Corbier: la guitare, la barbe, la pêche et la banane

Un sourire mi-charmé mi-perplexe. Pour autant que ce genre de grimace soit faisable, voilà ce qu'a à peu près dessiné le concert de François Corbier sur de nombreux visages: un sourire mi-charmé mi-perplexe. Quand on retrouve un vieux tonton, on craint toujours un peu ce qu'il va nous raconter. Ici, il n'y avait pourtant pas de quoi.

Si cela fait près de dix ans qu'on ne l'a plus vu sur le petit écran, ce cher Corbier, fameux co-animateur du mythique "Club Dorothée", n'a nullement égaré ses talents de comique en cours de route. Humour, calembours, bons mots, jeux de mots en tous genres, interactivité avec le public, il a sorti toute la panoplie. Mieux, sur scène, tonton Corbier a montré plusieurs visages. Tous ses visages.

Le nouveau répertoire du barbu toujours fantaisiste s'est éloigné des chansons enfantines. La simplicité du fond et le plaisir de jouer avec la forme sont toujours là, mais on dirait presque qu'ils ont grandi avec son ancien public, que comme les bons vins, ils se sont bonifiés avec l'âge. Corbier navigue aujourd'hui entre chanson à texte, chanson comique, blues et folk-rock, comme s'il avait hérité -caricaturons allègrement- d'un Georges Brassens d'humeur canaille, d'un Jean-Luc Fonck sobre et parisien, d'un Paul Personne fatigué de faire des gammes compliquées et d'un Hugues Aufray pervers (si, si).

Alternant humour et moments d'émotions, monsieur Corbier est parvenu à déconcerter, à faire réfléchir, et bien sûr, à faire rire. Notamment par des mini-chansonnettes-éclairs en guise d'interludes, uniquement écrites pour leur chute, uniquement jouées pour l'effet potache. À propos de ces mini-chansonnettes, les mauvaises langues commenteront qu'il ne manquait que Bernard Minet, batteur des Musclés, pour assurer le coup de cymbale. Mais quel régal!

Force est de constater que dans son nouveau répertoire, Corbier a ses thèmes fétiches: son passé au sens large, son passé au Club Dorothée (qu'il évoque tantôt avec nostalgie, tantôt avec amertume), la société et ses incohérences (Corbier serait-il un soixante-huitard refusant la retraite?), la femme dans tous ses états (Corbier serait-il un romantique frustré?), l'espoir, le désespoir, les aléas du quotidien, bref, la vie, quoi (dans le fond, Corbier serait-il simplement un humain?).

Pour ne pas faire de déçu, celui qui n'avait pas de pitié pour les croissants a livré spontanément parmi ses rappels un medley express de ses "tubes intergalactiques" de la belle époque du "Club Do". Se sont entre autres enchaînés: "Le Nez de Dorothée", "Sans ma barbe" et "Laissez les mamies faire". De quoi réveiller quelques bons souvenirs.

Trois guitares, un ukulélé et environ 90 minutes pour nous conter ses avatars vécus depuis la dernière fois qu'on l'avait croisé, c'est tout ce que tonton Corbier a partagé. Le Rideau Rouge a vécu un instant magique, un instant rare, qui avait de quoi charmer, mais de quoi laisser perplexe aussi. Comme un sourire.