“Quand j’ai eu ma fille dans mes bras, j'ai réalisé qu’elle allait connaître un monde pas très joyeux”
InterviewHugo Clément a fait ses premières armes sur France 2 avant de se faire repérer par Canal Plus. Son passage par Le petit journal de Yann Barthès lui a permis d’entrer dans la lumière. Il exploite désormais sa popularité pour informer sur l’effondrement écologique de notre monde. Il est aujourd’hui “Sur le front” sur France 2 et aux quatre coins du monde, aux côtés de ceux qui agissent pour changer les choses. Hugo Clément, très présent sur les réseaux sociaux, dénonce et raconte ce qui mènera à notre perte si on n’agit pas maintenant. Il était à Bruxelles hier, pour parler de son livre “Journal de guerre écologique” (paru chez Fayard) dans lequel il relate tout ce qu’il a vu et tout ce qu’il a appris avec des phrases concrètes qui nous font immanquablement réfléchir à notre consommation. On apprend par exemple que le plastique que l’on ingère par semaine équivaut à une carte de crédit. Ce livre, difficile mais chargé d’espoir, est “une mise en lumière des gens qui agissent et un appel à l’action, parce qu’ils ont besoin d’aide”. À lire pour réveiller les consciences endormies. Rencontre.
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Vous commencez le livre en évoquant la naissance de Jim, la petite fille que vous avez eue avec Alexandra Rosenfeld. Parce qu'avoir un enfant, ça vous a donné envie d’intensifier votre combat?
Elle est née le 3 janvier 2020 et je me suis rendu compte qu’elle aurait 80 ans le 3 janvier 2100. 2100, pour nous, ça parait loin, parce qu’on ne sera plus sur cette terre, donc on a du mal à se projeter. Elle, elle connaîtra ce monde-là. Ça m’a frappé parce que 2100, c’est souvent la date qu’on retrouve dans les études des scientifiques qui expliquent ce qui risque de se passer d’un point de vue climatique. On parle beaucoup de cette échéance-là: la fin du siècle. J’ai réalisé qu’elle allait connaître ce monde-là. Quand on voit ce à quoi ce monde de 2100 risque de ressembler, ce n’est pas un monde joyeux. C’est un monde où l’accès aux ressources n’est pas garanti, où un tiers de la population mondiale vit dans des zones aussi chaudes que le Sahara aujourd’hui, c’est un monde où il y a plus de plastique que de poissons dans l’océan, c’est un monde où il y a des millions de réfugiés climatiques. C’est un monde où des milliers d’espèces qu’on connait aujourd’hui auront disparu, où la forêt amazonienne aura en grande partie disparu. C’est un monde qui fait peur, fait d’insécurités et de violences. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est ce que projettent les scientifiques si on ne change rien. J’ai commencé ce livre par ça parce qu’une fois qu’on a posé ce constat-là, une fois qu’on sait, que notre enfant qu’on tient dans nos bras va connaître ce monde-là, ça donne encore plus de motivation pour lui éviter cette vie qui risque de ne pas être agréable.
Et vous répondez très vite à la question: pourquoi on fait un enfant en sachant que le monde va mal? C’est un reproche que les personnes engagées pour l’environnement qui décident de fonder une famille entendent régulièrement... Alors, pourquoi on fait un enfant?
Parce que la vie est plus forte que tout et que c’est le propre de toutes les espèces qui vivent sur cette planète. Cette pulsion de vie… Même dans une situation difficile, on se reproduit, on fait des enfants. Moi, c’est aussi là-dedans que je trouve la raison de ce combat. C’est pour offrir à ma fille, à mes filles parce que j’ai une belle-fille aussi, la possibilité d’être heureuses. Malgré tout, je crois en notre humanité, en notre intelligence, en notre empathie. Je ne pense pas que l’espèce humaine soit foncièrement mauvaise. Et puis, j’ai envie que l’espèce humaine continue. J’ai décidé de faire un enfant parce que j’en avais envie. Je me demande: si tous les gens sensibles à l’environnement ne font plus du tout d’enfant, quel impact ça aura? On a aussi besoin d’enfants engagés, sensibilisés, informés sur ces questions-là. J’ai un immense respect pour les gens qui décident de ne pas faire d’enfant. Il y a un tas de raisons pour ne pas en faire. J’ai un grand respect pour leur décision mais ce n’est pas mon choix.
J'ai une fille et une belle-fille et c’est là-dedans que je trouve la raison de ce combat. C’est pour leur offrir la possibilité d’être heureuses.
Vous dites qu’on ne va pas pouvoir inverser la tendance mais qu’on peut encore couper le robinet.
