Antoine Wielemans, un gars des Girls en solo et en français
interviewLe musicien belge Antoine Wielemans, temporairement échappé du groupe Girls In Hawaii, publie ce vendredi un premier album solo, intitulé “Vattetot”, du nom de la commune normande où il s’est isolé pour lui donner vie. Nous avons rencontré le quadragénaire la semaine passée pour une petite introspection.
Sébastien CoolsDernière mise à jour:05-11-21, 09:59
Après Hallo Kosmo, Comète, Tresor, ou des musiques pour la télévision (“Ennemi public” et “Coyotes”), voici un nouveau monde parallèle à l’univers du groupe belge Girls In Hawaii: cette fois, c’est le chanteur et guitariste Antoine Wielemans qui se lance dans une aventure en solitaire, sous son propre nom, arrivant avec un premier album de neuf chansons en français (à écouter ci-dessous via Spotify et YouTube).
L’album “Vattetot” répond à un besoin d’autre chose, à une envie d’exploration, après plus de plus de quinze ans de collaboration au sein des Girls. “Ça fait un petit temps que j’avais envie de faire quelque chose en solo, dans mon coin, à ma manière, à mon rythme”, nous a confié Antoine Wielemans. “On était dans une période de ‘demi-pause’. Là, on est en train de retravailler sur un prochain (album), mais il y a deux ans, on avait fait une petite pause, parce que tout le monde avait des envies de projets en tête”, resitue la figure de proue du groupe.
“Le fait de travailler avec une langue qui n’est pas ta langue maternelle, c’est toujours une ‘traduction’ de ce que tu penses, de ce que tu as envie de dire.”
Antoine Wielemans
Francophile
Pointait aussi l’envie de se frotter à l’exercice d’écrire en français. “J’avais un fantasme d’écrire en français, depuis pas mal d’années. J’avais déjà essayé quelques fois, mais ça n’avait pas donné de résultats qui me plaisaient. Ça a mis pas mal de temps avant de vraiment assumer l’idée, ma voix en français, les textes en français”, confesse le chanteur. “C’est tout un cheminement, qui vient du fait que, depuis une dizaine d’années, j’écoute de plus en plus de trucs en français”, même plus qu’en anglais, estime le mélomane, qui cite en vrac Serge Gainsbourg, Mathieu Boogaerts, Bertrand Belin ou Flavien Berger. Avec Girls In Hawaii, “c’est souvent dans un deuxième temps qu’on écrit les paroles. Le fait de travailler avec une langue qui n’est pas ta langue maternelle, c’est toujours une ‘traduction’ de ce que tu penses, de ce que tu as envie de dire”, observe l’auteur.
Apprendre
“Vattetot” correspond aussi aux “débuts” au piano du musicien, qui travaille dessus depuis quelques années, un rêve d’enfance, mais aussi un besoin d’adopter une position différente que derrière une guitare. “Le piano est un instrument que je maîtrise moins, donc ça me fait faire plus d’‘accidents’, ça me fait aller dans des chemins plus inattendus que la guitare (...) Il y a plein de réflexes et de codes dont on a toujours des difficultés à se détacher, qui figent un peu chaque fois notre façon d’écrire. Passer sur un autre instrument, ça explose complètement tout ça”, analyse le compositeur. “Si on reste juste sur notre bagage musical ou technique et qu’on refait des albums et des albums, peut-être qu’ils seront de moins en moins intéressants. Aussi, quand on est dans un processus d’écriture, c’est toujours assez jouissif d’apprendre un instrument, des nouveaux trucs. On est toujours à la recherche de bouger un peu les lignes: changer un peu notre manière d’écrire, les instruments, notre manière d’enregistrer, ... Sinon, on a l’impression de faire toujours la même chose”, expose l’artiste.
