Zemmour, en route vers l’Élysée?
AnalyseIra, ira pas? A sept mois de l’élection présidentielle, le mystère reste entier sur la candidature éventuelle d’Eric Zemmour. Adulé par certains, honni par d’autres, le polémiste aux prises de position radicales ne laisse personne indifférent et agite la sphère politico-médiatique française. L’éditorialiste et écrivain, qui s’apprête à publier un nouvel ouvrage qui pourrait s’apparenter à un programme électoral, a-t-il pour autant les moyens financiers et humains de mener campagne? À quoi ressemblerait une présidence Zemmour? Tentative d’explication avec Benjamin Biard, professeur en sciences politiques spécialiste de l'extrême droite (UCLouvain) et chargé de recherches au sein du secteur socio-politique du CRISP.
La candidature d’Eric Zemmour est-elle crédible?
Benjamin Biard: Plusieurs signes permettent d’indiquer qu’Eric Zemmour pourrait bel et bien se présenter à l’élection présidentielle. Un certain nombre de déclarations, notamment de ses proches ou moins proches, le montrent. Il y a eu aussi l’évocation en juillet d’un nom potentiel pour son parti, “Vox populi” (la voix du peuple). On voit donc qu’il y a des signes de concrétisation, non seulement d’une candidature mais aussi d’un parti politique, ce qui est absolument nécessaire en vue d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. On s’aperçoit également qu’Eric Zemmour essaie un peu d’élargir la palette des thématiques sur lesquelles il s’exprime. On l’a évidemment beaucoup entendu sur les questions de société, sur la place de l’islam en France, sur les questions migratoires et sécuritaires. Il essaie également d’en apprendre davantage sur les questions économiques. Il recevrait ainsi un certain nombre de notes, de leçons de la part de personnes assez expérimentées. Ce sont là tous des signes qui permettent d’envisager une candidature de sa part.
Des limites se poseraient toutefois à cet exercice. Notamment financières. Mener une campagne électorale coûte cher. Mais cela a aussi un coût élevé en termes humains. Dispose-t-il de suffisamment de moyens pour mener cette campagne à son terme? Certaines rumeurs se dégagent, comme celle du patron de CNEWS qui pourrait contribuer à financer sa campagne. Cela reste encore une inconnue à l’heure actuelle.
De plus, obtiendrait-t-il les 500 parrainages d’élus pour pouvoir présenter sa candidature. Il pourrait en obtenir auprès de certains maires qui se sont déjà prononcés favorablement à son égard, comme Jacques Bompard ou Jean-Frédéric Poisson. De pistes sont donc à envisager. Néanmoins, auprès de qui Eric Zemmour pourrait-il obtenir ces signatures alors qu’il consituerait une menace potentielle pour le Rassemblement national et pour Marine Le Pen, mais aussi pour la droite de manière plus générale. Son objectif étant d’ailleurs d’unir les droites, comme il l’a encore répété récemment.
Ne risque-t-il pas plutôt de les disperser?
Effectivement, selon les sondages, on voit qu’il pourrait grapiller quelques points de pourcentage chez Marine Le Pen, quelques uns chez Nicolas Dupont-Aignant et dans une certaine mesure chez Les Républicains. Cela pourrait contribuer à encore diviser davantage ce conglomérat composé de la droite et de l’extrême droite. Même si, personnellement, je n’aime pas trop réunir le RN et LR car ce sont deux familles politiques distinctes. Sa candidature contribuerait à ajouter une concurrence supplémentaire. Eric Zemmour a un certain nombre d’affinités sur le plan programmatique et idéologique avec Marine Le Pen, mais ils sont également en contradiction sur plusieurs sujets. Sur le plan économique il serait davantage en phase avec LR.
Qui aurait le plus à perdre et le plus à gagner d’une candidature d’Eric Zemmour?
A priori, Emmanuel Macron aurait le plus à gagner puisque selon les sondages, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignant et Xavier Bertrand, dans l’hypothèse où c’est lui qui incarnerait la droite, perdraient des voix au profit d’Eric Zemmour. S’il parvenait à affaiblir certains de ces trois candidats, cela pourrait faire le jeu d’autres candidatures, même si Zemmour incarne plutôt une droite dure , radicale. Il ne serait donc pas en concurrence directe à l’égard d’une formation de gauche ou celle incarnée par Emmanuel Macron, qui n’est pas de gauche, sans être nécessairement de droite.
N'oublions pas que l’électorat potentiel d’Eric Zemmour se distinguerait dans une certaine mesure de celui de Marine Le Pen. L’électorat du polémiste semble davantage diplômé et aisé que celui du RN, lequel se caractérise, comme la majorité des formations d’extrême droite en Europe, par un électorat davantage populaire, moins aisé, moins diplômé et plutôt masculin. Des caractéristiques sociologiques distinctes sur le plan électoral qui expliqueraient aussi que la concurrence opérée par Eric Zemmour face à l’extrême droite incarnée par Marine Le pen existerait, mais sans doute de façon plutôt limitée.
Certains affirment qu’après Trump, tout est possible en politique. Zemmour peut-il créer la surprise, ou le système de l’élection à deux tours en France l’en empêcherait-t-il forcément?