Je dis ça pour le plastique. On peut inverser la tendance globale, on peut sauver l’essentiel: le fait qu’on habite cette planète dans des conditions tolérables. L’enjeu du combat, c’est ça: c’est la capacité pour l’espèce humaine à continuer à vivre sur terre dans des conditions tolérables. Pas dans un monde de chaos permanent. On peut encore limiter les dégâts si on prend des mesures fortes maintenant. Il y a des choses qu’on ne pourra pas sauver: certaines espèces vont disparaître, des glaciers vont continuer de fondre… Il y aura des catastrophes climatiques qu’on ne pourra pas éviter mais pour éviter la catastrophe globale et massive, on peut encore faire quelque chose. Sur le plastique, je dis que la bombe est lâchée parce que le plastique qui est dans l’océan aujourd’hui, on ne pourra pas le récupérer. Le plastique se désagrège, se transforme en microparticules, il va falloir qu’on fasse avec le plastique qui se trouve déjà dans l’océan. Mais on peut par contre couper le robinet: on peut arrêter de produire du plastique, travailler sur des évolutions technologiques pour faire que ces matières-là soient recyclables…
Vous expliquez que vous oscillez entre deux émotions. Quand vous êtes sur le terrain, porter par l’enthousiasme et l’action des militants, vous êtes plein d’espoir. Mais une fois de retour à la maison, c’est la douche froide et que le désespoir guette...
Quand je suis dans l’action avec les gens qui font des choses, je suis toujours plein d’espoir. Quand je suis chez moi, et que je lis des études qui annoncent mauvaise nouvelle sur mauvaise nouvelle, c’est lourd. On a l’impression que tout est foutu. Alors que c’est faux. Les scientifiques disent que c’est grave mais ils disent aussi qu’on peut faire quelque chose et qu’il n’est pas trop tard. Et on a tendance à oublier cette partie-là de l’analyse. À travers tous les exemples que je montre dans ce livre, je veux montrer qu’il est possible de faire quelque chose. On peut agir.
Vous n’êtes pas écolo de base. Votre conscience écolo s’est réveillée à quel moment?
Ça a été progressif, à travers mon métier, mes reportages. Je me suis rendu compte que la thématique environnementale est partout. En m’informant sur la question, je me suis dit: ok, on a un énorme problème, qu’est-ce que je peux faire à mon échelle? Je sais faire mon métier: je sais informer. Parce que c’est le nerf de la guerre, il faut informer. On ne peut pas prendre les bonnes décisions collectivement si on ne sait pas ce qui se passe et si on ne sait pas ce que nos choix quotidiens impliquent derrière. L’information est fondamentale dans cette guerre-là. Une fois que les gens savent, il y a des actions derrière. On ne peut pas rester passif. Le tout est de faire venir les informations au public.
Vous dormez bien la nuit après avoir vu tout ce que vous voyez? Des mers de déchets, des glaciers qui fondent, des animaux qu’on abat...
Oui. Au sens physique. Je n’ai pas d’angoisse. Je sais que beaucoup de gens vivent ce qu’on appelle l’éco-anxiété. Ils ont un sentiment d’impuissance face à la catastrophe climatique en cours, l’impression de subir et de ne rien pouvoir faire. Je n’ai pas ce sentiment parce que je m’abreuve de tous ces gens qui agissent. Je ne suis pas dans une atmosphère fataliste mais ça ne m’empêche pas d’être inquiet. Ça ne m’empêche pas de regretter la lenteur avec laquelle les gouvernements du monde entier prennent des décisions. Ça ne m’empêche pas de ressentir de l’inquiétude, de la tristesse même par moment, mais jamais du désespoir.
Il faut encourager les bonnes actions et ne pas opposer une bonne action à une autre. On ne peut pas dire: tu fais ça mais tu ne fais pas ça. C’est une perte de temps de chercher le plus pur et le plus irréprochable et dire qu’il n’y a que les gens irréprochables qui ont le droit de s’exprimer sur cette question. L’essentiel, c’est de faire quelque chose pour essayer de limiter son impact individuel.
Si on veut commencer à agir, on commence par quoi, concrètement, en 2021? C’est quoi le plus urgent?
On choisit un domaine. Il faut essayer de réduire notre impact dans les domaines écologiques où on se sent de le réduire. Que ça soit l’alimentation, les déchets, l’énergie… Ça ne sert à rien de culpabiliser de ne pas tout faire. Il y a plein de pistes d’action possibles. Ça ne veut pas dire qu’on doit toutes les faire en même temps. Même moi, je n’y arrive pas. Donc il faut sélectionner un domaine et agir dessus. Par exemple, on peut arrêter de faire usage de plastique, installer un compost dans son jardin, mais continuer à manger de la viande. Il faut encourager les bonnes actions et ne pas opposer une bonne action à une autre. On ne peut pas dire: tu fais ça mais tu ne fais pas ça.