Isolement
Pour Antoine, les vrais moments d’écriture se passent plutôt à distance, seul, en général l’hiver, sur base de précédents enregistrements, poussés plus loin. “C’est important pour moi d’avoir une forme d’isolement pour pouvoir entrer profondément dans la matière. Quand je suis à Bruxelles, je suis trop distrait par plein de choses”, constate le papa très occupé. “Je remarque que, quand je vais dans une maison comme ça et que je m’isole pendant quinze jours, non seulement le fait d’avoir tout mis en place, ça me force à être vraiment concret, à ramener du résultat, sinon ça va me déprimer (...), mais en plus, je peux travailler la nuit si j’ai envie, ce que j’adore, et quand je prends ma douche, quand je cuisine, quand je vais me balader, j’ai toujours en tête ce que je suis en train de faire, ça percole petit à petit, sur X jours, puis à un moment, ça se décoince, tout arrive. Parce qu’on est dans une bulle et que c’est à ce moment-là qu’un truc un peu intérieur et créatif peut vraiment se déployer, s’ouvrir”, dévoile-t-il.
“Ce projet, au début, c’était des démos. Je les ai fait écouter à quelques amis, à mon manager. Ils m’ont dit: ‘Mais en fait, pourquoi tu veux réenregistrer? Il y a une ambiance super cool: c’est un peu brut, mais en même temps, c’est ça qui est chaleureux et intéressant’.”
Antoine Wielemans
Homemade
Le confinement peu inspirant de la pandémie de coronavirus, se prolongeant bien au-delà des attentes de tous, a transformé les premières intentions d’Antoine et a permis de concrétiser cet album. “Je me suis dit: il faut que je trouve un projet à travailler chez moi, à la maison, en ‘homemade’, et que tous les jours, je puisse y passer deux ou trois heures, pendant que ma compagne garde ma fille, puis l’après-midi, on fait l’inverse, comme ça elle peut travailler aussi”, explique celui qui partage la vie d’une comédienne et musicienne. “Ce projet, au début, c’était des démos. À ce moment-là, je les ai fait écouter à quelques amis, à mon manager. Ils m’ont dit: ‘Mais en fait, pourquoi tu veux réenregistrer? Il y a une ambiance super cool: c’est un peu brut, mais en même temps, c’est ça qui est chaleureux et intéressant’. Donc j’ai écrit deux ou trois autres morceaux, puis j’ai développé et mixé. J’ai décidé de tout faire moi-même”, résume le multi-instrumentiste. “L’idée des démos était de tout jouer moi-même, dans mon coin, et de construire tous les morceaux, l’identité sonore moi-même, avec peut-être l’idée qu’après, je referais des batteries et des pianos avec d’autres musiciens, meilleurs que moi, en studio (...) J’ai fait le test sur un morceau, on est allés en studio le réenregistrer avec un vrai piano à queue, des bons micros, un pianiste, un batteur, pour essayer complètement une autre direction. Directement, j’ai compris que ça me plaisait beaucoup moins, que ça partait ailleurs, dans un truc beaucoup plus ‘variétés’, moins intime surtout. Donc j’ai assez vite décidé de tout chipoter moi-même”, tranche le créateur, soulignant l’intérêt d’alors pouvoir prendre tout le temps nécessaire à retravailler les détails sans pression financière liée au studio ni fatigue des collègues.
Eau
La retraite a eu lieu en France, tout près d’Étretat, à Vattetot-sur-Mer, dans une maison de vacances au bord des falaises, mise à disposition par la famille de Manou Milon, réalisateur notamment derrière les vidéos musicales Bruxelles Ma Belle. Les deux amis ont d’ailleurs tourné ensemble le premier clip, pour le morceau “Sel”, à quelques centaines de mètres à peine, en plein hiver, entre chien et loup, en soignant particulièrement la lumière. Chaque clip du disque a un lien avec l’élément eau. Ainsi, le troisième à venir, réalisé par Simon Vanrie, a lui été tourné en Belgique, du côté des lacs de L’Eau d’Heure.
