Après les accusations d’inceste, comment protéger les enfants? “Le sentiment de honte pousse au silence”
InterviewDepuis qu’a éclaté l’affaire Olivier Duhamel, d’autres plaintes pour inceste visant des personnalités sont médiatisées. C’est le cas notamment de celle déposée contre le producteur Gérard Louvin pour “complicité de viol par ascendant sur mineur de 15 ans” et celle de Coline Berry-Rojtman, la fille aînée de Richard Berry qui accuse l’acteur d’inceste. Sur les réseaux sociaux, les témoignages d’anonymes se multiplient sous le hashtag #Metooinceste. Avec cette libération de la parole, nous sommes nombreux à nous demander comment détecter un enfant victime d’inceste et comment lui venir en aide. Céline Jennequin, psycho-practicienne, répond à nos questions.
Partager par e-mail
Les affaires d’inceste prennent parfois du temps avant d’être révélées. Qu’est-ce qui pousse les victimes et leur entourage (lorsque celui-ci est au courant) à se taire?
Céline Jennequin, psycho-praticienne: Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. La liste peut être longue, mais j’en citerai les principaux. Je commencerai par le sentiment de honte que ressent la victime (l’enfant ou l’adolescent) et qui la pousse au silence. Lors d’un abus sexuel, il y a deux types de blessures qui ‘effractent’ l’enfant ou l’adolescent. La blessure physique, celle qui fait mal au corps, et la blessure psychique, celle qui lui laisse une impression d’avoir été abîmé, endommagé, mutilé, transformé. L’enfant/adolescent se sent alors sale, dévalorisé, indigne.
Il a l’impression de n’être rien de plus qu’un objet, ce qui engendrera une faille narcissique importante, qui risquera de faire imploser sa personnalité. Dans cette faille, s’entremêlent ces sentiments de honte et parler de ce qu’il a subi serait mettre en lumière ce dont il a honte, c’est-à-dire lui-même, et cela est extrêmement difficile pour lui.
Un autre facteur est lié au sentiment de culpabilité. L’abuseur sait qu’il transgresse un interdit et, parfois pris de remords, il projette sur l’enfant ses propres sentiments de culpabilité, ce qui lui permettra de s’en détacher et de restaurer son image de lui-même. L’enfant, lui, ne sera pas capable de rendre à l’adulte la pleine responsabilité de son crime et portera le poids de la projection de l’abuseur. Il se pensera être le seul fautif, ou au moins en partie responsable des pulsions sexuelles incontrôlées de l’adulte.
La libération de la parole est essentielle, et si les réseaux sociaux peuvent en être les vecteurs, c’est fabuleux
Et il y a également la peur?
Comme vous le dites, il y a bien la peur. Il vit dans la peur. La peur des représailles, la peur de ne pas être entendu, et la peur de trahir l’adulte-abuseur car parler, c’est prendre le risque de faire voler en éclats la famille. Il se soumet alors à l’injonction de silence et à la volonté de son abuseur.
La libération de la parole au sujet de l’inceste sur les réseaux sociaux, est-ce une bonne chose?
Les réseaux sociaux sont devenus des médias importants qui permettent non seulement de s’exprimer mais aussi d’être lu. Ils permettent aussi de sensibiliser le public et de lever certains tabous. Au sujet de l’inceste, puisque l’enfant/l’adolescent est piégé dans une relation d’emprise, “muselé” par le secret du silence, que la parole se libère est quelque chose de super. Pour s’aider et être aidé, il faut parler. Chaque parole compte, chaque témoignage compte et souvent, lire que d’autres personnes vivent ou ont vécu dans le passé ce même drame permet de sortir de l’isolement, et d’oser. La libération de la parole est essentielle, et si les réseaux sociaux peuvent en être les vecteurs, c’est fabuleux. Bien évidemment, les règles de prudence relatives à l’utilisation des réseaux sociaux restent de mise mais bien utilisés, ils peuvent être de merveilleux outils.
Quels sont les signes qui doivent alerter?
