Vacciner ou pas les enfants? Le vaccinologue Pierre Van Damme fait le point
La préparation de la campagne de vaccination anti-covid des enfants de 5 à 11 ans se poursuit dans l’attente des avis du Conseil supérieur de la Santé et du Comité de Bioéthique qui devraient être rendus le 16 décembre prochain. Il y a de fortes chances que les deux institutions donnent leur feu vert. Une mesure fondée? L’avis du vaccinologue Pierre Van Damme (Université d’Anvers), interrogé par Het Laatste Nieuws.
La vaccination des enfants divise la population... mais aussi les experts. Ainsi, le Dr Tyl Jonckheer, coordinateur de la Task Force pédiatrique belge, refuse de s’exprimer pour le moment sur la question: “Le sujet est très sensible, pour de multiples raisons, à la fois éthiques, médicales, épidémiologiques et sociales”, a-t-il confié. Dernièrement, le microbiologiste Herman Goossens affichait la même réserve. Deux aspects posent problème, selon lui: premièrement, les enfants sont “à peine affectés par le virus”; deuxièmement, ils devraient être vaccinés “pour protéger les adultes, dont ceux qui ne veulent pas être vaccinés”. Au lieu de vacciner les enfants, il faudrait avant tout rendre la vaccination obligatoire pour les adultes, estime-t-il.
“La recommandation n’est pas faite à la légère”
Le vaccinologue Pierre Van Damme est parfaitement conscient de la complexité de la situation. “Je tiens à souligner que la recommandation de vacciner les jeunes enfants n’est pas faite à la légère”, souligne-t-il toutefois. “Il y a eu deux réunions d’un groupe de travail spécifique au sein même du Conseil supérieur de la santé pour préparer cet avis. Ce groupe de travail est composé de pédiatres qui viennent partager leurs recommandations. Ces informations sont prises en compte puis analysées en regard des avantages pour l’enfant et la société. Il s’agit d’une première étape, en amont, pour transmettre le fruit d’une profonde réflexion au Conseil supérieur de la santé. Parallèlement, le Comité de Bioéthique se concentre spécifiquement sur les aspects éthiques de la démarche, inscrite dans le contexte particulier d’une pandémie”, commente-t-il.
Six millions d’enfants déjà vaccinés aux États-Unis
La Belgique n’est évidemment le premier pays à envisager la vaccination des enfants de 5 à 11 ans. Le régulateur italien a donné son feu vert et la campagne de vaccination tourne déjà à plein régime en Israël et aux États-Unis. Chez ses derniers, cinq millions d’enfants ont reçu leur première dose du vaccin et un million les deux. “Nos confrères américains nous transmettent soigneusement toutes les données”, précise Pierre Van Damme. “Le vaccin de Pfizer est un vaccin élaboré sur mesure pour les enfants: il contient un tiers de la dose administrée aux adultes. Aucun cas grave n’a été signalé, à ce stade. L’impact se limite à des effets secondaires classiques - douleurs musculaires, état grippal, rougeurs, fièvre - similaires à ceux des vaccins contre la coqueluche et le tétanos. Ces effets secondaires durent deux jours maximum puis disparaissent. Pas un seul cas de myocardite (NDLR: inflammation du principal muscle cardiaque, dont des cas ont été constatées chez les adultes) n’a été signalé”, insiste-t-il.
“C’est particulièrement rassurant pour les parents”
“C’est particulièrement rassurant pour les parents”, se réjouit Pierre Van Damme. “Huit milliards de vaccins ont été administrés à ce jour, à travers le monde, avec de très bons résultats. Il est normal que les parents veuillent savoir ce que cela implique pour leurs enfants. Hormis les États-Unis, nous recevons également des données rassurantes en provenance d’Israël mais aussi du Canada et de l’Autriche, où la campagne de vaccination des enfants de 5 à 11 ans a déjà débuté. Lorsque le Conseil supérieur de la santé prendra sa décision le 16 décembre prochain, de nombreuses données auront été collectées”, ajoute-t-il.
Si les enfants tolèrent le Covid, pourquoi les vacciner?
Depuis le début de la pandémie, très peu d’enfants ont été gravement touchés par le Covid-19. Il est dès lors légitime de se demander s’il est réellement utile de les vacciner. Pierre Van Damme n’est pas d’accord. “Si l’on privilégie ce scénario, à savoir, laisser le virus se répandre, il va falloir procéder à des fermetures de classes, voire d’écoles”, prévient-il. “C’est ce qu’il est en train de se passer, avec des conséquences désastreuses sur les conditions d’apprentissage. En outre, les enfants contaminés ramènent le virus chez eux. Les parents deviennent dès lors ‘cas contact’, ce qui entraîne ensuite une mise en quarantaine avec des conséquences professionnelles potentielles. Puis, le virus continue de circuler, notamment chez les grands-parents aux défenses immunitaires fragilisées", argumente Pierre Van Damme.
La contamination, une protection à durée limitée
“Les personnes contaminées par le coronavirus ne bénéficient pas non plus d’une protection à vie. Nous avons maintes fois constaté qu’une ancienne infection ne protégeait pas contre un nouveau variant. Si on laisse le virus se répandre, on prend le risque de voir fréquemment émerger des épidémies dans les écoles, ce qui n’est évidemment pas le but recherché. Avec le vaccin, vous pouvez influencer la protection de manière plus ciblée. En bref, laisser le virus circuler chez les enfants n’est pas sans conséquences même si le COVID-19 ne constitue pas, en soi, un risque majeur pour cette tranche d’âge”, précise-t-il.
