“Montre jamais ça à personne”: pourquoi vous devez absolument voir le documentaire sur Orelsan

Rien ne prédestinait Aurélien Cotentin, né en août 1982 à Alençon, près de Caen, à devenir Orelsan, sept fois primé aux Victoires de la musique, habitué aux disques d’or et de platine, et capable de mettre le feu à des salles aussi grandes que Bercy. Et c’est ce que Clément, son petit frère, se plaît à démontrer dans six épisodes d’une trentaine de minutes à chaque fois. 

La beauté de ce documentaire, c’est ça: derrière la caméra, il y a Clément, journaliste sportif mais surtout admirateur sans limites de son frère. Ce docu, c’est une déclaration d’amour. Clément filme Aurélien et ses trois indéfectibles amis, Gringe, Skread et Ablaye, depuis toujours, quand ils n’étaient personne et qu’ils ne décollaient pas du canapé. Clément filmait quand ce n’était pas cool de le faire. Comme s’il savait qu’un jour, la carrière de son frère allait exploser. 

Et parce que c’est son frère qui filme en temps réel et que les images ne sont destinées à rien de précis, Orelsan ne joue pas. Il ne cherche pas à être ce qu’il n’est pas. “Montre ça à personne" est d'ailleurs une phrase qu’Aurélien lance à Clément, tandis qu’il le filme en train de faire des lessives dans l'hôtel où il est veilleur de nuit.

C’est le documentaire le plus authentique qu'il nous ait été donné à voir. Et forcément, le plus touchant. 

Jeune, Aurélien est un branleur. Une “énigme” pour sa mère. Il donne l’impression de n’avoir aucune ambition. En réalité, il a un objectif: faire de la musique. Il ne pense qu’à ça, c’est la seule chose qui l’anime, la seule chose qui le motive à sortir du lit. Tous ses choix vont dans la même direction. Par exemple, quand il accepte un job de veilleur de nuit dans un hôtel, c’est seulement parce qu’il sait qu’il aura du temps pour écrire.

En réalité, Orelsan est un branleur-travailleur. On découvre que les deux ne sont pas forcément incompatibles. Ce docu nous montre en fait que l’ambition, ce n’est pas forcément l’image qu’on en a. Orelsan, avec sa diction traînante (“Quand je parle, les gens croient toujours que je me fous de leur gueule”, dit-il, à raison), n’a rien du mec qui veut écraser les autres. Il ne donne pas de coups de coude: au contraire, il tend la main. 

Orelsan, au sommet, aurait pu s'affranchir de son copain Gringe, plus torturé que lui, perpétuellement en train de douter de ses capacités. Mais la réussite n’intéresse Orel que si elle est collective. 

Alors que sa carrière explique, il retourne chercher Gringe, il lui propose un projet en duo. Ils font naître “Les casseurs flowters”. Orelsan veut réussir mais il veut aussi, et surtout, s'amuser. Alors ils se marrent à deux et là encore, l’accueil du public dépasse tout ce qu’ils s'étaient imaginés. Gringe confie dans le documentaire que la confiance qu'il a fini par gagner, il la doit à Orelsan, son pote qui a toujours cru en lui.

Ce qui marque dans ce documentaire, c’est la stabilité amicale et professionnelle d’Orelsan. Il est entouré des mêmes personnes depuis plus de vingt ans. Skread, Gringe, Ablaye et Clément sont sa base, ceux qui le connaissent le mieux, ceux qui l’encouragent, le recadrent, le rassurent, l'accompagnent. Orelsan et Skread n’ont pas grand-chose en commun mais ils se complètent, comme deux pièces d'un puzzle. Et quand Orel doute, Skread est là pour montrer la voie à suivre. Orelsan est un garçon fidèle et c’est beau.

Clément filme Orelsan avec sa mère, son père et leurs grands-parents. Les deux garçons n’ont pas honte de leurs origines modestes. C’est la vraie vie, ils n’enjolivent rien, et c’est hyper rafraîchissant. On les voit déambuler à Caen, traîner dans le salon de la maison familiale à la déco pas forcément très tendance. Aurélien a offert à sa grand-mère son heure de gloire en la mettant en scène dans l’un de ses clips. Les interventions parentales sont savoureuses. Bref, que ceux qui croyaient que “Fête de famille" dépeignait sa réalité familiale revoient leur jugement. 

“Montre jamais ça à personne” nous donne envie d'écouter notre intuition. Il y a une constante dans la vie d’Aurélien: il a toujours fait ce qu’il voulait faire. Il a souvent eu raison. Parfois pas, comme aux Victoires de la musique où la mise en scène d'une grosse bagarre avait laissé le public pantois. Il est obstiné. Ce qui ne veut pas dire qu'il a une incroyable confiance en lui. C’est juste qu’il ne sait pas faire autrement. Il va là où son cœur le porte et où ses amis sont. Et il ne se renouvelle pas parce qu’il se dit que c’est bon pour son image mais parce qu’il s’ennuie. Il n’y a pas de calculs. Il y a des idées, du travail, une passion.

Orelsan sait qu’il est la somme de ses succès et de ses échecs. Il s’est fait démonter lors de la battle de rap au Unkut Contest alors qu’il arrivait en conquérant. Il a oublié d'allumer son micro sur scène lors du premier concert de sa première tournée. Il a été pris dans une polémique ultra médiatisée qui l’a complètement dépassée et qu'il n’a jamais cherchée. Il s’est pris des claques, il a eu des doutes mais chaque matin, il s’est relevé pour continuer. 

“Montre jamais ça à personne” montre que la réussite, c’est une route sinueuse. Et qu’on peut y arriver en restant authentique et sincère dans sa démarche, en travaillant beaucoup et en s’entourant des bonnes personnes. C’est à voir, même si vous n’aimez pas Orelsan. C’est un docu qui va bien au-delà de sa petite personne.