"Le rap met KO toutes les musiques, personne ne peut rivaliser"
VideoPrésent il y a quelques jours à Bruxelles à l'occasion d'un showcase, Alonzo nous a accordé quelques minutes dans son programme surchargé pour évoquer le succès de son dernier album "100%", reflet d'une carrière solo devenue riche après un démarrage en douceur. Dans ce nouvel opus, l'ex-Psy4 de la Rime aborde des thèmes plus profonds, comme la famille ou sa relation avec Soprano, entame une introspection sans avoir encore résolu son rapport complexe avec sa passion, le rap. Interview avec un zeste d'égotrip.
Le titre de ton album "100%" cache un Alonzo à cœur ouvert?
Oui. Quand je suis entré en studio, au bout du septième morceau enregistré, je me suis rendu compte que je me livrais beaucoup, en tout cas dans la première partie de l'album. Comme le morceau éponyme de "100%", comme "Papa allo", "La vraie vie", "Goodbye", "Ma Famille". Contrairement au rap actuel, où il y a pas mal d'égotrip, de morceaux destinés aux clubs, je me livre sur pratiquement la moitié du LP: je parle de moi, de mes émotions, de mes sentiments. Donc, le titre est venu naturellement. C'est "100% moi".
Sorti le 25 août dernier, il cartonne de façon assez semblable aux deux précédents ("Règlement de comptes" et "Avenue de St-Antoine"), disques d'or et de platine. Avec le recul, tu arrives à expliquer les clés de ce succès populaire?
C'est difficile. En tout cas, moi, j'apporte beaucoup de rigueur dans ce que je fais. J'essaie de faire ce que j'aime, de proposer à mon équipe, mon entourage et ensuite à ma fan base. Mais sincèrement, je pense que c'est dur à expliquer un succès. Avec les années, ma passion est devenue un métier, même si l'aspect passionnel est resté prioritaire. C'est très bien ce que la musique peut apporter au quotidien à chacun d'entre nous. J'essaie de bien la faire et j'essaie d'y mettre beaucoup de coeur. C'est peut-être une partie des raisons de la présence du public à chaque fois.
La pression liée au succès et à l'attente du public agit sur toi?
Beaucoup. Je suis quelqu'un qui essaie de se surpasser. Je me remets souvent en question. J'essaie de maîtriser mon égo, d'apprendre des petits et des grands. Bien sûr, ça me met une pression parce que le rap est une musique générationnelle. Quand j'ai commencé dans les années 2000, des groupes avec qui j'ai fait des plateaux multi-artistes ont disparu aujourd'hui. J'ai réussi à traverser le temps. Et je pense que c'est la pression que je me mets à chaque album qui fait que je suis encore présent. S'il n'y a pas de pression, il n'y a plus de passion. Le jour où je n'ai plus la pression, c'est que je prends les gens pour des cons, que moi-même je ne me respecte pas ou que je me prends pour un con. Ce jour-là, il sera l'heure de raccrocher. Je me mets la pression tout le temps, avant de monter sur scène, avant chaque chose. Il s'agit beaucoup de respect de soi; j'essaie de ne pas me mentir à moi-même.
Tu as connu un succès tonitruant avec Psy4 avant de mettre plus de temps à exploser en solo. Qu'est ce qui fait qu'on s'accroche, qu'on ne se laisse pas gagner par le découragement?
Quand on connaît son potentiel. Alors on ne peut pas le dire ou le crier, on ne peut pas arriver et s'exclamer: Hé, vous n'avez rien compris. Les deux albums que j'ai sortis, c'est une tuerie, c'est moi le meilleur. On ne peut pas déclarer ça. Ce n'est pas possible. Mais, être sûr de soi est déjà un moyen de ne pas lâcher. Je suis quelqu'un de sûr de moi, de mon potentiel. J'ai énormément de musicalité en moi et j'ai beaucoup de choses à proposer. Je crois au destin de la vie, je pense qu'on a chacun notre livre, chacun notre parcours et on est tous différents. Soprano (ex-Psy4) a trouvé le succès directement, moi il a fallu deux albums; au bout du 3e, le succès est venu. Et le suivant a connu un succès encore plus énorme. Aujourd'hui, je suis devant vous en train de parler de ce cinquième album qui a énormément d'autres sonorités et de thèmes. C'est un album de transition pour moi, parce que j'aspire à de grandes choses et je n'en vois pas encore la limite.
Transitions à quel niveau?
Au niveau de la sonorité, surtout. J'ai été bercé par le top 50. Je fais partie d'une famille de musiciens qui ont beaucoup joué de musiques traditionnelles, mais qui ont également fait beaucoup de reprises pop, rock, reggae: toutes ces influences sommeillent en moi, je ne peux pas faire autrement. J'aspire à mélanger ces sonorités-là pour en faire du Alonzo, quoiqu'il arrive. Mais on en est au stade de la réflexion, on s'inspire de plein d'influences extérieures au rap.
Ce projet reste associé avec Spike Miller (le Beatmaker) dont la rencontre s'est révélée décisive dans ta carrière?