Intimiste
Sur scène, Antoine Wielemans se produira en formule intime, en trio, accompagné de Leticia Collet (Dan San, Condore) et de David Picard (Applause, Atome). “En live, l’idée n’était vraiment pas d’être tout seul sur la route et dans les salles. J’avais envie de rencontrer des gens et de partager ça avec eux. Au début, j’ai un peu travaillé à faire les claviers moi-même et à chanter en même temps, mais les claviers, ce n’est tellement pas mon instrument de cœur, que je maîtrise... Faire des arpèges au piano, qui sont un peu complexes pour moi, plus chanter en même temps, ça allait m’empêcher d’être ancré dans ce que je chante, dans mon rapport aux gens en live”, admet le guitariste. Les prochains concerts annoncés se dérouleront le 25 janvier à La Maroquinerie à Paris, le 4 février au Botanique à Bruxelles et le 10 février au Reflektor à Liège. “A priori, j’ai l’impression que c’est plus un projet taillé pour des petites salles. J’ai l’impression que la jauge de 200-250 personnes, c’est vraiment le maximum pour que ce soit un peu intime. La Rotonde au Botanique est un peu la salle idéale pour ce genre de projet. Après, si on a d’autres propositions, une proposition de festival, on essaiera, on va voir ce que ça raconte. Si ça se trouve, ça marchera très bien”, commente Antoine. Alors que les setlists de Girls In Hawaii sont désormais remaniables à l’envi en mode “best of”, le répertoire limité ici à un seul album de neuf titres sera éventuellement enrichi de certaines chansons inédites, de quelques reprises, voire de l’un ou l’autre morceau revisité des Girls.
“En faisant tout ce disque seul, je me suis aussi rendu compte de la force qu’on a avec Girls In Hawaii, qui est d’être tout le temps deux à écrire, deux à tout partager, et puis le groupe par extension, où c’est vraiment un projet d’émulation, de partage, et où on est donc beaucoup moins dans le doute permanent, comme je l’ai été pour ce projet solo (...) Du coup, ça donne aussi l’envie de retravailler avec le groupe.”
Antoine Wielemans
Suite
Un nouvel album des Girls In Hawaii devrait voir le jour en 2022, même si la sortie dépend encore de multiples facteurs. “On a écrit chacun de son côté, Lio (Vancauwenberghe) et moi, en parallèle. On a quelques morceaux en chantier. On en joue déjà un ou deux, sur les lives qu’on faisait en ce moment, à l’automne. Après, avec Girls, on a toujours envie de peaufiner les disques. On est assez lents parce qu’on est assez exigeants envers nous-mêmes, donc le processus peut parfois mettre du temps. C’est toujours compliqué de mettre une date, mais on est occupés à bosser sur le prochain”, confirme le meneur de la bande. “En faisant tout ce disque en solo, je me suis aussi rendu compte de la force qu’on a avec Girls, qui est d’être tout le temps deux à écrire, deux à tout partager, et puis le groupe par extension, où c’est vraiment un projet d’émulation, de partage, et où on est donc beaucoup moins dans le doute permanent, comme je l’ai été pour ce projet solo (...) En étant tout seul, il n’y a pas de recul, pas d’objectivité (...) Du coup, ça donne aussi l’envie de retravailler avec le groupe”, compare l’évadé. À la question de savoir si la formation pourrait un jour chanter ne fût-ce qu’un morceau en français après son expérience personnelle en la matière, le chanteur ne ferme pas la porte, mais reste hésitant. À l’inverse, Antoine Wielemans ne pense pas écrire pour lui en anglais tant que Girls In Hawaii existe. “Les deux projets peuvent être juxtaposés. Il y a des liens, forcément, parce que c’est mon écriture, mais il y a assez d’éléments qui diffèrent pour qu’ils puissent coexister”, conclut-il.
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