Une ville américaine aux prises avec le “champignon du diable”, la distillerie Jack Daniel’s pointée du doigt

Sur les façades, dans les maisons, sur le mobilier urbain: un champignon noir a envahi le comté de Lincoln, dans le Tennessee. La vie des habitants est devenue un enfer. La cause de cette prolifération fongique? Les effluves d’éthanol de la distillerie Jack Daniel’s, située non loin de là. Un juge a sommé l’arrêt de la construction d’un nouvel entrepôt de vieillissement en fût.

Le “Baudoinia compniacensis”, aussi connu sous les appellations “champignon du diable”, “champignon du whisky” ou “champignon de la part des anges” (partie du volume d’un alcool qui s’évapore pendant son vieillissement en fût, NDLR), se développe dans les atmosphères emplies d’alcool. Pas étonnant, donc, de l’observer à proximité des distilleries. Dans le comté de Lincoln, dans le Tennessee, des habitants se plaignent depuis plusieurs mois de ce champignon qui recouvre d’une couche noire les habitations, les meubles de jardin, les voitures ou encore le mobilier urbain.

Le champignon est tellement envahissant que les habitants, voisins de la distillerie, doivent très régulièrement nettoyer leur façade à coup de nettoyeur haute pression et de produits spécifiques et coûteux. L’un d’eux a expliqué au Guardian dépenser 10.000 dollars (près de 9.500 euros) par an pour nettoyer les murs extérieurs de sa maison.

Le géant du whiskey (orthographe américaine) Jack Daniel’s s’est installé dans le comté de Lincoln en 2018, y a construit six “barrelhouse”, des entrepôts où est vieilli le bourbon, et prévoit d’en inaugurer un septième. Mais c’est sans compter les riverains proches de la distillerie, qui s’opposent fermement à cette extension. L’une d’entre eux a décidé de poursuivre le comté en justice. La semaine dernière, le juge a estimé que la construction de ce nouvel entrepôt n’avait pas été correctement approuvée, et que, dès lors, le permis de construire devait être annulé jusqu’à ce que Jack Daniel’s obtienne les autorisations nécessaires, rapportent le New York Times.

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Pour endiguer le problème, la distillerie pourrait installer des filtres dans ses entrepôts, mais la firme américaine n’en veut pas. Selon la porte-parole et directrice technique de Jack Daniel’s, ces filtres peuvent altérer le goût du whiskey. Lors d’une réunion de la commission du comté qui s’est tenue en novembre dernier, elle a argué que des études avaient démontré que le Baudoinia compniacensis n’était pas dangereux pour la santé humaine et ne causait pas de dommage aux biens matériels, ajoutant que la distillerie ne pouvait être tenue responsable de dégâts aux habitations.

Des allégations mensongères, selon le professeur James Scott, de l’école de santé publique de l’Université de Toronto. “Je ne suis au courant d’aucune recherches portant spécifiquement sur les effets sur la santé liés à une exposition à ce champignon”, a-t-il expliqué à nos confrères. En revanche, “il est particulièrement destructeur. Il détruit presque toutes les surfaces extérieures. J’ai vu des arbres mourir étouffés à cause du champignon. Le seul moyen de stopper sa progression, c’est de couper son approvisionnement en alcool”.

Le porte-parole du comté de Lincoln s’est refusé à tout commentaire. Quant à la société Jack Daniel’s, elle a déclaré dans un communiqué de presse se conformer “à toutes les réglementations locales, étatiques et fédérales concernant la conception, la construction et les autorisations” relatives aux installations de ses “barrelhouse”. “Nous sommes engagés à protéger l’environnement ainsi que la sécurité et la santé de nos employés et de nos voisins.”

Les champignons communiqueraient entre eux grâce à un lexique comprenant jusqu’à 50 mots

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