Benoît Poelvoorde: "Je joue un gros con raciste"

C'est un Benoît Poelvoorde en grande forme qui a pris place, cette après-midi, face à la presse belge pour la promo du dernier film dont il est le héros, Rien à déclarer. Dire que le nouveau long-métrage de Dany Boon est attendu est un euphémisme. Le monde entier a les yeux rivés sur l'après Ch'tis et pour l'avoir déjà vu, on peut vous assurer que le virage a été négocié avec talent et drôlerie : vous vous bidonnerez pendant 1h48.

Benoît Poelvoorde y interprète Ruben Vandervoorde, douanier belge zélé et francophobe empli de mauvaise foi. Son credo? "La Belgique est le plus beau des pays et la France est un pays de gros abrutis." Ruben, à son grand désespoir, se voit contraint, suite à la disparition de leur poste frontière à cause du passage à l'Europe, d'inaugurer la première brigade volante mixte franco-belge. Dans la 4L toute pourrie des douanes avec lui : Mathias Ducatel, collègue français fou amoureux en secret de sa sœur.

Rencontre avec un acteur déchaîné, toujours partant pour farcer. Attention, interview au débit à 100 à l'heure...

"Rien à déclarer" traite du racisme entre les Français et les Belges. Vous pensez que ça ferait rire si ça se transformait en racisme Flamands-Wallons ?
Oui, je pense qu'on pourrait faire un film là-dessus. On est d'ailleurs con de ne pas le faire. On pourrait faire un film où on montre un gros con de raciste flamand qui fout la merde. Ca serait le bon moment pour le faire. On a commencé le film de Dany au moment où le gouvernement a explosé, au moment où le gros a commencé à faire ch... J'ai dit : c'est pas possible, tu vas commencer un film où on parle de la Belgique. Si ça tombe, on va le présenter au moment où il n'y aura plus de Belgique. Bon, le pays existe toujours mais on n'a plus de gouvernement, je trouve ça incroyable. Je me suis dit qu'avec mon personnage, qui est un connard absolu, on allait peut-être fédérer les deux parties du pays. Peut-être que Dany va réussir ça : nous fédérer. Même si Ruben est excessif et qu'il est con et que ce n'est pas parce qu'il aime son pays qu'il faut nécessairement en détester un autre, peut-être que ça nous permettra de nous rassembler. Je ne me suis en tout cas jamais dit qu'on allait faire la promo du film sans gouvernement dans le pays. Je pense que faire un film maintenant à ce sujet, ça serait peut-être la meilleure façon d'en rigoler. Je vais faire une projection privée avec Bart de Wever, pour voir s'il réagit. (Et d'hurler en imaginant la scène:) Ca te parle le film ou pas, Bartie?

Votre personnage est assez violent. Ca faisait longtemps que vous n'aviez pas joué un méchant...
Il est gonflé quand même ce bonhomme. Un jour, un petit garçon m'a quand même demandé si je tire vraiment dans le dos des gens. C'est quand même culotté de démarrer avec ça. Dès le début, il dézingue assez vite. Ca faisait longtemps que je n'avais pas pris un flingue et je dois dire que j'en ai pris un certain plaisir. Je dis ça pour ceux qui voudraient m'engager dans un rôle de tueur.

Vous pensez que Ruben s'en veut d'être aussi raciste ?
Il ne faut jamais condamner son personnage. Je pense que le fait qu'il aille à l'Eglise, ça doit vouloir dire qu'il culpabilise mais il est un peu faux-cul. Il a plutôt peur qu'il y ait un poste de douanes à l'entrée du paradis et qu'on ne le laisse pas passer. Dans une comédie, normalement, on peut sauver les personnages. Mais je pense qu'on ne change pas les gens, il reste raciste. L'avenir, c'est son gamin, qui est plus malin que lui. Je suis un fou de De Funès et je vais vous dire : les moments où je suis le plus mal à l'aise avec De Funès, c'est quand il est gentil. Dans la scène de fin des films de De Funès souvent, tout va bien pour le monde entier et il doit échanger un sourire avec Galabru ou un autre avec lequel il a été odieux. Je me disais : pourquoi il serait gentil tout à coup ? Je trouvais ça faux. Donc je pense personnellement que mon personnage ne s'en veut pas des masses. Il a été élevé par un père raciste, il est raciste et on ne le changera jamais. Je ne pense pas qu'il tire des leçons. Mais c'est une bonne leçon de vie : on ne change pas les gens.

Vous jouez un douanier. Quel est votre rapport à la frontière ?
Il y a un truc jouissif... Il y a parfois encore des douanes volantes et il n'y a rien à faire : quand tu passes devant eux, tu te raidis dans ton siège, tu arrêtes ta conversation. Ils te regardent, la main sur le ceinturon. Tu ne sais pas s'ils vont arrêter ta bagnole. Ils descendent un peu la tronche et tu ralentis. Cette trouille qu'on a, même quand on n'a rien à se reprocher, on la garde. Je ne peux pas m'empêcher de tirer une tête d'innocent. Je me suis fait arrêter une seule fois : quand on est allé se présenter pour faire les essayages de costumes en France et se faire raser les barbes pour voir les moustaches qu'on allait avoir. J'avais dit à Bouli : viens, je te conduis. C'est la seule fois en 17 ans que je me suis fait arrêter. Tout ça pour dire que c'est jubilatoire d'être de l'autre côté, de pouvoir être celui qui arrête les voitures arbitrairement. Ce petit sentiment de puissance avec la main sur le ceinturon, il n'y a rien de tel. Je conseille à tout ceux qui ont un petit moment de déprime d'aller se louer un costume et de tenir la position, main sur le ceinturon donc, en donnant des ordres.

C'est la 8e fois que vous jouez avec Bouli Lanners. Vous avez déjà aussi joué avec François Damiens. Jouer avec ses copains, c'est une chose qui vous donne envie d'accepter un projet ?
J'aime tourner avec eux, comme ça, ce n'est pas moi qui paie la bouffe! (Rires) Vous savez, on est tous très amis dans la vie. On n'a pas beaucoup de propositions de travail ensemble. On se voit plus dans la vie que dans les films. Mais bon, maintenant, on a ouvert notre cercle d'amis : on a accueilli Dany, il paie sa petite cotisation. On a la chance en Belgique de tous se connaître. C'était un cadeau magnifique. Quand on nous a dit le casting, j'ai dit : Et on va être payé, tu le crois ça ? On nous aurait réunis, trois mois, gratos, on l'aurait fait. Mais il ne faut pas le dire à Dany.

Déborah Laurent

Un grand concours vous permettra notamment de rencontrer Benoît Poelvoorde et Dany Boon. Rendez-vous le 17/01 sur 7sur7.be pour tous les détails et demain, pour l'interview de Dany Boon. Les interviews de Bouli Lanners et François Damiens ainsi que la critique du film vous seront également proposées dans les jours à venir. Film événement, chaud devant!