Une scène de viol collectif dans une série flamande fait débat: “C’est écoeurant”

“Longue, détaillée et explicite”: c’est par ces mots que la chaîne publique flamand décrit la scène diffusée dimanche soir, extrait marquant du quatrième des six épisodes de la série “Twee zomers” (Traduisez: ‘deux étés’). “Une scène comme il n’y a sans doute jamais eue dans une série de fiction flamande”, toujours selon la VRT.

Quel est le pitch? Que se passe-t-il exactement? Une soirée entre jeunes, en vacances sur une île du sud de la France, dérape complètement. Droguée, alcoolisée, inconsciente, une jeune femme du groupe se fait violer par deux jeunes hommes, qui sont ses amis. Un autre filme les faits, un quatrième regarde, sans intervenir. Trente ans plus tard, trois des quatre protagonistes masculins se retrouvent sur cette même île au large de la Côte d’Azur et font l’objet d’un chantage à la vidéo. Les images de la funeste soirée refont surface et menacent de chambouler leur vie.

“C’est seulement après un long moment qu’on voit réellement les évènements qui font l’objet d’un chantage”, explique Tom Lenaerts, le réalisateur. “L’objectif était de montrer de quoi s’il s’agit vraiment, de faire réfléchir. Il était important, selon moi, de montrer cette scène de manière explicite pour qu’on puisse se rendre compte de l’impact que peut avoir tel évènement”.

La scène diffusée par la VRT fait évidemment débat. Selon le réalisateur, c’était un choix délibéré de montrer les faits tel qu’ils se sont produits et de ne pas les édulcorer. Cependant, d’autres voix ne partagent pas cet avis.

Pour Liesbeth Kennes, pédagogue sociale et experte en transgression sexuelle, estime que cette scène n’aurait jamais pu être tournée et promue comme ça. “Le viol n’est pas une technique commerciale. Souvent, le viol est une partie de l’histoire. En l’occurrence ici, il s’agit de l’histoire même. Je ne veux surtout pas être le millionième téléspectateur afin que Eén puisse après se féliciter de l’audience. (...) La VRT décrit elle-même la scène comme ‘longue, détaillée, explicite’. C’est écoeurant”.

Lenaerts affirme vouloir apporter de la nuance au débat #MeToo, montrer que tout n’est pas forcément noir ou blanc, mais l’experte monte au créneau: “Pour un viol, le gris n’existe pas. La victime ne peut jamais être l’auteur et les auteurs ne peuvent être présentés comme des victimes”, prolonge-t-elle, déplorant que les conséquences traumatiques pour la victime ne sont pas non plus mises en évidence.

“De plus, des enquêtes sur la violence sexuelle dans les séries ont démontré qu’elle a pour effet qu’aussi bien les hommes que les femmes se mettent soudainement à considérer les faits comme moins graves. Ça ne peut pas être l’intention.”

Avant la diffusion du quatrième épisode, la VRT a publié un avertissement à l’attention des téléspectateurs, indiquant que ce serait un épisode “violent”.

À la fin de l’épisode, la chaîne flamande a renvoyé vers des services d’assistance aux victimes, comme la ligne 1712 destinée à toute personne victime de violences. “Les images du viol collectif sont très explicites et nous savons que cela peut faire ressurgir des traumatismes chez les personnes qui ont elles-mêmes été victimes d’un viol”, a réagi Wim Van de Voorde de la ligne d’aide 1712 en début de semaine.

“Un traumatisme se compose de deux éléments majeurs: un sentiment d’impuissance et le sentiment d’être fondamentalement seul. Par ce biais, la VRT rappelle aux victimes qu’elles ne sont pas seules, c’est un message qui relie”, conclut Nina Callens, psychologue et chercheuse.