Bien sûr. Notre duo fonctionne car il est ouvert. On n'est pas enfermés tous les deux, à se prendre pour les meilleurs, à rester hermétiques aux autres influences, aux autres compositeurs. On s'ouvre à d'autres compositeurs, réalisateurs, on n'est pas seuls au monde. On est bien entourés. Spike, c'est un réalisateur. Il veut le bien de ma carrière, de mon album. Quand j'arrive en studio, il sait où m'emmener, il me propose des choses. Moi, je suis plus spontané: on va me soumettre une prod, on va en parler, ça va m'inspirer. Spike veille à l'homogénéité, impose un fil conducteur pour éviter que ça parte dans tous les sens, comme sur mes deux premiers disques. Moi, l'inspiration me vient sans calcul et autour de notre binôme gravitent beaucoup de gens.
Soprano, on y revient, est présent à tes côtés dans "Ma Famille" dans lequel tu parles des "années (qui) passent, on se perd de vue". C'est difficile de garder des liens avec un ami de longue date avec qui on a tout vécu?
Par rapport à notre métier, oui. Le succès ne nous a pas séparés. On a fait quatre albums ensemble avec le groupe, puis on a fait une pause pour se consacrer à nos carrières solo. Même si on a les mêmes managers, la même équipe, à l'heure où je te parle, il est en tournée à Nantes: donc, on se croise de temps en temps. C'est vrai que notre carrière solo nous éloigne: on a du mal à vivre des moments simples, en famille, avec ses enfants et les miens.
Dans "Tu vas parler", tiré de "Règlement de comptes", ton troisième album, tu tailles en pièce les hypocrites, les langues de vipère. Tu visais qui en particulier?
Les haters sur le net. Tout simplement. Aujourd'hui, sur internet, tout le monde à droit à la parole alors que je ne pense pas que tout le monde devrait la prendre (sourire). Les haters sont des gens qui vont raconter n'importe quoi sur ta vie, ta carrière, ta manière de gérer ton business, de prendre un thème, etc. Moi je viens d'une époque où ça n'existait pas. Je les vise, je leur dis: Restez à votre place. Vous êtes des consommateurs de musique, vous pouvez ne pas aimer, les goûts et les couleurs sont dans la nature, mais de là à jouer les directeurs artistiques, c'est un autre métier. Dans l'absolu, je ne m'en plains pas, je vis avec, mais quand je trouve ça "marrant", j'en fais un morceau. Mais ça reste un truc de malade. Souvent je me dis que, soit ce sont des gamins de 13 ans qui s'ennuient et qui jouent les détracteurs, soit on vit dans un monde de bâtards. Quelle méchanceté sur le net. Mais il y règne un esprit super négatif. Moi, ça ne me touche pas, je le vis bien, j'ai l'habitude. Ma réponse est humaine, et en plus, sincèrement, j'essaie de me bonifier d'années en années. Ce morceau date de 2014, est sorti en 2015; on est bientôt en 2018, je deviens de plus en plus blindé. Je me dis que ça fait partie du jeu. Tu peux recevoir une pluie d'insultes sur Twitter et deux minutes après, tu peux croiser une famille qui te dit: C'est fabuleux, ce que tu fais. La maman te dit qu'elle va venir te voir en concert avec ses enfants au Zénith. Donc tu te dis entre le mec qui s'ennuie chez lui - peut-être qu'il s'est fait plaquer par sa meuf ou qu'il veut jouer les chauds avec son clavier - et la vraie vie de la mère de famille qui te croise, qui te demande une photo, qui est excitée d'emmener ses enfant te voir au Zenith, t'as vite fais le choix.
Lors de la sortie de ton album précédent, "Avenue de St-Antoine", tu évoquais dans une interview le fait que le rap ne t'avait pas apporté que du bien. Où en est ta relation avec ta musique? (Réflexion). T'as déjà tapé dans Google, le mot Passion pour savoir ce que ça signifie exactement? (Il pianote). Tu vas comprendre pourquoi ça me fait du bien et du mal. (Il lit). Passion, du mot latin (patior) signifiant la souffrance, le supplice, état de celui qui subit, c'est la maladie de l'âme. À la base, c'est la signification de ce mot. De nos jours, c'est plus dans la romance, c'est plus aimer, être un passionné. Je pense que tu as la réponse. Sincèrement. Et moi, ça, je l'ai découvert il y a deux semaines parce que je ne comprenais pas pourquoi je n'étais pas bien alors que je cartonne dès la sortie de mon album, que je suis disque d'or en moins d'un mois. Parce que peut-être qu'il y a 3 personnes qui n'ont pas aimé mon disque, mais à côté de ça, je rentre dans des grandes radios, je vais faire un "Dôme" (à Marseille), un Zenith. J'aime ça, mais en même temps je suis torturé parce que j'ai toujours à prouver, à l'extérieur, mais surtout à moi-même. Et pourquoi je n'ai pas la paix intérieure alors que je kiffe ça et que pour rien au monde je ne voudrais arrêter? Voilà en quoi ça m'a et me fait du mal. En plus, ça m'éloigne de ma famille, je rate les premiers pas de mes gosses, mais d'un autre côté, ça me rend bien, parce que grâce au rap, ils vivent dans un certain confort. Je suis dans l'entre-deux. Je suis tiraillé. Cet état d'esprit peut expliquer la raison d'être de "100%", dont les thèmes qui tournent autour de la famille, de mon fils ("Papa allo"), de la vraie vie, de se marier pour chercher la stabilité. À mon âge, j'arrive à mieux comprendre ma vie et je l'écris. Peut-être que ça ne va pas parler à un jeune de 15-20 ans sur certains titres, même si j'ai gardé des titres Nutella...où il y a la bagarre, la vaillance, où on s'en prend plein la gueule. Je sais que ce public me préfère dans ce registre. Je suis conscient de tout. Et moi aussi, je kiffe ça parce que, comme tout homme, je reste un enfant. Mais la famille et ma ville, mon lieu de vie, sont importants quand tu es un artiste. C'est la base.
