La plus ancienne manufacture de pianos au monde en danger

La disparition annoncée des pianos Pleyel, fleuron musical qui a conçu depuis sa fondation en 1807 près de 250.000 pianos et acquis une réputation internationale, sonnerait le glas de la plus ancienne tradition manufacturière au monde concernant les pianos.

"L'entreprise Pleyel confirme la fermeture de l'atelier de production de Saint-Denis (banlieue parisienne), qui emploie 14 salariés, compte tenu de la situation de pertes récurrentes et du très faible niveau d'activité", a déclaré le président de la manufacture Bernard Roques dans un communiqué.

Mais le gouvernement a immédiatement réagi à cette annonce.

"Pleyel est un symbole, nous allons imaginer des solutions de relance", a déclaré mercredi à la radio France Inter le ministre français de l'Industrie, Arnaud Montebourg.

Le gouvernement est d'autant plus embarrassé que la société Pleyel venait d'obtenir, en juin, le renouvellement pour cinq ans du label d'Etat "Entreprise du Patrimoine Vivant", censé lui garantir un soutien privilégié à son développement.

La "Ferrari du piano"
Pleyel a eu du mal à résister à la concurrence venue de Chine et de Corée du Sud, en dépit d'un recentrage stratégique opéré en 2007 vers le piano haut de gamme.

"Une première solution permettant d'assurer la poursuite d'une certaine partie de la production n'a pas abouti", a expliqué son président. "Compte tenu du niveau des stocks des produits finis, le maintien de l'activité commerciale est assuré. Des solutions alternatives seront recherchées".

Fabrice Perret, directeur adjoint des ateliers, regrette la fin "d'un savoir-faire unique" pour la confection de ces instruments, parfois qualifiés de "Ferrari du piano". "On les livrait sur des yachts, aux Emirats, en Australie... Maintenant, Pleyel c'est fini."

La manufacture Pleyel de Saint-Denis avait ouvert ses portes en 1865, dans un vaste atelier de 50.000 m2. En 1961, la production avait été délocalisée en Allemagne, puis rapatriée en France, à Alès, de 1996 à 2007.

Pleyel ne produit plus que deux pianos par mois
Le groupe était revenu s'implanter à Saint-Denis, au nord de Paris, à l'occasion du bicentenaire de la marque. Le nouvel atelier était tourné vers le luxe (pianos à queue, de designers, d'artistes, commandes spéciales...) et fabriquait également des meubles design.

Conséquence de ce repositionnement, lié à la concurrence féroce des fabricants asiatiques: la société ne produisait plus ces dernières années que deux pianos par mois, contre près de 140 au début des années 2000.

"Cette disparition est symptomatique du plan social de grande ampleur actuellement à l'oeuvre dans le secteur des métiers d'art", estime la Confédération française des métiers d'art (CFMA).

La présidente du Conservatoire international de musique de Paris, Françoise Levéchin, évoque elle "une grande catastrophe pour l'école du piano français".

"C'est impensable qu'on ne puisse pas la soutenir, qu'on ne puisse pas sauver cette maison très ancienne qui est une grande manufacture française et qui fait partie de l'histoire du piano", déplore-t-elle.

Le président des pianos Klein, autre fabriquant historique de pianos en France, a lancé un appel pour "préserver le savoir-faire exceptionnel français dans la conception de pianos de qualité, facteur de rayonnement culturel essentiel pour la France à l'étranger".

La construction d'un piano Pleyel nécessite 5.000 pièces, entre 500 et 1.500 heures de travail, regroupant 20 métiers différents (luthiers, ébénistes, vernisseurs, laqueurs...), indique le constructeur sur son site.

Le nom des Pleyel est également lié à de nombreux lieux parisiens, comme la station de métro Carrefour Pleyel, la tour Pleyel et la mythique salle de concert Pleyel, près des Champs-Elysées.