Qui sont ces Tchétchènes qui combattent contre Poutine en Ukraine? “Nous nous battons pour un avenir libre”

Malgré tous leurs efforts pour défendre la ville ukrainienne de Bakhmout, le bataillon de volontaires tchétchènes Dzhokhar Dudayev n’est pas très bien vu dans le pays. “Une fois, un Ukrainien m’a dit: ‘vous pouvez faire ce que vous voulez ici, mais vous resterez toujours des terroristes et des gangsters”, raconte Tor, membre du bataillon Dudayev, à nos confrères du Guardian. “Et j’ai répondu: ‘vous savez quelle est la différence entre vous et moi? Nous nous moquons de ce que les Ukrainiens pensent de nous, de ce que les Américains, les Russes ou les Britanniques pensent de nous. En vérité, nous ne nous soucions pas non plus de ce que les Tchétchènes pensent de nous. Nous venons faire ce que nous devons faire’”.

Le bataillon Dzhokhar Dudayev combat avec les forces ukrainiennes depuis que la Russie a envahi l’est du pays et illégalement annexé la Crimée en 2014. Nommé d’après le premier président post-soviétique de la Tchétchénie indépendante, connue sous le nom de République d’Ichkérie, il a été créé comme un “bataillon de maintien de la paix”.

Nombre de leurs combattants sont des émigrés tchétchènes de la première ou de la deuxième génération qui ont fui le régime tyrannique de Ramzan Kadyrov lorsque celui-ci est devenu l’homme fort de Poutine, à la suite des guerres tchétchènes post-soviétiques menées par Moscou pour tuer l’indépendance.

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Les membres du bataillon expliquent qu’ils se battent pour l’Ukraine car le pays représente la meilleure chance de libérer d’autres nations de ce qu’ils décrivent comme “le joug russe”. Ceux d’entre eux qui vivent en Ukraine depuis un certain temps ajoutent que le pays leur offre également la liberté de pratiquer leur foi musulmane.

Pourtant, la réputation des Tchétchènes à l’intérieur de l’Ukraine est “très mauvaise”, dit Tor. Celle-ci est notamment empoisonnée par la réputation du régime de Kadyrov et la propagande diffusée par Moscou, notamment sur la prétendue menace d’“islamisme radical” qu’ils représenteraient. “Cela fait plus de trente ans qu'il existe une propagande contre nous. Ils disent que nous sommes des barbares, que nous sommes des animaux, que nous sommes des prédateurs et que nous sommes incapables de nous exprimer normalement.”

Le bataillon opère sous le commandement de l’armée ukrainienne, mais il ne bénéficie d’aucune part du budget de la défense. Son quartier général, un abri situé au sous-sol d’un immeuble de Kiev, est jonché de conserves, de gilets pare-balles, d’une mitrailleuse et même d’une antenne satellite Starlink. Ils sont constamment à la recherche de nouveaux dons.

Adam Osmaev, 41 ans, ancien élève du Wycliffe College (une prestigieuse école anglaise) et ancien étudiant en économie à l’université de Buckingham, est à la tête du bataillon.

Né à Grozny, la capitale tchétchène, il est le fils d’un haut fonctionnaire de l’industrie pétrolière tchétchène de l’ère soviétique. Envoyé en Angleterre à l’âge de 13 ans, il a quitté l’université pour rejoindre la lutte contre la Russie lorsque la guerre de Tchétchénie a éclaté en 1999.

Aujourd’hui, il se fait plus discret. En octobre 2017, il a été blessé dans une attaque commise par des agents présumés des services secrets russes qui ont ouvert le feu alors qu’il rentrait chez lui avec sa femme et un membre du bataillon, à l’extérieur de Kiev. Ces deux derniers n’ont d’ailleurs pas survécu à l’attaque.

“C’est un homme déterminé qui se bat pour l’indépendance de l’Ukraine et qui croit fermement que, tôt ou tard, la Tchétchénie sera indépendante. Nous savons que c’est un homme juste, calme et tranquille. Un vrai leader”, déclare Tor.

Depuis le début de l’invasion russe, le bataillon joue un rôle important. En mars, il a mené des activités de sabotage et de reconnaissance dans le nord de Kiev, alors que les Russes cherchaient à envahir la ville. Il a également participé à la libération d’Izium, dans le nord-est du pays.

Mais depuis deux semaines, les combats se concentrent sur la ville de Bakhmout. Les affrontements se déroulent de maison en maison, explique au Guardian un sergent-chef qui se fait appeler Maga. “Il n’y a plus de positions défensives car les Russes ont tout détruit. Ils ont beaucoup d’artillerie lourde et l’armée ukrainienne n’en a pas assez pour garder toutes ces positions. La tactique russe est de tout détruire, de ne laisser que des ruines et ensuite envoyer les troupes. C’est une tactique qu’ils ont utilisée en Tchétchénie.”

Au sein du bataillon tchétchène, il existe une énorme frustration à propos de la rapidité des livraisons d’armes en provenance de l’Occident. Selon ces hommes, une livraison plus rapide d’Himars, un lance-roquettes américain, aurait rendu possible la libération de la région sud de Kherson à la fin de l’année dernière. Même son de cloche concernant les chars Leopard: “Armez l’Ukraine et ils feront le reste. Ils sauveront la situation sans que vous ayez besoin de verser votre sang”, poursuit Tor.

Quant au fait de se battre pour un pays qui n’est pas très réceptif aux Tchétchènes, Tor pense que les mentalités changent. “C’est surtout l’ancienne génération et c’est la même chose en Tchétchénie, où nous avons des gens qui croient encore au communisme, qui croient encore que nous devons être russes”, dit-il.

“Nous nous battons pour l’avenir et nous nous battons pour un avenir libre, pour nous, l’Ukraine et pour la jeune génération.”

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