La jeunesse, victime collatérale de la Covid-19: “Sacrifier sa vie à 20 ou à 50 ans, ce n’est pas la même chose”
TémoignagesSolitude, frustration et manque de considération. Ce sont les sentiments qui ressortent des témoignages de trois jeunes Belges que nous avons recueillis. L’année qui vient de s’écouler fut particulière pour chacun d’entre nous, peut-être encore plus pour nos étudiants qui ont dû s’adapter à de nouvelles organisations, mais aussi se construire tout en faisant une croix sur leur vie sociale.
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Depuis le mois de mars dernier, nous nous sentons tous dépossédés de notre vie sociale, qui était pour certains trépidante et pour d’autres plus calme, mais surtout essentielle. Plus encore, ce sont nos étudiants qui se voient privés des liens sociaux si importants à leur âge et capitaux dans leur construction.
Une frustration confirmée par une récente enquête de la Commission communautaire commune de la Région de Bruxelles-Capitale menée auprès de Bruxellois âgés de 18 à 25 ans, étudiants, travailleurs ou encore chercheurs d’emploi. “Ce ‘blues’ du confinement est partagé par tous les sondés, francophones et néerlandophones, et ce quelle que soit leur origine culturelle”, détaille la Cocom.
Cette mélancolie, nous l’avons décelée dans les témoignages de Thibault, Soraya (prénom d’emprunt) et Mehdi (prénom d’emprunt). Trois jeunes Belges qui ont partagé avec nous la manière dont ils vivent cette année si particulière.
L’adaptation
“Quand le premier confinement a été annoncé, nous l’avions accepté à contre-cœur. Mais l’adaptation a été obligatoire, car l’urgence était partout”, se souvient Mehdi, 23 ans, étudiant en immobilier à Liège. “On a beaucoup discuté avec ma mère et on a décidé que je resterais dans mon kot car j’ai un proche qui est une personne à risque. C’était le début de la grande solitude.”
Une urgence relayée par les médias, mais qui se ressentait également dans la manière dont a été gérée la crise au sein des universités. Les étudiants ont dû apprendre à suivre des cours à distance à la hâte, devant parfois supporter les couacs de ces organisations exceptionnelles. “Cours à distance, stage en présentiel, examen à distance ou en présentiel... J’ai arrêté d’essayer de comprendre et je me focalise sur mon année scolaire. Car si l’échec se présente, je ne pourrais pas remettre la faute sur la Covid-19. En tant qu’étudiante, j’ai l’impression d’être comme un sac à patates que l’on jette d’un endroit à un autre, sans attention ni considération”, déplore Soraya, 24 ans, qui aspire à devenir éducatrice spécialisée.
Le plus dur pour Thibault, étudiant en communication de 20 ans, est de s’octroyer des moments de distraction sans culpabiliser: “Il n’y a pas de séparation entre les moments d’étude et ceux de détente. En étant chez nous, on n’arrive plus à distinguer les pauses des cours. On ne sait parfois même plus quel jour on est! Nous sommes constamment sous tension.”
Nous sommes constamment sous tension
La notion de détente
L’étudiant de l’IHECS à Bruxelles ajoute: “Sortir, s’évader, faire autre chose, c’est important... Il faut pouvoir sortir de ce cadre d’étude. À côté de cela, il y a une augmentation de la consommation des réseaux sociaux. Plus qu’avant. C’est essentiel pour garder un contact avec les autres.” Pour Mehdi aussi, son smartphone est devenu son unique lien avec le monde extérieur depuis son kot. “Une fois seul, on a tendance à penser à ce qui ne va pas. Les messages vocaux et les Skype étaient la seule alternative, mais un simple écran ne remplace pas la proximité.”
Le manque de contacts sociaux a été plus facilement géré par nos jeunes lors du premier confinement que durant le second, à en croire les témoignages recueillis. “A la fin du premier confinement, c’était une vague d’espoir. Récupérer tout ce que nous avions perdu, nos vies sociales. C’était comme si on nous disait ‘Vous êtes récompensés pour vos sacrifices’. Le second confinement, c’était un coup de hache qu’on a vu venir de loin. J’avais pu prévoir le coup et rentrer auprès de ma famille pour recharger mes batteries avant la vague ‘examens’”, confie Mehdi.
