Marc Van Ranst et Geert Molenberghs: “Les coiffeurs? Sans ce variant, on aurait pu rouvrir, mais c’est infaisable”
InterviewLe variant britannique cause actuellement 25% des contaminations dans notre pays. S’en prémunir n’est donc plus une option. Cette variante sera bientôt, chez nous aussi, la souche dominante du coronavirus, tandis que l’autre variante va s’éteindre. Le virologue Marc Van Ranst et le biostatisticien Geert Molenberghs expliquent à quoi nous attendre pour la suite. “Un géant s’endort et un autre se réveille. Et celui qui se réveille est plus grand que le précédent. Il est nécessaire d’agir”.
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Le variant britannique est lâché chez nous. Ce n’est pas de bon augure.
Geert Molenberghs (université de Louvain et d’Hasselt): “Absolument. Jusqu’ici, on parlait de nombre total de cas. Maintenant on parle en pourcentages. Le variant britannique fait actuellement environ 25% des contaminations chez nous. Un chiffre basé sur l’échantillonnage seulement. Mais tant le labo de Louvain que celui de Liège arrivent à ce résultat, même s’il peut y avoir un peu de marge d’erreur. Combinez ça avec la hausse des courbes - contaminations, admissions à l’hôpital et même mortalité - plus les indicateurs de terrain comme les signaux inquiétants émanant des médecins. Ajoutez à cela les foyers dans les écoles, maisons de repos et hôpitaux. Il y a une seule conclusion: les signaux ne sont pas favorables”.
On a en réalité trois épidémies
Marc Van Ranst: (virologue à la KULeuven) “Nous avons actuellement en réalité trois épidémies. Tout d’abord la souche normale, qui se répand normalement. On avait celle-là plus ou moins sous contrôle grâce aux mesures actuelles et cette souche continue de diminuer. Les deux autres épidémies sont celles des variantes, la britannique et la sud-africaine. Les deux ont été importées suite aux retours de l’étranger. On aurait voulu l’éviter et on aurait pu le faire en ne voyageant pas, comme le demandent les virologues depuis des mois. Le variant sud-africain ne se trouve qu’à Ostende, pour l’instant. Le britannique, lui, est partout et gagne du terrain, c’est évident”.
On lit de tout sur la contagion du variant britannique: tantôt 50 à 70% plus contagieux, tantôt 30 à 50%, tantôt 30%. Finalement, c’est combien?
Marc Van Ranst: “La réponse la plus honnête c’est qu’il est très difficile de mettre des chiffres dessus. La vérité doit être au milieu”.
Geert Molenberghs: “Si vous comparez les différentes études, ça situe à 33% environ”.
C’est moins que ce qu'on nous annonçait, c’est une bonne nouvelle alors?
Marc Van Ranst: “Non. Le variant britannique se transmet juste plus facilement. Même avec un tout petit pourcentage, cela deviendrait une souche dominante”.
Geert Molenberghs: “Si c’était un tout pourcentage, on pourrait dire que oui. Mais même 30% plus contagieux, c’était déjà une énorme hausse de la contagion. On a vu en Angleterre et en Irlande comment ce variant peut prendre le dessus très rapidement”.
Oui mais les Anglais et les Irlandais, eux, se lâchaient dans les virées au pub et en famille. Pas nous. Nous avons eu des règles très strictes. Des mesures qui nous ont conduits à des niveaux acceptables que nous avons maintenus jusqu’ici.
Marc Van Ranst: “Les mesures actuelles étaient suffisantes pour contrôler les souches normales sous contrôle. Leur impact sera moindre sur les autres variants”.
Les enfants de primaires ont encore le droit à quasiment tout après l’école. Pour les 12-18 ans, presque tout est interdit, ne faut-il pas revoir cela?
Donc si on ne veut pas que la situation dérape, nous n’avons pas d’autre choix que...
Geert Molenberghs: “... que d’agir. Nous ne devons pas sur le champ sortir l’artillerie lourde et reconfiner totalement tout le monde. Mais vous devez regarder où les propagations se font actuellement. J’envisagerais donc quand même, comme Frank Vandenbroucke l’a dit dans une interview d’ailleurs, de revoir ce qui est autorisé au niveau des activités en dehors de l’école, comme le sport et les mouvements de jeunesse. Les enfants de primaire ont absolument droit à tout. Pour la catégorie des 12-18, presque rien. Ne faut-il pas revoir tout cela? Réduire le tout, mais maintenir pour tous les activités sûres en extérieur. Limitées et en bulles fixes”.
Pourquoi agir à ce niveau? Ce n’est pas que le variant britannique soit plus contagieux chez les enfants.
Marc Van Ranst: “Il est plus contagieux chez tout le monde. Donc chez les enfants aussi”.
Ne pas tester le port du masque en primaire, c’est se diriger vers la fermeture pure et simple des écoles
Geert Molenberghs: “On a toujours eu un peu l’impression que le virus ne se propage pas chez les enfants de primaire. C’était un peu optimiste. C’était bien sûr le cas, mais juste moins parmi eux. Mais un variant plus contagieux comme le britannique permet de voir le réseau de propagation. Et nous le voyons de manière très évidente actuellement”.
Marc Van Ranst: “À un moment donné, vous dépassez un seuil qui n’est plus raisonnable. C’est là qu’il faut intervenir, notamment via le masque dans les classes de primaire”.
