27 secondes d'inattention après un appel ou message au volant

"Appelle Maman, Siri" et hop, on passe la troisième. Certes, c'est sans doute mieux que de chipoter une minute dans votre répertoire de téléphone mais cela n'est pas sans risque. L'université de l'Utah s'est penchée sur la question pour la Fondation américaine de la Sécurité routière et ses conclusions sont édifiantes: qu'il s'agisse d'un SMS, de l'ordre de passer un appel, de rentrer une adresse dans le GPS, d'un changement de musique ou autre simple directive, les commandes vocales qui permettent d'effectuer toutes ces opérations en "mains libres" restent trop distrayantes pour un conducteur.

Même les directives vocales les plus simples
Les chercheurs ont procédé en deux étapes pour étudier le comportement de l'automobiliste et ses troubles de l'attention au volant. Ils ont tout d'abord étudié ses réactions après utilisation de Microsoft Cortana, Siri d'Apple et Google Now. Même sans les mains, la composition de numéros de téléphone, l'appel d'un simple contact via son nom, le changement de musique et l'envoi de textos dictés oralement ont été considérés comme ayant un pouvoir "hautement distractif".

Une autre étude s'est penchée sur les commandes vocales (répondant aux mêmes fonctions hormis l'envoi de messages texte) des systèmes intégrés dans dix modèles de voitures sortis en 2015. Trois étaient modérément distractifs, six hautement et enfin le bonnet d'âne revient à la Mazda 6 2015, "extrêmement distractive" pour l'automobiliste.

Trop frustrantes
"Ce n'est pas simplement parce que ces systèmes existent à bord de votre voiture que les utiliser en conduisant est une bonne idée", prévient David Strayer, professeur de psychologie à l'Université de l'Utah qui a dirigé les deux recherches conjointes. "Ces équipements sont encore très perturbants pour le cerveau, très prompts à commettre des erreurs et donc très frustrants pour l'utilisateur. Il y a encore bien trop de personnes qui se tuent au volant parce qu'elles sont distraites en cours de route, alors leur mettre entre les mains une source d'inattention supplémentaire n'est pas une bonne idée. La meilleure solution? Ne pas utiliser ces options en conduisant", conclut-il sur base des résultats de ses recherches.

L'étude a également démontré que, contrairement aux idées reçues, l'habitude de manier ces technologies ne diminue pas le risque de distraction. Un "bon père de famille" habitué à la fois aux contraintes du trafic et aux modèles de voitures équipés de ces systèmes onéreux d'"infotissement" n'est pas plus à l'abri de la distraction que ses homologues qui viennent de passer le permis.

Trois terrains de football pour un "Ok"
D'autre part, même en roulant à 40 km/h seulement, le conducteur aura besoin d'au moins 27 secondes pour se reconcentrer sur la route après avoir été en contact avec une des commandes vocales de son téléphone ou de sa voiture. Cela signifie qu'il lui faudra parcourir l'équivalent de la longueur de trois terrains de football pour que sa concentration redevienne totale... Largement de quoi être confronté à un usager faible ou un autre véhicule. Et il en va de même lors d'une utilisation à l'arrêt au feu rouge, par exemple.

"La plupart des gens pensent qu'en raccrochant, il sont à nouveau en sécurité. Mais ce n'est pas le cas, il faut étonnamment très longtemps pour que l'attention soit à nouveau là. Même l'envoi d'un très court SMS de quelques lettres ajoute encore 30 secondes d'inattention..."

Mal conçues
Un autre chercheur en conclut pour sa part que les systèmes de commandes vocales ne sont "pas encore prêtes". "C'est déjà un équipement systématique à bord des nouvelles voitures et cela apparaît comme une alternative sûre aux commandes manuelles mais la réalité est que les commandes vocales ne fonctionnnent pas encore assez bien pour assurer la sécurité de l'utilisateur", explique Joel Cooper. "Tous ces systèmes ont été ajoutés aux voitures dans un seul et même but: le divertissement tel que Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Facetime etc. On essaie désormais de divertir le conducteur plutôt que de le laisser se concentrer sur le trafic".

L'étude a été menée sur plus de 320 automobilistes entre 21 et 70 ans n'ayant eu aucun accident au cours de cinq dernières années. Tous ont au préalable été invités à se familiariser cinq jours durant avec les commandes vocales proposées et ce avant d'être soumis à des tests de réactivité et de concentration sur la route.