Grand Corps Malade: grand écart et gueule de bois

Des mots "plein les oreilles"
Dans le titre intitulé "L'heure des poètes", Grand Corps Malade rend hommage à ceux qui lui ont mis "des mots plein les oreilles" quand il était plus jeune. Renaud, notamment. Il dit très joliment: "Renaud, c'est la rage et la tendresse, il y a trente ans, il a écrit des trucs qui, chaque jour, m'aident à comprendre ce que je fous ici."

"Je rends hommage à ceux qui m'ont nourri, qui m'ont donné le goût d'écrire." Aujourd'hui, les rôles s'inversent. C'est grâce au projet de Grand Corps Malade que Renaud a retrouvé l'envie de prendre la plume.

Dans ce texte, il cite également Charles Aznavour qu'il a convié sur ce disque. "Quand je suis face à ceux que j'admire, je ne suis pas timide ou impressioné mais j'ai un respect immense. Je n'oublie pas ce qu'ils représentent. Ce sont des gens simples, qui parlent avec les gens facilement. Je n'ai pas le vertige mais je ne suis pas blasé. Je garde mes yeux d'enfant. Quand j'ai eu l'album pour la première fois entre les mains, et que j'ai lu tous ces noms, j'étais émerveillé. J'ai conscience que c'est rare. Que tout le monde n'a pas la chance de travailler avec ses modèles."

Même s'il est le chef d'orchestre du projet; Grand Corps Malade n'a retravaillé aucun texte. On le fait réagir à celui de Lino (Ärsenik) et à cette phrase en particulier: "Si la musique changeait les choses, elle serait illégale." "C'est une formule choc, un peu provocatrice comme seul Lino peut les écrire. Avec un petit pincement au coeur, on se rend compte que c'est une phrase pleine de vérité. Malgré toute la passion qu'on met dans notre art, on sait que ça ne changera pas le monde. Mais si on voit le verre à moitié plein, on peut se dire que notre musique fait du bien à certaines personnes. C'est déjà ça."

La discussion glisse sur les terribles attentats parisiens du 13 novembre. Fabian, père de deux enfants, déclame dans "Pocahontas", s'adressant aux enfants qui feront le monde de demain: "Il nous restera ça je l'espère, ce sentiment essentiel de les avoir bien préparé à cet immense bordel." Des mots écrits avant le drame et qui prennent une dimension encore plus forte aujourd'hui. Comment on prépare les enfants à ce gros bordel, justement? "On essaie de les armer avec des valeurs, du courage, un bon équilibre. On essaie de les protéger, de les rendre autonomes, de leur donner tout ce qui pourra faire d'eux des adultes épanouis, curieux. On les arme de curiosité, oui, on leur donne une certaine vision de l'être humain et de la fraternité."  

Après Charlie Hebdo, GCM avait publié un texte. Il slammait: "En 2015, le monde a perdu toute humanité." Il ne croyait pas si bien dire. Aujourd'hui, il parle de sa terrible gueule de bois post-attentats dans un texte publié sur Facebook. "J'avais envie de réagir. J'avais vu des très belles choses. J'avais envie de parler de ça dans le drame ambiant. Dès le lendemain, Paris a repris une vie normale. J'ai donné un concert au Théâtre du Châtelet cette semaine. Il faut continuer très vite, avec naturel. Pour leur dire qu'ils n'auront pas ça. Mais bien sûr, on a toujours la gueule de bois, Paris est traumatisé."