Zelensky doublé par ses propres espions?

Selon Moscou, l'attaque de drones contre le Kremlin n'était autre qu'une tentative d'assassinat contre Vladimir Poutine. Cependant, après l’incident, les Occidentaux ont soupçonné la Russie d’avoir orchestré cette attaque pour se poser ensuite en victime, une attitude régulièrement adoptée par le Kremlin depuis le début de la guerre.

Désormais, Washington pense que les Ukrainiens se cachaient bel et bien derrière cette attaque spectaculairement symbolique. En effet, selon le New York Times et CNN, les services de renseignement américains ont intercepté des communications qui montreraient que les services de sécurité ukrainiens préparaient l’attaque. Selon les deux médias, il est “peu probable” que le président Zelensky ait été mis au courant.

Pourquoi le président ukrainien n’aurait-il pas été mis dans la confidence? Pour le protéger, lui et ce qu’il représente, à savoir son pays agressé? De fait, ces attaques sur le sol russes sont pour le moins controversées et plutôt mal vues côté occidental. Et pour cause, elles pourraient conduire à une escalade de la guerre, surtout s’il s’agit d’une tentative d’assassinat de Poutine. Le spectre d’une attaque nucléaire par la Russie pourrait nuire au soutien de l’Ukraine par ses alliés, américains en tête. Affirmer que Zelensky n’en savait rien n'est donc pas illogique et même judicieux.

Par ailleurs, le fait que cette information soit révélée maintenant pourrait être un avertissement pour le président ukrainien. Il est possible que Washington soit contrarié par le fait que des véhicules blindés américains aient été utilisés lors du raid mené par les milices pro-ukrainiennes dans la zone frontalière russe (ce que Kiev savait sans aucun doute). Depuis des mois, les Américains sonnent les Ukrainiens de ne pas franchir la ligne rouge tracée par Poutine, que celui semble toutefois modifier selon les événements.

Mais si Zelensky était-il tout simplement contourné par ses propres espions? Cela en dirait long sur l’équilibre des pouvoirs à Kiev.

Le service de sécurité le plus actif d’Ukraine est celui de l’armée, dirigé par le populaire major-général Kyrylo Boudanov. Le militaire de 37 ans nourrit-il des ambitions présidentielles, à l’instar du commandant en chef de l’armée Valeri Zaloujny, à qui l’on prête également l’envie de prendre la place de Volodymyr Zelensky? D’ailleurs, la femme de Boudanov était déjà active en politique au sein du parti de l’ancien champion de boxe et maire de Kiev, Vitali Klitschko, un redoutable adversaire de Zelensky avant la guerre.

Bien sûr, ce ne sont que des spéculations. Néanmoins, alors que Kyrylo Boudanov devait remplacer Oleksiy Reznikov, fragilisé par un scandale de corruption, au poste de ministre de la Défense, Volodymyr Zelensky a pris la décision de laisser tout le monde à sa place. A-t-il voulu freiner l'ascension de son espion en chef, ou au contraire s'est-il dit que ses opérations audacieuses lui étaient justement profitables? On le saura peut-être dans quelques années.

La probabilité que Boudanov soit effectivement à l’origine de l’attaque de drones a été renforcée par ce que son bras droit vient de déclarer au journal allemand Die Welt. Ainsi, ce dernier a révélé que les services de renseignement ukrainiens cherchent à assassiner des dirigeants russes, Poutine en tête de liste.

Lorsqu’on lui a demandé si les propagandistes russes étaient également visés, Vadym Skibitsky a répondu de manière éloquente: “Nous sommes en guerre et eux aussi sont nos ennemis”. Cela pourrait signifier que les Russes ont raison d’essayer de rendre Boudanov et ses espions responsables d’une série d’assassinats commis sur leur sol. En avril, le blogueur Vladlen Tatarski a été assassiné à Saint-Pétersbourg et, en août de l’année dernière, la propagandiste Darja Doegina a succombé à un attentat à la bombe à Moscou.

Enfin, le sabotage des gazoducs Nord Stream porte-t-il aussi la marque de Boudanov? Le sabotage qui s’est produit en septembre à des dizaines de mètres sous les eaux de la mer Baltique a été tour à tour attribué à la Russie, aux États-Unis et à l’Ukraine. La justice allemande privilégie cette dernière piste en raison de la découverte d’un yacht de plaisance qui se trouvait sur les lieux peu de temps avant les faits. Une enquête menée conjointement par des médias allemands, danois, polonais et suédois a fait couler beaucoup d’encre le week-end dernier.

L’Andromeda, un bateau de 15 mètres de long, avait été loué par Feeria Lwowa, une société basée à Varsovie, la capitale polonaise. Officiellement, il s’agit d’un voyagiste, mais le fait que l’entreprise ne fasse aucune publicité et qu’on ne puisse la trouver qu’à une adresse de boîte postale montre qu’il s’agit d’une entreprise fantôme.

Feeria Lwowa a été fondée par deux Ukrainiens, dont l’un faisait partie de l’armée ukrainienne. Cela correspondrait donc à une opération des services de renseignement militaire ukrainiens.

Cependant, il existe aussi des signes qui laisseraient supposer une manœuvre russe. En effet, une femme originaire de Crimée occupée est devenue actionnaire de la société en 2019. Cette femme possède des passeports des deux pays. Il est donc un peu trop tôt pour attribuer le sabotage de Nord Stream à Budanov. Le mystère reste entier.

Washington pense savoir qui se cache derrière l’attaque de drones contre le Kremlin

“Il est en tête de notre liste”: l’assassinat de Poutine, une “priorité absolue” pour les services de renseignement ukrainiens