Avant de citer les signes principaux, il me semble important de rappeler ce qu’est l’inceste. L’inceste est donc le résultat de pratiques sexuelles avec un membre de sa famille à un degré dans lequel le mariage est interdit.
Aussi, l’inceste recouvre trois grandes catégories d’abus:
Les abus sexuels sans contacts corporels (exhibitionnisme, faire visionner à l’enfant des images ou vidéos pornographiques, tenir des propos érotiques devant l’enfant, ou au sujet du corps de l’enfant)
Les abus sexuels avec contact corporel (caresses ou baisers érotiques, attouchements)
Les abus sexuels avec pénétration (tentative de pénétration ou pénétration anale, vaginale ou orale)
En ce qui concerne les signes, ils peuvent différer selon les âges. Cependant, Suzanne M. Sgroi (1986) a décrit les indicatifs principaux des victimes d’inceste:
⦁ Un comportement particulièrement docile ou à l’inverse provocateur, agressif
⦁ Un comportement excessivement mature
⦁ Les allusions à des pratiques sexuelles
⦁ Des jeux sexuels déplacés seul ou avec des camarades
⦁ Un sur-investissement scolaire ou au contraire, un désintérêt
⦁ Relation conflictuelle avec son entourage
⦁ Manque de confiance, et tout particulièrement envers les adultes
⦁ Déficit attentionnel
⦁ Chute des résultats scolaires
⦁ Crainte excessive envers les hommes ou, au contraire, comportement séducteur
⦁ Trouble du sommeil, de l’alimentation
⦁ Fugue
⦁ Repli sur soi
⦁ Dépression clinique
⦁ Pensées suicidaires
Si certains de ces signes sont présents, il est important de prêter une attention toute particulière à l’enfant/adolescent. Par contre, il faut être prudent et ne pas tirer de conclusions hâtives. Les fausses allégations de maltraitances sexuelles peuvent avoir des répercussions désastreuses tant pour l’auteur accusé à tort que pour l’entourage.
C’est aux adultes de protéger les enfants, et non l’inverse
En tant que proche, comment agir au vu de la délicatesse de la situation?
Avant de parler de guérison, il me semble important de parler de prévention. Il est important que chaque enfant puisse entendre que son corps lui appartient, quels sont les gestes autorisés et ceux qui ne le sont pas. L’idéal serait que cette prévention vienne de la famille cependant, puisque dans le cas d’inceste c’est souvent toute une famille qui est placée sous le silence, la famille plus éloignée, des amis ou encore l’école peuvent jouer ce rôle. Ils peuvent apprendre aux enfants à écouter leur petite voix intérieure, celle qui l’informe quand il sent que quelque chose est “bien” et lorsque c’est “mal”. Un enfant qui sait qu’il peut dire non et apprend à le faire aura moins de risque d’être victime d’abus sexuels.
Ensuite, si vous pensez connaître un enfant victime d’inceste, instaurer un climat de confiance sera nécessaire pour qu’un échange puisse avoir lieu. Lors de cet échange, laissez l’enfant/l’adolescent s’exprimer sans émettre de jugement. Encouragez-le à “raconter” sans (trop) poser de questions. Rassurez-le en lui disant qu’il a eu raison de vous en parler, même si cela est difficile, et enfin dites-lui que vous allez l’aider, car c’est aux adultes de protéger les enfants, et non l’inverse.
Le suivi psychologique est-il indispensable pour toutes les victimes d’inceste? Et pour leurs proches?
Comme je l’expliquais, l’inceste est un drame, une succession de traumatismes et ses conséquences sont souvent dévastatrices. Pourtant, il est possible pour la victime de se reconstruire, c’est ce que permet l’intervention de professionnels adéquats, tels que des psychologues. Au cours de la psychothérapie, elle sera amenée à se déresponsabiliser et à rendre à l’auteur sa pleine responsabilité. C’est essentiel. Elle pourra également mettre en mots ce qu’elle a vécu et travailler sur la réappropriation de son corps, de ses ressentis, d’elle-même.