Tu es né et a grandi à Marseille. Tu y vis toujours. Quel regard portes-tu sur l'évolution d'une ville souvent associée de l'extérieur à la violence et au grand banditisme?
Comme j'ai dit dans un morceau avec Psy4 en 2013 ("Jeunesse France"), à Marseille, tu as le côté carte postale et le côté cramé. Marseille est une ville où cohabitent beaucoup de communautés. En parlant d'évolution, je pense qu'aujourd'hui, on a perdu la notion du mot respect dans les cités, ce que je connais. J'ai grandi dans le quartier nord, XVe arrondissement de Marseille, dans le "chaudron". Comme je dis, j'ai l'impression que quand j'avais 10 ans (en 1992), on avait cette notion du mot respect... Des aînés, de cacher nos bêtises à nos parents. Mais, maintenant, malheureusement, c'est chaotique. Je n'aime pas trop en parler, je n'aime pas servir de guide aux émissions françaises qui m'en font la demande, je ne veux pas que mes interviews ne tournent qu'autour de ça, mais l'évolution a démontré qu'on a perdu certaines vertus. Cette ville n'a plus de limite en terme de violence. Après, à côté de ça, il existe des gens qui ne subissent pas cette violence. Moi, je ne parle que de ce que je connais, de ce que j'ai vécu. Ma mère habite encore le quartier nord, pour rien au monde elle voudrait quitter ce quartier où elle est installée depuis son arrivée en France (des Comores). Elle ne connaît que ça, elle vit parmi ses frères et sœurs. Chaque semaine, je m'y rends. Donc je suis toujours au contact et j'observe. C'est dramatique. La situation est difficile.
Le 5 octobre, tu te produits au Velodrome avec Soprano... c'est un tournant supplémentaire...
C'est dingue. C'est la première fois qu'un rappeur s'y produit. Aucun autre rappeur, dans l'histoire de ce stade, n'y a jamais chanté. Et même un chanteur de variétés reste rare. Il y a eu Johnny Hallyday, Céline Dion. Mais personne d'autre. C'est une date légendaire. Plus de 50.000 billets ont déjà été vendus.
Question cocorico (Il rit). À quoi expliques-tu la bonne cote du rap belge en France, des Damso, Hamza, Roméo Elvis, JJ & Caballero? Est-ce le signe d'une génération des rappeurs français moins prolifique?
C'est une question de fraîcheur. Parce que tu me parles du rap francophone belge, mais quand je suis à Paris, on me parle du rap marseillais. Comme si Marseille ne faisait pas partie de la France; les Parisiens vivent beaucoup en autarcie. Ce succès, c'est tout simplement un renouveau, c'est quelque chose de différent, tout comme le rap marseillais l'a été à une époque ou l'est aujourd'hui avec Jul ou SCH. C'est tout simplement le moment d'enquiller et j'espère que cette période durera le plus longtemps possible. On avait déjà beaucoup de Beatmakers, mais voilà, aujourd'hui, Damso, Shay, Hamza... Le rap belge est bel et bien là. Il n'y a pas de frontières. Le rap, c'est la musique du peuple. En France, c'est la musique la plus écoutée. On le voit avec les stream, un artiste de la variété française va te mettre K-O dans les ventes physiques. La ménagère va acheter son bidon de javel et prendre l'album de Calogero en passant. Mais, dans la consommation réelle, le rap met K-O toutes les musiques, personne ne peut rivaliser. Et, aujourd'hui, le rap belge tient sa place tout simplement par la langue et cette fraicheur dont je parlais. L'argot, la manière de choisir les prod... On a pu le voir avec Damso: il est venu avec un style et un son propre à lui. Il n'a copié personne. On n'avait jamais entendu ça. Le gars, il arrive, c'est très bien écrit, les prods sont bien choisies, il a une voix qui porte, il a des punchlines. C'est très bien fait, c'est magnifique, on prend. Il est triple disque de platine, on est contents pour lui. Et on espère que beaucoup suivront. Cela ne peut être que bénéfique et apporter de la fraîcheur au rap francophone.
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