La Belgique est-elle prête?
La Belgique est-elle prête pour vacciner tous ces enfants? “L’organisation est en train de se mettre en place, ce qui implique l’ouverture de centres de vaccination et la commande des vaccins. Rien n’a encore été décidé, me direz-vous? Certes mais nous voulons être prêts si le gouvernement nous donne le feu vert. Nous recevons aussi beaucoup de courrier de parents qui attendent ce vaccin, il faut aussi le rappeler.”
Ce qu’ils en pensent
Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé
Vandenbroucke est un fervent partisan de l’utilisation d’un vaccin pour les jeunes enfants. Il espère que les enfants âgés de cinq à onze ans pourront être vaccinés dès le mois de janvier. “Nous attendons le feu vert de l’Agence européenne des médicaments (EMA)”, a-t-il déclaré début novembre. “Nous voulons être prudents avec cela. Un tel vaccin - comme tout médicament - doit être homologué.”
Entre-temps, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a donné son feu vert à un vaccin Pfizer BioNTech destiné aux enfants âgés de cinq à onze ans. En Belgique, le Conseil supérieur de la santé et le Comité de bioéthique doivent encore se prononcer sur la question.
Bénédicte Linard, ministre de la Santé de la fédération Wallonie-Bruxelles
La ministre compte se baser sur les avis, qui arriveront prochainement, du Conseil Supérieur de la Santé et du Comité Consultatif de Bioéthique à propos d’un début éventuel, sur une base volontaire, de la vaccination des enfants de 5 à 11 ans. En matière de vaccination, elle rappelle par ailleurs qu’il s’agit en priorité de poursuivre l’effort de vaccination pour les tranches d’âges recommandées.
Christie Morreale, ministre de la Santé wallone
Tout comme son homologue Bénédicte Linard, Christie Morreale attend les avis du Conseil Supérieur de la Santé et du Comité Consultatif de Bioéthique.
Herman Goossens, professeur de microbiologie à l’UAntwerpen
Pour M. Goossens, la vaccination des jeunes enfants âgés de cinq à onze ans est une “discussion éthique”. “On vaccine pour deux raisons : pour se protéger soi-même et pour éviter de contaminer les autres. Le nombre de complications dues au Covid-19 chez les jeunes enfants est très faible”, a déclaré M. Goossens à “De Zevende Dag” sur Eén. “Pour les enfants eux-mêmes, nous n’avons pas à le faire pour l’instant. C’est donc pour éviter que d’autres personnes soient infectées. Mais si les gens refusent toujours un vaccin, est-il défendable de faire vacciner les enfants avant d’introduire la vaccination obligatoire pour les adultes ?”
M. Goossens précise en outre que les enfants ne tombent généralement pas gravement malades à la suite d’une infection, à moins qu’il n’existe des conditions sous-jacentes. “S’il n’y avait pas de pandémie, nous ne donnerions jamais ce vaccin aux enfants”, dit-il. Selon le professeur de microbiologie, il est préférable d’attendre des études supplémentaires sur les risques pour les enfants. Il remet également en question le calendrier de vaccination. “Faut-il donner aux enfants deux vaccins et un rappel ? Omicron peut toujours repousser Delta. En outre, nous ne savons pas encore si les vaccins offrent une protection suffisante contre omicron. Nous ne pouvons certainement pas nous permettre de vacciner de jeunes enfants trois fois par an alors que d’autres personnes refusent catégoriquement de le faire.
Dirk Ramaekers, chef du groupe de travail fédéral sur la vaccination
M. Ramaekers souligne également que la décision de vacciner les enfants âgés de cinq à onze ans contre le coronavirus est prise avec “une grande prudence”. “Pour le moment, l’évaluation de l’EMA nous donne suffisamment de garanties que le vaccin est sûr et utile pour les jeunes enfants”, dit-il.
Selon M. Ramaekers, ce serait “une erreur” de lancer rapidement un programme de vaccination des enfants. “J’ai aussi des enfants. Si nous allons trop vite maintenant, nous rendrons service au mouvement anti-vaccination. De plus, leur vaccination ne nous aiderait pas soudainement à sortir de la quatrième vague. Le développement de l’immunité prend trop de temps. Les mesures actuelles sont beaucoup plus efficaces dans cette optique.”
Steven Van Gucht, virologue
Le virologue ne pense pas qu’il soit approprié de vacciner les enfants âgés de cinq à onze ans contre le coronavirus. “Les jeunes enfants ne tombent pratiquement jamais malades à cause du coronavirus. Ils ne profitent donc pas beaucoup du vaccin. Si vous les vaccinez, vous le faites en fait pour la société : pour obtenir plus rapidement une immunité de groupe. Mais là encore, on peut se poser des questions éthiques à ce sujet. Les vaccins ne devraient-ils pas aller d’abord aux pays pauvres, avant que les pays riches ne vaccinent les jeunes enfants ? Le Haut Conseil de la santé devra examiner cet argument, parmi d’autres.”
M. Van Gucht a également précisé qu’il pourrait encore s’écouler des mois avant que le vaccin pour les jeunes enfants ne soit disponible sur le marché. “Peut-être ne sera-t-il alors plus nécessaire de vacciner les jeunes enfants. Ils auront déjà été en contact avec le virus, de sorte qu’ils développeront automatiquement une immunité. Une campagne de vaccination à grande échelle ne sera alors plus nécessaire non plus.”
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