Il ne faut même pas aller aussi loin qu’aux Etats-Unis pour prendre un exemple aussi concret. On peut simplement penser à Emmanuel Macron. Moins d’un an avant l’élection présidentielle de 2017, de nombreux médias, observateurs, politologues et autres pensaient que les jeux étaient faits et qu’Alain Juppé allait devenir président. Finalement, François Fillon s’est imposé lors de la primaire de la droite avant de voir sa candidature perturbée par les affaires. Macron a réussi à s’imposer de façon pour le moins remarquable lors d’une élection historique: pour la première fois, on a eu au deuxième tour de l’élection présidentielle française deux candidats qui n’étaient pas issus des deux partis qui forment ce que certains appellent le bipartisme en France, à savoir le PS et Les Républicains. Bien sûr, Eric Zemmour n’a pas assumé de responsabilités ministérielles comme Macron à l’époque, mais il bénéficie d’une aura assez importante à travers ses interventions en tant que journaliste, chroniqueur et éditorialiste, mais aussi grâce à ses ouvrages qui se vendent extrêmement bien en France. D’ailleurs, un nouveau livre, qui paraîtra dans une dizaine de jours, pourrait bien le propulser encore davantage dans la course à la présidentielle.
Ce livre, intitulé “La France n’a pas dit son dernier mot”, n’est-il pas un ouvrage de campagne?
C’est bien possible, et c’est d’ailleurs devenu un classique en France. Nicolas Sarkozy avait lui aussi publié un livre en 2016, Macron également. Ces livres font office de programme électoral. Eric Zemmour a évidemment publié de nombreux ouvrages sans avoir été candidat mais d’aucuns estiment que ça pourrait être un signe qui officialiserait son entrée en campagne.
Faisons un peu de politique fiction: à quoi ressemblerait une présidence Zemmour?
Dans l’hypothèse où Eric Zemmour serait élu, qui nommerait-il au sein de son gouvernement? Qui serait le Premier ministre, les différents ministres? C’est une question que l’on s’est déjà posée à l’égard d’Emmanuel Macron, et que l’on peut légitimement se poser à l’égard de Marine Le Pen, même si elle dispose d’un certain maillage territorial, ce qui n’est pas le cas d’Eric Zemmour. Et au-delà de la composition de l’exécutif, de quelle majorité disposerait-il à l’Assemblée nationale et au Sénat, en sachant que les élections législatives interviennent quelques semaines après la présidentielle. Ce sera un double enjeu pour lui: pouvoir non seulement être président mais avoir aussi une majorité pour traduire son programme électoral en un ensemble cohérent de politiques publiques.
Zemmour est un adepte de la théorie du grand remplacement, plaidant pour l’arrêt total de l’immigration. Pourrait-il vraiment appliquer une telle politique s’il était élu?
Ce serait très difficile, pour plusieurs raisons. La première, celle qu’on vient d’évoquer, c’est d’avoir un gouvernement et surtout une majorité parlementaire qui permettrait de mettre en oeuvre toutes ses propositions. Ensuite, il existe un ensemble de traités internationaux à respecter. Le droit international ne permet pas de faire n’importe quoi et de faire tout ce qu’on veut. On l’a vu en Italie, où la Ligue de Matteo Salvini disposait pourtant du ministère de l’Intérieur. Et dans les années 90 et 2000, la présence de La Ligue du Nord au sein de plusieurs gouvernements n’a pas permis de réduire l’immigration en Italie. De nombreuses règles internationales, notamment européennes, doivent être respectées.
Par ailleurs, Eric Zemmour est avant tout quelqu’un qui dresse un constat, assez sinistre d’ailleurs, de la société depuis plusieurs années. Il tente d’établir un diagnostic des problèmes de la France. En revanche, il a moins l’habitude de proposer des solutions. Ce serait tout l’enjeu d’une candidature électorale. Il faudrait voir dans quelle mesure ses positions très dures à l’égard de l’islam, qu’il considère incompatible avec les valeurs de la République, ses positions radicales en matière migratoire, défendant la théorie -complotiste- du grand remplacement, défendant la remigration, se traduiraient concrètement en propositions électorales. Ses propositions seraient-elles aussi tranchées ou plus nuancées, et ce afin de ratisser un peu plus large?
Zemmour est également un souverainiste. On connaît son aversion pour la Commission européenne, qu’il excècre. Un Zemmour président organiserait-il automatiquement un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne, ou Frexit?
Pour être honnête, je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu Eric Zemmour aborder cette question. Il est vrai qu’en 2017, Marine Le Pen avait un programme très clair sur ce sujet. L’une de ses premières décisions en tant que présidente aurait été de soumettre un référendum sur le Frexit, affirmait-elle à l’époque. Néanmoins, depuis le départ de Florian Philippot, le RN a évolué sur le plan idéologique. Eric Zemmour, s’il entre en campagne, pourrait être tenté d’afficher sa différence avec le RN. D’ailleurs, Marine Le Pen a montré certaines craintes à son égard, en critiquant notamment sa position sur l’islam, auquel il s’oppose en tant que religion alors qu’elle s’oppose principalement à l’islamisme radical.
Candidat ou pas, Eric Zemmour a déjà exercé une influence sur le déroulé de la campagne électorale, en forçant notamment Marine Le Pen et ses troupes à se positionner sur la théorie du grand remplacement.
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