“Le plus dur avec ce deuxième confinement, c’est la notion de durée, détaille Soraya. Le temps parait long et le manque de liens sociaux s’est fortement accentué. Et ce manque crée une souffrance psychologique pour ma tranche d’âge.” Mehdi s'inquiète également pour les jeunes de son âge. “On vit la souffrance dans le silence. À notre âge, on ne va pas dire les choses ouvertement, donc je ne pense pas qu'un ami me ferait part d'une détresse. Et je ne pourrais pas le sentir si je ne le vois pas. On revient au même cercle vicieux!”
Le deuxième confinement, un coup de hache que l’on a vu venir de loin
Solidarité
Toutefois, “nous sommes soudés et même sans se voir, nous essayons de prendre soin les uns des autres”, ajoute Soraya. La solidarité semble être le maître-mot en ce temps de crise, aussi bien entre amis mais aussi au niveau de la société. “Je pense que les efforts doivent être collectifs”, estime Mehdi, qui précise tout de même que “sacrifier un an de vie sociale à 20 ans ou à 50 ans, ce n’est pas la même chose”, lorsque l’on évoque un confinement destiné uniquement aux personnes à risque.
Pour Thibault, les jeunes sont clairement les oubliés de cette crise sanitaire et le manque de considération est criant. “Je n’ai pas le souvenir qu’on ait eu un mot pour les jeunes lors des comités de concertation. Il est temps que l’on prenne en compte les étudiants.”
Le risque de cette crise sanitaire pour nos jeunes, selon la psychologue Marie-Cécile Remy, est que l’on place le sentiment d’appartenance sur la santé mentale. “C’est une réalité, mais il est nécessaire de leur offrir d’autres façons de continuer à se construire en tant que jeune.”
Nombreux sont d’ailleurs les étudiants à se réinventer en prenant part autrement à des moments de partages. “Je pense notamment à l’une de mes patientes qui a lancé un système de bibliothèque virtuelle. Chacun étudie depuis son kot, mais est face à une webcam. Il y a donc le sentiment d’être ensemble.” D’autres choisissent de s'investir dans le bénévolat ou dans d’autres services à la communauté.
Avec la pandémie, ce sont certains rites de passage qui ont disparu, comme les bals de rétho’ ou encore la distribution de roses à la Saint-Valentin. “Il ne leur reste plus que le travail scolaire, car la dimension de plaisir et récompense a disparu. Ce sont leurs repères qui sont bouleversés”, explique la psychologue.
“Les plus fragiles vont avoir leur attention focalisée sur une information émotionnelle négative. La pleine conscience peut alors les aider. Il s’agit d’un ré-entrainement, au cours duquel on va mettre son attention sur une information émotionnelle positive. On va modifier sa relation à ses pensées, à ses émotions, à ses sensations et impulsions.”
Comment faire pour aller mieux?
- Rester attentif à ce qui nous provoque du plaisir au quotidien. Pour certains, ce sera regarder une série. Pour d’autres, faire du sport avec un ami. “Il faut retrouver une dimension du plaisir, de manière individuelle mais avec un sentiment d’appartenance.”
- Le froid peut être une source de démotivation à se retrouver au parc. “Alors pourquoi pas intégrer un mouvement de jeunesse par exemple ou jouer avec d’autres grâce à certaines applications qui proposent des “escape games” à partir de chez soi. “La vie sociale est partout.”
- Les adultes qui entourent les jeunes doivent leur montrer qu’ils sont là et tenir compte de leur rapport au monde et au temps. “Et leur enseigner l’acceptation et l’espoir, leur donner un espace de parole. Le tout est d’être des exemples imparfaits.”
- Investir les souvenirs positifs peut aider ou se projeter positivement pour garder espoir.
- “Si la difficulté est trop grande, il ne faut pas hésiter à faire appel à des professionnels.” Marie-Cécile Remy conseille notamment de se tourner vers la Ligue Bruxelloise de la Santé Mentale, qui a mis en place des points d’écoute pour les 15-25 ans.
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