche 16,7% des travailleurs noirs, selon les chiffres du département du Travail.
Richesse et pauvreté
Ainsi, le patrimoine moyen des ménages blancs est environ 6,5 fois supérieur à celui des ménages noirs. Comme en 1962, a calculé l’année dernière la Réserve fédérale de Cleveland. Dans un scénario optimiste, il faudra 200 ans à cet écart pour se resserrer. Mais à cause de la pandémie, “la plupart des écarts se creuseront”, avertit Dionissi Aliprantis, économiste à la Fed de Cleveland, dans une interview à l’AFP.
Aux racines du racisme
Des générations de lois et de pratiques ségrégationnistes, même après l’abolition de l’esclavage au milieu du XIXᵉ siècle, empêchent toujours aujourd’hui les Afro-Américains de vivre dans certains quartiers, ou d’avoir le même accès que leurs compatriotes blancs aux services financiers et aux prêts immobiliers. L’accession à la propriété est la clé, aux Etats-Unis, pour créer une richesse qui peut être transmise à la génération suivante.
La ségrégation a persisté
Mais une étude de la Brookings Institution de 2018 a révélé que les maisons situées dans des quartiers où la moitié au moins des habitants sont noirs valent moitié moins cher. Malgré des lois visant à prévenir la discrimination dans les prêts et le logement, la ségrégation a persisté. Ces quartiers sont moins bien desservis par les transports et comptent moins d’emplois. Résultat: les Afro-Américains sont ceux qui mettent le plus de temps à se rendre au travail, d’après une étude de l’Université de Chicago en 2014.
Couleur de peau
Et sur le CV? Ceux qui tentent de cacher la couleur de leur peau sont deux fois plus souvent contactés par un employeur potentiel que ceux qui ne le font pas, a montré une étude réalisée en 2016 par des chercheurs des universités de Toronto et Stanford. Une multitude de lois interdisent la discrimination, mais de nombreux Américains noirs expliquent avoir toujours dû faire face à des préjugés.
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