En ce qui concerne la famille, des thérapies familiales peuvent être bénéfiques, ainsi que la participation à des groupes de parole.
Quelles sont les aides disponibles?
SOS Inceste à Etterbeek propose des permanences d’écoute téléphonique et propose un accompagnement aux victimes : 02/646.60.73
Toujours en Wallonie et à Bruxelles, des centres de planning familial peuvent accueillir les victimes et leur famille. Vous trouverez leurs adresses sur le site loveattitude.be.
LIRE AUSSI
“C’était mon médecin de famille”: Najoua Belyzel, victime d’attouchements sexuels durant son enfance
Gratis onbeperkt toegang tot Showbytes? Dat kan!
Log in of maak een account aan en mis niks meer van de sterren.Aussi dans l'actualité
-
Michel Cymes révèle l’erreur qui rend le gel hydroalcoolique inefficace
Le gel hydroalcoolique est un indispensable dans la lutte contre le coronavirus. Reste encore à l’utiliser correctement. Sur RTL, Michel Cymes a dévoilé l’erreur à éviter lorsqu’on utilise le produit. -
Crise sanitaire
Quand la résignation s’installe: les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale
Invité au micro de France inter, le pédopsychiatre et psychanalyste Patrice Huerre a évoqué un phénomène sous-estimé de la crise sanitaire. Une forme de résignation face à l’insoluble, une perte d’envie, un repli sur soi: l’auto-confinement psychique. -
Halle Berry accuse son ex-petit ami d'inceste et de racisme
Halle Berry a accusé Gabriel Aubry d’avoir eu “une relation sexuelle incestueuse avec un membre de la famille” et de l’avoir “insultée de manière raciste” pendant leur relation. -
“Mon papa me touche, je n’aime pas”: comment réagiriez-vous face à une fillette abusée?
La pédophilie intrafamiliale (ou l’inceste) reste un sujet tabou dans notre société. Et vous, comment réagiriez-vous si vous étiez témoin d’une conversation malsaine entre un père abuseur et sa fille? Que feriez-vous dans une telle situation? Intervenir? Appeler la police? Mettre la jeune fille à l’abri? Ces questions, la chaîne Youtube “Would you React”, les pose au travers d’une nouvelle expérience sociale tournée en mai dernier sur la terrasse d’un café. -
Violences, manipulation: Marilou Berry fait des révélations choc sur son oncle Richard Berry
Le 25 janvier dernier, Coline Berry-Rojtman portait plainte contre son père Richard Berry pour inceste et viols. Après avoir publiquement soutenu sa cousine sur les réseaux sociaux, la comédienne Marilou Berry a fait de nouvelles révélations sur cette affaire dans les colonnes de Paris Match.
-
L’actrice Drew Barrymore hospitalisée en psychiatrie à l’âge de 13 ans: “Ma mère avait créé un monstre”
L’actrice Drew Barrymore a eu une enfance tourmentée. Après le succès planétaire du film “E.T.”, elle est devenue une véritable star alors qu’elle n’était âgée que de six ans à peine. Les années suivantes, Drew Barrymore a perdu le contrôle et a fini par être hospitalisée dans un service psychiatrique à l’âge de 13 ans, comme elle l’a expliqué dans l’émission de Howard Stern. -
Elle dévoile les poils sur sa poitrine en couverture d'un magazine
Ses poils sont sa fierté. Esther Calixte-Béa, une jeune artiste québécoise de 24 ans, est l’une des 10 femmes mises en avant par le magazine britannique Glamour pour célébrer la diversité corporelle. La jeune femme se bat pour normaliser la pilosité présente sur sa poitrine. -
Comment en finir avec les cheveux gras? Les précieux conseils d’une professionnelle
Vous n’en pouvez plus de voir vos cheveux devenir gras deux jours après les avoir lavés? On vous comprend. En bannissant quelques mauvaises habitudes de votre quotidien et en appliquant les précieux conseils de Leonora, gérante du salon de coiffure Leo Hair Artist, vos cheveux seront doux, brillants et en bonne santé. On vous explique.