Geert Molenberghs: “Concernant le masque à l’école, le GEMS n’en parlait que pour les 5e et 6e primaire. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet, sans jamais parvenir à un avis concordant. Imaginons que nous changions les choses au niveau des activités extra-scolaires et réalisions que ce n’est pas suffisant. Alors nous devons oser nous poser la question de tenter en plus le port du masque dans les écoles primaires. Si nous ne le faisons pas, nous nous exposons à une fermeture pure et simple des écoles. C’est un débat très sensible avec toutes les parties concernées. Mais il faut pouvoir l’envisager. Et vite. Les gens demandent une preuve que le masque à l’école est efficace contre le variant britannique. Je ne peux pas vous la donner comme ça. Car partout où ce variant circule beaucoup - Irlande, Angleterre, Pays-Bas - les écoles sont fermées. Mais si on ne tente pas, on ne le saura jamais. Et puis il y a le principe du risque asymétrique. Je pouvez l’instaurer et constater que cela n’est pas suffisant. Alors, il faut aller plus loin dans les mesures, certes, mais au moins on aura essayé autre chose avant. Et à l’inverse, si ça pouvait fonctionner et qu'on ne l’a pas tenté, on aura choisi de faire directement plus de dégâts”.
La phase exponentielle est en réalité déjà en cours, c’est juste que les chiffres globaux ne le montrent pas encore très clairement, et ce à cause du recul des chiffres du variant classique
Où peut-on encore gagner du temps?
Geert Molenberghs: “En suivant scrupuleusement les règles actuelles. C’est comme des tranches de gruyère: il y a des trous. Mais plus vous empilez les tranches, moins il y a de risques de voir ces trous. Interrompre les voyages était important. Gérer les foyers aussi. On fait déjà tout cela. On n’hésite plus à tester toute une école ou un quartier. Idem dans les endroits où il y a des interactions, comme le lieu du travail”.
Marc Van Ranst: “Ce sont les options possibles. Aux politiques de prendre les décisions. Je remarque, dans ce gouvernement, qu’on est prêt à réagir vite. Mais il faut encore et toujours trouver un consensus. Entre les différents avis, entre les différentes entités du pays. Et parfois, ça dure encore un peu avant que cela ne bouge vraiment”.
Si on décidait sur base des chiffres actuels, des 25% de contaminations attribuées au variant britanniques, de la contagion 33% plus élevée, de ne rien toucher à la politique actuelle. Qu’est-ce qui se passerait exactement?
Geert Molenberghs: “Alors ça dérapera très vite. Les problèmes liés aux fameux gène S se multiplieront et pas seulement le variant britannique. Le taux de reproduction est évalué à 1,5 voire 2. Le taux de dédoublement du virus se fait sur 4 jours. On ne peut pas extrapoler à tous les chiffres, car cela ne concerne évidemment qu’une partie des contaminations. Mais ce qui est sûr, c’est que la souche dite classique du virus s’éteint et que sous peu, c’est ce “gène S dropout” qui va prendre la main. En fait, cela nous signifie qu’on est à l’aube d'une troisième vague, sans savoir si celle-ci va réellement se produire. La phase exponentielle est en réalité déjà en cours, c’est juste que les chiffres globaux ne le montrent pas encore très clairement, et ce à cause du recul des chiffres du variant classique, qui a un effet stabilisateur sur la courbe exponentielle des nouveaux variants”.
C’est pour cela qu'on entend souvent qu’on est juste en dessous du niveau de l’eau.
Geert Molenberghs: “Un géant s’endort et l’autre se réveille. Mais celui qui se lève maintenant est bien plus gros que le précédent. On l’a vu en Irlande. Leur courbe a même été verticale, comme un mur. Cela s’améliore un peu maintenant. Mais cela a pris des semaines. Si on perd une fois de plus quelques jours - par exemple si on attend que l’incidence soit à nouveau entre 300 et 400 - ça va faire très mal”.
Les virologues sont inquiets, c’est très clair. On va une fois de plus être surpris de voir comment cela va évoluer de manière exponentielle
Marc Van Ranst: “Les virologues sont inquiets, c’est très clair. On sent la 3e vague arriver. Et on l’a dit, on va une fois de plus être surpris de voir comment cela va évoluer de manière exponentielle au niveau des courbes. Et cela ira cette fois-ci encore plus vite vu la capacité de contagion du variant”.
Les coiffeurs: ils n’ouvriront pas le 13 février, n’est-ce pas?
Geert Molenberghs: “La date donnée, c’était à condition que les courbes s’améliorent entre-temps...”
Marc Van Ranst: “Sans les variants britannique et sud-africain, on aurait pu les rouvrir. Maintenant? Cest totalement infaisable”
Question-clé? Je lis toujours que vacciner est une course contre la montre. Mais si les vaccins fonctionnent contre le variant sud-africain, rien n’est moins sûr.
Marc Van Ranst: “En effet, c’est le grand danger. Il nous faut donc vite un autre vaccin. On a la technologie mRNA, ce n’est donc pas si difficile. J’espère que Pfizer et Moderna sont déjà occupés à adapter leurs vaccins aux variants. Et déjà vacciner les gens avec ces nouveaux produits, pour voir s'ils neutralisent bien les nouvelles souches”.
Mais on a déjà commandé de nombreuses doses à AstraZeneca et Johnson&Johnson. Ce ne sont pas des vaccin de type mRNA.
Marc Van Ranst: “Ce sera en effet plus compliqué pour eux. Je voudrais aussi en savoir plus sur ce qui se passe du côté de ces fabricants. Car des essais cliniques, il ressort que des personnes-tests ont malgré tout été contaminées. Sait-on avec quelles souches? Et il y a eu des essais en Afrique du Sud. Etait-ce avec la souche sud-africaine? Nous devons abolument savoir pourquoi le vaccin n’a pas marché chez certains: c’est ça, l’info capitale aujourd’hui”.
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