Vous le dites dans le livre: vous n’êtes pas irréprochable...
Oui, et c’est une perte de temps de chercher le plus pur et le plus irréprochable et dire qu’il n’y a que les gens irréprochables qui ont le droit de s’exprimer sur cette question. L’essentiel, c’est de faire quelque chose pour essayer de limiter son impact individuel. Et en termes de responsabilité collective, il faut se rendre compte que tout le monde n’a pas la même responsabilité. Quelqu’un qui prend sa bagnole pour aller bosser n’a pas la même responsabilité en termes de pollution que le PDG d’une entreprise qui fait des mines de charbon en Australie. Il faut arrêter de mettre tout le monde sur le même plan. Il y a des gens qui ont plus de responsabilités que d’autres. Et c’est à ces gens qu’il faut demander de prendre de bonnes décisions. On pense aux gouvernements, à l’Union Européenne, aux gens qui sont à la tête de grosses entreprises, ces gens-là ont plus de responsabilités que nous, simples citoyens, sur ce qu’il se passe aujourd’hui. Et nous, les citoyens, qu’est-ce qu’on peut faire? On peut se regrouper pour peser sur ces gens-là et leur dire: à notre échelle, on fait ce qu’on peut mais vous devez faire votre part du boulot.
Personnellement, quelle est la problématique qui vous touche le plus?
On ne parle pas assez de l’effondrement de la biodiversité qui est au moins aussi grave que la crise climatique. Le changement climatique n’est pas la source de tous nos soucis. Mais le prélèvement direct de nos ressources comme la pêche industrielle, la chasse, l’élevage industriel, l’exploitation du bois posent beaucoup plus de problèmes pour la biodiversité que le changement climatique. Pour éviter l’accélération de l’extinction des espèces, il faut laisser des espaces pour que les espèces sauvages puissent vivre. Si on fait ça, on se protège aussi nous-mêmes. Les experts de l’ONU ont sorti un rapport il y a un mois où ils expliquent qu’il y a un lien direct entre la perte de biodiversité et la multiplication des pandémies. Plus on va détruire les espaces naturels, plus on va faire disparaître les espèces, plus on va trafiquer les animaux sauvages, mettre en contact des animaux sauvages et des animaux domestiques sur des marchés, plus on va favoriser l’émergence de nouveaux virus qui vont potentiellement nous contaminer comme c’est le cas actuellement avec le coronavirus. Les experts de l’ONU le disent: il va y avoir plus de pandémies et elles vont faire plus de morts. Ils ne parlent pas au conditionnel. Même si on s’en fiche des animaux et des forêts, pensons à nous, à nos parents, à nos emplois, à nos salaires, il faut qu’on protège la biodiversité et il faut qu’on arrête de détruire les espèces sauvages parce que ça va nous retomber dessus. On le voit avec le coronavirus. Il faut arrêter d’opposer économie et écologie. Les deux sont liées. Il ne peut pas y avoir d’économie stable, de marché du travail en bonne santé dans un monde où l’environnement s’effondre. On le voit aujourd’hui, avec la crise du Covid, et ça va être pire avec la crise climatique. Parce que c’est un monde d’incertitudes, de risques accrus pour tout, tout le temps. L’économie va souffrir. Pour préserver l’économie, il faut préserver l’écologie. On n’a pas le choix.
En vous engageant publiquement, vous vous exposez à un certain danger. Vous êtes régulièrement menacé. Ça vous fait peur?
Ça reste des menaces mais ça peut être compliqué, c’est vrai. Mais c’est un choix, ce que je fais. Je pourrais arrêter de m’exposer publiquement, de parler de ces sujets-là publiquement. Je pourrais décider de faire autre chose. Je le fais en connaissance de cause. Ça fait partie du jeu. Quand il y a des menaces claires, concrètes, directes, ça devient une affaire judiciaire. Je porte plainte et la police fait son travail. Il y a des critiques légitimes que les gens ont le droit de faire. Les gens ont le droit de ne pas vous aimer. On a le droit d’exprimer le fait qu’on n’aime pas quelqu’un. Mais après, il y a la menace et ça, c’est un délit. Mais ce que je vis, ce n’est rien à côté de ce que vivent les militants, qui sont sur place, qui agissent. Ils prennent de vrais risques à l’endroit même où ils combattent. Moi, je rentre chez moi…
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